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octobre 25, 2018

Quel futur serait le libéralisme (par les socialopithèques, voire libéralopithèques)

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Sommaire

A) Quel avenir pour le libéralisme ? - JEAN-MARC VITTORI - Les Echos

B) De quel libéralisme Macron est-il le nom? - Jérôme Perrier et Telos - Slate

C) Libéral ou capitaliste: ce n’est pas la même chose - Xavier Landes et Claus Strue Frederiksen et David Budtz Pedersen - Slate

D) Libéralisme, ordolibéralisme, néolibéralisme … Quel fondement économique pour le marché intérieur et le droit européen de la concurrence ? - François  CURAN - Paroles de juristes (L'heure fuit, le droit demeure)
 




A) Quel avenir pour le libéralisme ?

Deux intellectuels libéraux débattent pour « Les Echos » de l'avenir du libéralisme. La crise vient-elle des excès de liberté ou est-elle inhérente au capitalisme ? L'économiste Guy Sorman en appelle au droit pour fixer de nouvelles limites. Le juriste Michel Guénaire, lui, préfère en appeler à la morale et à l'éducation.

La crise actuelle remet-elle en question le libéralisme ?
MICHEL GUÉNAIRE. L'expérience libérale des vingt dernières années débouche sur une crise d'une très grande ampleur. Nous vivons dans un monde désorganisé, privé de toute régulation politique. Depuis la chute du mur de Berlin, en 1989, le libéralisme n'a plus été contesté par l'alternative que représentait le socialisme _ radical à l'est de l'Europe, plus modéré à l'ouest. Ses valeurs se sont imposées dans la politique avec la démocratie libérale et ses standards _ le suffrage universel, le système représentatif et la garantie d'une Constitution _ et dans l'économie avec l'essor du droit de la concurrence et la financiarisation de la vie des entreprises. 

GUY SORMAN. Vous avez l'art du portrait en grand, comme le montre votre livre. Je suis plutôt pointilliste. Les valeurs du libéralisme se sont imposées ? C'est plus simplement que la mécanique libérale a été appliquée partout. Pour l'économiste du développement que je fus, il est fascinant de voir que la vie s'est améliorée pour des centaines de millions d'hommes et de femmes avec l'ouverture des frontières de leurs pays, le développement de la concurrence, la régulation monétaire, qui a joué un rôle essentiel en faisant disparaître l'inflation. Un monde désordonné ? Vous rêvez peut-être d'un gouvernement mondial, mais je crains fort qu'un tel gouvernement soit despotique. La victoire du libéralisme est en vérité peut-être très tempérée. Bien sûr, le monde se rallie à l'économie de marché à partir de 1989. Mais, sur le plan politique, la victoire est loin d'être acquise _ seulement la moitié du monde vit dans la démocratie.
M. G. Oui, le libéralisme économique a apporté des richesses. Mais la crise en détruit beaucoup. Oui, le libéralisme apporte la liberté. Mais chaque nation a son tempérament, son histoire, ses traditions. Il n'y a pas de modèle universel de la démocratie libérale. Les tentatives d'appliquer le même modèle partout ne pouvaient déboucher que sur une immense crise intellectuelle et morale. Le libéralisme est enraciné dans une culture, une morale. Il est né en Angleterre dès le XVIIe siècle, puis aux Etats-Unis et en France au XVIIIe siècle, dans des groupes humains prêts à assumer par leur culture et par leur morale la responsabilité de la liberté. 

La démocratie est-elle la même partout dans le monde ?
G. S. L'idée que la diversité des cultures est un obstacle à la généralisation de la démocratie est très française. Alain Peyrefitte expliquait déjà que les Chinois ne sont pas faits pour la démocratie. Mais, jusqu'au XIXe siècle, les villes chinoises élisaient leurs représentants. L'Inde a des formes locales de démocratie proches du modèle occidental. L'aspiration à la libre expression, au débat, à la reconnaissance individuelle existe partout.
M. G. J'ai au contraire l'intime conviction que nous allons vers le temps des régions du monde avec des organisations économiques et politiques qui leur seront propres, inscrites dans leur histoire. Bien sûr, il y aura des traits communs, comme la séparation des pouvoirs ou le système représentatif pour choisir ou sanctionner les dirigeants politiques. Mais nous devons sortir du rêve de principes universels inventés sur la presqu'île d'Asie qu'est l'Europe ! Le commencement de tout, c'est la culture, pas la liberté.
G. S. J'ai du mal à distinguer l'une de l'autre. Et s'il n'y a pas de modèle d'économie libérale, il existe en revanche une science économique. Turgot et Adam Smith avaient raison : l'économie qui marche, c'est l'économie de marché. On a essayé le maoïsme, l'autogestion, le système stalinien, la planification à la française... qui ont tous échoué. Certains cherchent des alternatives. Et ce n'est pas surprenant, car nous sommes ici dans un monde très imparfait. 

L'Etat va-t-il sortir renforcé de la crise ?
M. G. Ces dernières années, on a gommé le rôle de l'Etat. Les politiques étaient d'ailleurs contents eux-mêmes de laisser le vieux corps des nations géré par la loi du marché. Ils ont déréglementé et privatisé à souhait. Résultat : dans la crise, l'Etat peine à trouver ses marques, il hésite à faire les véritables choix de rupture. Nous avons besoin de retrouver un équilibre entre l'Etat et le marché.
G. S. Dans nos pays, je crois que le poids de l'Etat n'a pas diminué. Rapportées au PIB, les dépenses publiques ont augmenté. Le nombre de fonctionnaires aussi. Quand on dit qu'il y a eu retrait de l'Etat, c'est à la marge, et à la seule demande de Bruxelles.
M. G. Le poids relatif de l'Etat n'a sans doute pas diminué, mais son rôle s'est vidé de sens. L'Etat était auparavant plus présent. Il menait une politique industrielle. Il lançait de grands investissements structurants, comme le nucléaire. Dans la période récente, l'Etat a abandonné ses vraies fonctions actives et s'est rempli de fonctions inefficientes, notamment dans le domaine social.
G. S. Je suis réticent à l'idée de la politique industrielle. Nous risquons de replonger dans des mésaventures comme le plan Calcul ou Bull. Et il est devenu très difficile d'agir à l'échelon national. Dans quel secteur l'Etat pourrait-il aujourd'hui mener efficacement une politique industrielle ?
M. G. L'énergie. En proposant des perspectives de régulation du marché de l'électricité. Ou dans le gaz, en soutenant les projets qui sont susceptibles d'accroître l'indépendance nationale, comme la construction de méthaniers et d'infrastructures adaptées, pour s'émanciper de la dépendance à l'égard des gazoducs.
G. S. Je ne suis pas convaincu. Mais je ne suis pas pour autant hostile à toute intervention publique. En France, l'Etat fonctionne bien dans certains domaines qui relèvent de ses fonctions régaliennes : armée, police, sécurité. Et son modèle de protection sociale, s'il a bien des inefficacités, est plutôt un bon système quand on le compare aux autres. La « destruction créatrice " décrite par Joseph Schumpeter est formidablement efficace à condition que l'Etat organise des garanties sociales. 

Par où passe la sortie de crise ?
G. S. C'est une crise dans le capitalisme, et non une crise du capitalisme. Elle ne devrait pas nous surprendre. On ne connaît pas de capitalisme sans crise, car il est fondé sur le risque et l'innovation. Il y a toujours des innovations qui tournent mal, comme par exemple les produits dérivés. Et ces crises ont toujours une origine monétaire. C'est ce que nous a appris Milton Friedman. Une création excessive de monnaie débouche inévitablement sur une spéculation à court terme. L'origine de la crise actuelle est la débauche monétaire qui a débuté aux Etats-Unis en 2003. Les dollars créés localement et les dollars rapatriés du reste du monde ont gonflé une bulle dans l'immobilier. La source de la crise n'est pas le spéculateur mais la création des conditions d'une spéculation massive. Et la solution n'est donc pas la réglementation. L'économiste Jean Tirole l'a bien montré : c'est d'abord l'information qui a manqué. Avec les produits dérivés, les investisseurs ne savaient pas ce qu'ils achetaient. Un peu comme un malade qui aurait acheté un médicament puissant fourni sans notice d'accompagnement sur ses effets indésirables.
M. G. Cette crise est très originale. C'est la première à effet de contamination universelle, sans précédent. Maintenant, les économies ouvertes sont beaucoup plus vulnérables. Les seuls pays où les banques ont résisté à l'automne dernier étaient d'ailleurs ceux qui avaient un contrôle des changes, comme le Maroc. Le système ne peut pas continuer à fonctionner ainsi. Le prix de l'éclatement des bulles est trop élevé et les Etats n'adoptent aucune mesure pour corriger le système.
G. S. Il est très difficile d'analyser un événement quand on est dedans ! Vous savez, les économistes ne sont toujours pas d'accord sur la crise des années 1930. Mais nous en avons tout de même retenu une solution : pratiquement personne ne réclame le retour du protectionnisme. De même, nous avons retenu une leçon essentielle de la crise de 1973 : l'inflation n'est pas une réponse à la crise.
M. G. En quelque sorte, les gens devraient être encore plus libéraux pour lutter contre les excès du libéralisme... Je crois qu'il faut plutôt corriger l'expérience libérale en cours, si l'on veut sauver le soldat libéral ! Antonio Gramsci disait que « la crise est ce qui sépare le vieux du neuf ». J'attends le neuf.
G. S. Vous aspirez à la perfection. Or l'économie se prête mal à l'utopie. Elle tombe en panne tout le temps, elle est dure à réparer et plus encore à expliquer. Elle est dictée par le « hasard sauvage ", selon l'expression de Benoît Mandelbrot, qui en déduit que les marchés financiers sont un endroit très dangereux. Et pourtant, malgré ces imperfections, les progrès de la science économique sont considérables.
M. G. L'économie, ce n'est pas la fatalité des imperfections. C'est aussi l'exercice des responsabilités : la création des richesses et leur partage. Ces responsabilités ne sont plus exercées parce que les repères moraux ont disparu. Je forme le souhait que la crise nous permettra de tourner la page d'une époque où des acteurs ont saccagé impunément des entreprises et des pays pour gagner de l'argent, pour revenir à une gestion d'hommes exemplaires. Le libéralisme repose sur deux principes : la régulation des marchés et l'éducation des hommes. Je vois une sortie de la crise par ces deux principes.
G. S. La cupidité n'est pas une nouveauté. Le boulanger vend son pain par esprit de lucre, nous disait Adam Smith il y a plus de deux siècles. L'économie libérale est une façon de faire vivre ensemble des individus qui n'ont pas la même morale. Au-delà, c'est à la loi et à l'Etat de fixer les limites. Moraliser le capitalisme ? On ne peut pas plus moraliser le capitalisme que la plomberie ! Je rappelle que l'économie ne produit pas de valeurs, mais des richesses.

JEAN-MARC VITTORI - Les Echos
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B) De quel libéralisme Macron est-il le nom?

Emmanuel Macron s’inscrit pleinement dans un courant parfaitement identifiable pour l’historien des idées politiques.

À en croire ses pourfendeurs, campés aux deux extrémités de notre échiquier politique, Emmanuel Macron ne serait que l’incarnation hexagonale du libéralisme, ce virus venu de l’étranger et qui, sous diverses formes (néo- ; ultra- ; sauvage ou rampante), aurait irrémédiablement infecté la mondialisation actuelle, pour le plus grand malheur des plus démunis. L’intéressé quant à lui s’est toujours montré prudent lorsqu’on l’interrogeait sur son rapport au libéralisme ; ce qui peut fort bien se comprendre dans un pays comme le nôtre, où cette école de pensée est si volontiers caricaturée – et si largement méconnue. Pour autant, lorsqu’on lit le programme d’En Marche! et plus encore le livre Révolution, il est difficile de ne pas pleinement inclure le nouveau Président de la République française dans ce que l’historien anglais Michael Freeden appelle la «famille libérale» ; soit une vaste nébuleuse idéologique à l’intérieur de laquelle peuvent se manifester de substantielles divergences, mais dont les membres partagent néanmoins une «structure conceptuelle stable», fondée sur quelques principes intangibles, comme la défense intransigeante de la liberté, de l’initiative et de la responsabilité individuelles, ou encore le goût prononcé du pluralisme et de la tolérance, contre toutes les formes de dogmatisme.
À lire et à entendre Emmanuel Macron, il peut sembler aussi aisé de l’inclure dans cette grande famille libérale que délicat de le rattacher à un courant précis au sein de cette mouvance hétéroclite. Car s’il développe une pensée indéniablement cohérente – allant jusqu’à affirmer dans une interview récente à Mediapart qu’il essayait «de construire une pensée qui fait système» –, il n’en reste pas moins avare de références théoriques ou livresques (ce qui ne saurait nous étonner de la part d’un homme politique, s’il n’était aussi iconoclaste). De fait, même son éloge répété de Paul Ricœur, dont il fut brièvement le collaborateur, concerne davantage l’homme que la pensée (une pensée assez peu politique du reste). Et ses fréquentes références à Jean Jaurès relèvent davantage d’un lieu commun flattant à peu de frais la gauche française que d’une authentique dette spirituelle. Il n’est donc pas facile d’établir une généalogie intellectuelle précise de son projet politique, même si cela ne doit pas nous interdire des rapprochements entre certains des thèmes récurrents de son discours et un (ou des) courant(s) particulier(s) de la galaxie libérale.

L'aggiornamento idéologique que le PS n'a jamais fait

C’est ainsi par exemple que l’on est d’emblée tenté d’établir un parallèle entre le projet politique d’Emmanuel Macron et la «Troisième Voie» théorisée il y a une vingtaine d’années par le sociologue anglais Anthony Giddens, avant de fournir à Tony Blair un nouveau logiciel idéologique destiné à refonder la gauche travailliste sous les traits du New Labour. Tout se passe en effet comme si le leader d’En Marche! était en passe d’imposer à la gauche française de gouvernement cet aggiornamento idéologique que le Parti socialiste s’est jusqu’à sa tombe refusé à faire ouvertement, préférant se réfugier dans le déni jospinien de la «parenthèse» (ouverte en 1983, mais jamais officiellement refermée) puis dans la tiède synthèse hollandaise, source d’ambiguïtés et de rancœurs infinies.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Tony Blair a récemment publié dans Le Monde une tribune tressant des louanges au nouveau locataire de l’Élysée, dans lequel il ne peut s’empêcher de voir une sorte d’héritier spirituel –même si, à la différence de l’ancien Premier ministre britannique, le nouveau chef de l’État français entend imposer sa «révolution conceptuelle» en brisant le Parti socialiste en même temps que le clivage gauche-droite ; là où Blair avait pu opérer de l’intérieur du parti travailliste une mue idéologique de grande ampleur. Reste que la comparaison entre les deux entreprises politiques s’impose d’elle-même, et qu’elle dépasse largement les analogies superficielles, comme la jeunesse commune aux deux hommes (Tony Blair n’avait que 44 ans lorsqu’il est entré au 10 Downing Street) ou encore leur évident charisme (on a quelque peu oublié, après le fiasco irakien, l’espoir qu’avait pu susciter outre-Manche l’arrivée au pouvoir du New Labour en 1997).
Le parallèle entre le blairisme et ce qui deviendra peut-être un jour le macronisme est bien plus profond qu’il n’y paraît, car il touche à la synthèse que les deux hommes opèrent –chacun à leur manière– entre les préoccupations sociales traditionnelles de la gauche et un héritage libéral en partie commun. En effet, leur synthèse sociale-libérale ou libérale-sociale emprunte beaucoup à ce que l’on a appelé au tournant des XIXe et XXe siècles, le «nouveau libéralisme» [1], dans la mesure où l’un et l’autre offrent une actualisation d’un corpus d’idées largement nées avec la deuxième révolution industrielle, et qu’il s’agit aujourd’hui d’adapter aux défis de la mondialisation (parfois qualifiée de «troisième révolution industrielle»).
On peut même faire remonter les racines de cet héritage idéologique – plus ou moins conscient et assumé– jusqu’à John Stuart Mill ; un auteur tout à fait charnière dans la riche histoire de la pensée libérale. Certes, rien ne prouve qu’Emmanuel Macron l’ait lu, pas plus du reste que les divers penseurs qui à sa suite ont contribué à forger le «nouveau libéralisme»: Thomas H. Green et Leonard T. Hobhouse outre-Manche avec le New Liberalism ; Léon Bourgeois en France avec le «solidarisme» ; Carlo Rosselli et les «socialistes libéraux» en Italie ; ou encore John Dewey et Woodrow Wilson aux États-Unis avec le «progressisme», etc. Il n’en est pas moins saisissant de constater à quel point la société de mobilité et d’égalité des chances qu’entend promouvoir Emmanuel Macron s’inscrit pleinement dans un courant parfaitement identifiable pour l’historien des idées politiques.

Le libéralisme de John Stuart Mill

Né d’une inflexion majeure du libéralisme, il a été inauguré par les dernières œuvres de John Stuart Mill (qui s’est rapproché du socialisme à la fin de sa vie) et s’est ensuite prolongé jusqu’à nos jours, à travers des penseurs fort divers, mais tous attachés à réconcilier la liberté et une certaine forme d’égalité (John Rawls pourrait en fournir un bon exemple). Cette inflexion décisive du libéralisme a opéré trois mutations majeures par rapport au libéralisme classique des XVIIe et XVIIIe siècle. La première a consisté à substituer à la vision atomistique de l’individu qui dominait à l’époque des Lumières (et qualifiée par ses adversaires de «robinsonnade») une nouvelle conception, plus sociale et plus mobile. En effet, ce que Mill choisit de nommer «individualité» ne désigne plus un concept statique, mais un être social en devenir, qui entend accomplir un projet de vie, c’est-à-dire faire fructifier ses talents et exploiter au mieux ses potentialités. Or c’est là très exactement ce que ne cesse de répéter Emmanuel Macron, qui dit croire «profondément à une société du choix, c’est-à-dire libérée des blocages de tous ordres» et «dans laquelle chacun pourrait décider de sa vie». Une société où les individus seraient «en marche» en quelque sorte…
De cette première inflexion découle une deuxième, tout aussi cruciale: le passage de la «liberté négative» du libéralisme classique (ce que les anglo-saxons appellent freedom from) à la «liberté positive» du nouveau libéralisme (freedom to). Alors que le premier concevait la liberté comme une simple absence d’oppression ou de coercition ; avec le second, la liberté est conçue comme le pouvoir d’agir, comme la capacité à accomplir une tache, en exploitant pleinement ses facultés. Cette mutation est fondamentale car l’obstacle à la liberté n’est plus du tout le même. Dans le libéralisme classique, c’est l’autorité arbitraire (celle du pouvoir politique ou de l’autorité religieuse) qui opprime l’individu en le privant de son indépendance. Désormais, c’est l’absence de moyens (y compris financiers) qui l’empêche de s’épanouir librement et de faire fructifier son potentiel. D’où un rapport radicalement différent à l’État: là où le libéralisme classique y soupçonne toujours une menace, le nouveau libéralisme y voit au contraire un précieux allié pour l’individu ; cet être social en construction. Là encore, on retrouve un thème omniprésent chez Emmanuel Macron, qui n’hésite pas à vanter le rôle d’«investisseur social» de l’État, notamment lorsque celui-ci dépense pour l’éducation ou la formation permanente.
La troisième et dernière grande mutation opérée par le nouveau libéralisme concerne la conception de l’égalité, puisqu’il substitue à une stricte égalité juridique la notion d’égalité des chances qui, une fois encore, est omniprésente dans le discours macronien. Celui-ci va jusqu’à prôner une forme de discrimination positive, puisqu’il ne cesse de répéter que «l’uniformité ne signifie plus l’égalité» et que «l’égalité ne consiste pas à faire pareil pour tout le monde». Au contraire, dit-il, «l’égalité réelle» consiste à «donner plus à ceux qui ont moins», «à faire plus pour ceux qui ont moins». L’idée est amplement développée dans Révolution, mais elle a aussi trouvé une traduction concrète dans le programme du candidat Macron, sous la forme de diverses mesures-phares, comme les emplois francs destinés à encourager l’embauche des habitants des quartiers prioritaires (avec une prime de 15 000 euros sur trois ans pour le recrutement en CDI d’un habitant de ces quartiers), les classes de douze élèves en CP et CE1 en zone prioritaire, ou encore une prime annuelle de 3000 euros pour les enseignants qui accepteraient d’y être mutés, etc.

Bel et bien libéral

On peut, du reste, remarquer que la conception de l’égalité que développe le nouveau président de la République se distingue aussi bien du socialisme –qui raisonne d’abord en termes d’égalité des conditions–, que du libéralisme classique –qui raisonne exclusivement en termes d’égalité des droits. En effet, Emmanuel Macron est bel et bien un libéral puisqu’il entend simplement faire en sorte que chacun soit à égalité sur la ligne de départ (quitte à donner un coup de pouce à ceux qui souffrent d’un handicap initial), tout en laissant ensuite la compétition et l’émulation porter leurs fruits dans la mesure où les individus devront prouver leur mérite en travaillant, osant, innovant, risquant, etc. Il est peu de thème qui revienne aussi souvent sous sa plume que celui de la réhabilitation du mérite et de la réussite individuelle (un ethos devenu depuis des décennies largement étranger à une gauche française plus encline à la commisération envers les plus démunis ou à l’invective envers les plus aisés).
Pour autant, à la différence du libéralisme classique, le créateur d’En Marche ! ne se contente pas de revendiquer une stricte égalité juridique, pas plus qu’il ne renvoie l’échec à une simple faute morale, comme dans la vision spencérienne qui dominait à l’époque victorienne (et qui, aujourd’hui encore, n’est pas étrangère à un certain libéralisme conservateur). La société macronienne de la mobilité (par opposition à la société de privilèges et de statuts) et de l’égalité des chances (à rebours d’une certaine forme de darwinisme social) retrouve ainsi une logique qui a été initiée par le nouveau libéralisme il y a maintenant plus d’un siècle, avant d’être reprise notamment par la troisième voie blairiste –héritière directe du New Liberalism.
Pourtant, il existe une différence non négligeable entre celle-ci et le libéralisme d’Emmanuel Macron. En bon Français, ce dernier accorde à l’État un rôle sensiblement plus important que nos voisins britanniques. En effet, alors que Blair et Giddens imaginaient volontiers que (pour des raisons d’efficacité notamment) le secteur privé pouvait en partie se substituer à l’État en accomplissant un certain nombre de missions de service public, le candidat d’EM s’avère autrement plus réservé sur cette question.
Ainsi, dans Révolution, il ne cesse de renvoyer dos à dos la gauche conservatrice, qui attend tout de l’État, et ceux qu’il appelle les libéraux doctrinaires, qui au contraire attendent le salut du pur et simple démantèlement de la puissance publique. Dans le même esprit, le futur président écrit de l’école, de la santé (et même de la transition écologique) que si ce sont là «des domaines où l’action publique peut faire mieux» ; en revanche «personne ne peut faire sans elle». De fait, l’État conserve un rôle tout à fait essentiel dans le programme macronien, comme l’illustrent les cinquante milliards d’investissements publics annoncés, ou encore le «volontarisme lucide» prôné en matière de politique industrielle. Ce faisant, le nouveau Président de la République s’avère fidèle à la fois à un libéralisme français traditionnellement statophile et à sa formation d’énarque et d’inspecteur des Finances (deux institutions ayant toujours eu une conception de l’économie très statocentrée). De la même manière, il semble devoir rester très hexagonal dans sa conception même du pouvoir. Car si l’on se fie à sa pratique de chef de parti et de candidat, ou encore à ses premiers pas de Président élu, notre jeune monarque républicain semble développer une approche du pouvoir très verticale, centralisée, autoritaire, «jupitérienne» (pour reprendre ses propres termes). Doit-on y voir l’amorce d’une forme de volontarisme à la Bonaparte (celui du Consulat) dont la conciliation avec le libéralisme, sans être nécessairement impossible, n’en est pas moins problématique à maints égards ? Ce sera là, à n’en pas douter, une question que nous aurons à nous poser dans un proche avenir. Mais cela suppose au préalable d’accorder un peu de temps à notre Président afin de pouvoir mesurer avec précision ce qu’il entend pratiquement par un retour à «l’esprit de la Ve République» – ce qui semble être son intention profonde.

1 — À ne surtout pas confondre avec le «néolibéralisme» des années 1970 et 1980 incarné par des penseurs comme Milton Friedman ou Hayek, et qui correspond bien plutôt à une tentative de retour aux principes du libéralisme classique, qui aurait été «trahi» par Mill et ses successeurs.


Jérôme Perrier et Telos

Jérôme Perrier Agrégé et docteur en histoire
Telos Agence intellectuelle regroupant universitaires et professionnels


Emmanuel Macron est-il vraiment libéral?
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C) Libéral ou capitaliste: ce n’est pas la même chose

Capitalisme et libéralisme peuvent toujours se combiner dans les discours politiques et réalités économiques. Mais, en bout de ligne, ils désignent deux mécanismes coopératifs et deux systèmes théoriques distincts. Plus que cela, ces deux systèmes entrent souvent en conflit.

Certaines erreurs et incompréhensions ont la vie dure, en particulier en économie. Un exemple est la vision qu’ont certains politiciens ou intellectuels, en France et ailleurs, du libéralisme économique[1]. Cette vision est souvent à la fois extensive et restrictive. Elle conduit à justifier trop de dérégulation et pas assez d’intervention.

Deux erreurs sont très répandues.
La première est de confondre libéralisme économique et capitalisme. Le premier justifierait le règne de grandes multinationales dominatrices sur leur marché respectif à partir du moment où une telle situation résulterait d’une compétition (plus ou moins équitable) avec d’autres entreprises. Le concept de «néolibéralisme» illustre ce biais: la défense du libéralisme économique est assimilée à celle de multinationales. Tout au moins, on ne voit pas le problème dans la situation actuelle d’un Apple par exemple.
La seconde erreur est de minimiser le rôle joué par l’Etat moderne dans le fonctionnement des marchés. L’erreur consiste à croire que marchés et entreprises n’auraient nul besoin des institutions publiques pour être efficaces.

Le libéralisme n’est pas le capitalisme

La première erreur est courante. Elle est commise à la fois par ceux qui dénoncent le néolibéralisme[2] et par ceux qui se réclament du libéralisme (par exemple Liberal Alliance au Danemark ainsi que toute une galaxie de mouvements, clubs de pensée en Europe). Elle s’enracine dans une confusion entre défense des marchés libres et défense de certaines entités qui y opèrent: les grandes entreprises, en général multinationales.
Le capitalisme défend l’idée que l’efficience économique est fondée sur l’accumulation du capital (machines, ordinateurs, robots, etc.), la division du travail et la spécialisation des travailleurs. La manufacture d’épingles d’Adam Smith dans De la richesse des nations en est l’archétype. S’il est plus efficient d’accroître la taille des unités de production (jusqu’à un certain point où les rendements marginaux diminuent), c’est parce que l’effet de taille conduit à un abaissement des coûts de production et/ou une augmentation de la productivité, ce sont les rendements d’échelle. Ces derniers résultent de l’accumulation du capital, c’est-à-dire du fait que la productivité globale d’une entreprise est supérieure à la somme des productivités individuelles de ses employés s’ils devaient s’acquitter séparément de leurs tâches.
Ainsi, le communisme tel que pratiqué dans l’Union soviétique était un capitalisme d’Etat, n’en déplaise à certains. Le mécanisme était d’accumuler des moyens de production pour obtenir des rendements d’échelle. Bien évidemment, une différence essentielle tenait dans la propriété des moyens de production –étatique pour le communisme, privée pour le capitalisme– ainsi que dans les buts généraux du régime politique dans lequel cet arrangement productif s’insérait. Mais le mécanisme de base était le même.
De son côté, le libéralisme repose sur l’idée que l’efficience économique découle de l’échange libre entre des agents. Ces derniers peuvent entrer et sortir sans contrainte du marché, possèdent un pouvoir de marché faible (c'est-à-dire qu’ils sont incapables de déterminer les prix), ils ont une connaissance parfaite des prix, etc. (la fameuse compétition «pure et parfaite»). Ces conditions peuvent être considérées comme théoriques, voire utopiques (ce qu’elles sont), elles n’en remplissent pas moins la fonction d’idéal pour tout libéral économique qui se respecte.
Le mécanisme au cœur du libéralisme économique est l’échange mu par deux types de différences entre agents: des différences de préférences (je préfère les bananes aux pommes, vous préférez les pommes aux bananes, on a donc intérêt à échanger) et des différences de «dotations initiales» (j’ai des chaussures, vous avez des pantalons, à moins de me promener en caleçon et vous pieds nus, on a tout intérêt à échanger).
Capitalisme et libéralisme peuvent toujours se combiner dans les discours politiques et réalités économiques. Mais, en bout de ligne, libéralisme et capitalisme désignent deux mécanismes coopératifs (échange vs économie d’échelle) et deux systèmes théoriques distincts. Plus que cela, ces deux systèmes entrent souvent en conflit, car ils ne justifient pas les mêmes mécanismes économiques, politiques publiques et ne s’appuient pas sur les mêmes valeurs.



Si on ne saisit pas cette différence, on ne peut pas comprendre la raison pour laquelle Milton Friedman, monétariste et fervent libéral, considérait que la communauté des affaires et les grandes entreprises étaient les ennemis du marché.
Car grande entreprise rime avec pouvoir de marché, c’est-à-dire possibilité d’imposer ses prix aux consommateurs par exemple, d’autant plus si ceux-ci sont captifs (pratiques courantes pour des entreprises comme Apple, Microsoft ou IBM).
Des entreprises trop puissantes perturbent les lois du marché, bases du libéralisme économique. Elles peuvent bloquer l’entrée de concurrents potentiels sur leur marché. Elles ont tendance à imposer leur prix et donc violer la loi de l’offre et de la demande.
C’est la raison pour laquelle les Etats-Unis, pays profondément libéral, ont promulgué dès 1890 le Sherman Antitrust Act et une série de lois contre les ententes, collusions et distorsions de marché générées par les grandes entreprises. Ces mesures sont libérales et, dans une certaine mesure, anti-capitalistes puisqu’elles visent à limiter l’accumulation du capital.

Les marchés ont besoin des institutions publiques

Outre la défense injustifiée des grandes entreprises, certains politiciens et intellectuels se réclamant du libéralisme commettent une seconde erreur. Ils conçoivent les marchés comme des institutions qui s’autorégulent. Ou alors ils assument que moins de régulation est forcément bénéfique d’un point de vue libéral.
Le problème est que les marchés ne sont pas des institutions autosuffisantes. Leur création est guidée par des institutions plus «épaisses» et moins spontanées (constitution, droit des affaires, tribunaux, police, parlement, agences publiques etc.). Leur fonctionnement est garanti par ces mêmes institutions. Les marchés ne sont pas des «institutions» au sens où la sécurité sociale, les tribunaux ou la police le sont. Ils constituent des institutions dans un sens allégorique ou trivial (c’est-à-dire qu’ils ont été «institués»).
Pour que des marchés existent et soient efficaces, un certain nombre de biens (en général) publics sont nécessaires.
Les difficultés budgétaires des Etats sont moins dues à la crise qu’à l’évasion fiscale pratiquée par les multinationales et les ménages les plus aisés

Il faut qu’un système de droits de propriété soit établi par la loi, contrôlé par les tribunaux et garanti par la force. Il faut des routes pour que les biens circulent. Il faut un système de paiement (une monnaie) qui soit garanti par un acteur dont le risque de défaut est minime afin de rassurer les acteurs de marché et sortir d’une économie de troc. Il est nécessaire que les agents (consommateurs et producteurs) soient capables de lire les signaux du marché et de se livrer à des interactions qui satisfassent leurs réels besoins. En d’autres termes, les individus doivent être éduqués, tâche dont tous les Etats démocratiques se sont acquittés avec succès (il suffit de considérer l’évolution du taux d’alphabétisation dans tous les pays dotés d’un Etat providence depuis un siècle et demi). Il est également nécessaire qu’un agent garantisse l’ensemble des marchés contre les risques majeurs comme une crise financière, environnementale, sociale, etc. (tâche dont se sont plutôt bien acquittés la plupart des Etats occidentaux depuis 2007).
En bref, des institutions (des «vraies», épaisses) doivent jouer le rôle d’assureurs de dernier ressort et c’est l’Etat qui est le plus à même de s’en charger.
Penser que les marchés contemporains, complexes, régulés (afin de garantir leur stabilité, la sécurité des employés et consommateurs, la qualité des produits, etc.) peuvent être compris en recourant à des analogies du type «deux individus avec des biens à échanger se rencontrent dans la forêt et hop! Voilà! On obtient un marché» relève soit de la malhonnêteté intellectuelle soit d’une incompréhension profonde de ce qu’est une économie complexe.

Pourquoi ces questions sont importantes

Ces distinctions importent, car elles apportent de la profondeur à notre compréhension des tensions qui traversent nos sociétés, surtout depuis la crise de 2007-2008.
Tout d’abord, elles éclairent la question de l’accumulation du capital sous un jour qui devrait inquiéter les libéraux économiques. Si les récents travaux de Thomas Piketty questionnent l’accumulation du capital par les ménages les plus aisés, il y a un autre problème: celui de la concentration du capital corporatif. L’économie et la société sont actuellement malades, non seulement de la dérégulation des marchés, mais aussi des comportements d’acteurs qui y opèrent: certaines grandes entreprises.
Le problème est multiple. Dans la plupart des pays industrialisés, les grandes entreprises soit paient beaucoup moins de taxes qu’elles ne le devraient, soit n’en paient pas du tout en recourant à l’optimisation fiscale. Elles ne repaient donc pas ce qu’elles doivent à la communauté politique.
Les difficultés budgétaires des Etats sont moins dues à la crise qu’à l’évasion fiscale pratiquée à grande échelle par les firmes multinationales et les ménages les plus aisés, donc par les grands détenteurs de capital. Le problème est que l’évasion fiscale sape la production de biens et services publics (éducation, santé, infrastructures, sécurité, règne du droit, etc.) qui sont nécessaires aux marchés pour fonctionner de manière efficace.
Outre l’impact sur les budgets publics, la concentration du capital offre aussi à une poignée d’individus et d’organisations la possibilité d’influencer de manière décisive divers processus démocratiques (élections, décisions politiques, normes sanitaires et sociales, évaluation des politiques publiques) dans un sens favorable à leurs intérêts. Il s’agit d’un problème qui doit inquiéter n’importe quel libéral au niveau national, mais aussi européen. Si l’idéal libéral est celui d’une société dans laquelle les individus peuvent s’exprimer, échanger, s’associer ou entreprendre sans être soumis à l’arbitraire de qui que ce soit (entité publique ou privée), force est alors de reconnaître que la situation actuelle est très éloignée de cet idéal.
En France et en Europe, libéraux et sociaux-démocrates devraient s’asseoir à la même table et débattre de régulation. De fortes divergences de vues existent et continueront d’exister. Il n’y aura jamais de consensus. Mais, percevoir que les uns et les autres ont intérêt à se soucier de régulation permet de sortir de la fausse dichotomie entre sociaux-démocrates et autres socialistes qui seraient favorables à la régulation et libéraux qui y seraient opposée. Les deux groupes sont inclinés à réguler. Pas de la même façon, c’est certain, mais c’est de cela dont il faut débattre.
L’objectif n’est pas de lutter contre les entreprises ou le capital productif. Les PME-PMI jouent un rôle essentiel, trop souvent négligé, pour l’emploi, la production et l’innovation. Mais les grandes compagnies en sont les excroissances parfois monstrueuses. Si la taille de certaines entreprises est nécessaire au vu des investissements demandés dans le secteur en question (par exemple, transport aérien, industrie lourde), il n’en demeure pas moins que leur pouvoir, leur gouvernance ainsi que le respect qu’elles affichent des règles du jeu social (comme l’imposition) doivent faire l’objet d’un contrôle strict de la part des institutions démocratiques.


Taux moyen de taxe sur les entreprises | Source: kpmg

De ce point de vue, il est inacceptable que le taux moyen de taxe sur les entreprises soit inférieur en Europe à ce qu’il est aux Etats-Unis ou au Japon (21,34% contre 40% et 35,64%).
Par ailleurs, il serait bon de remettre à plat les niches fiscales et autres complaisances dont bénéficient les grands détenteurs de capital.
Le projet est ambitieux. En cela, il nécessite le soutien, au niveau européen, de politiques allant des socialistes aux libéraux.
De manière générale, le public ne devrait pas être dupe de l’usage qui est fait du concept de «libéralisme», à droite comme à gauche, chez certains de ses défenseurs et critiques.
Le libéralisme économique dont nombre de grandes entreprises se réclament et dont beaucoup de partis «libéraux» font l’apologie n’est en fait qu’un libéralisme «instrumental», c’est-à-dire une dérégulation de marchés où ces entreprises ont la possibilité d’acquérir une position dominante en violation directe des principes fondateurs du libéralisme économique. Du point de vue du libéralisme économique, moins de régulation étatique n’est pas forcément une bonne chose. C’est souvent le contraire!
La grande révolution néo-libérale des années 1980 a surtout été une grande révolution capitaliste et les libéraux devraient se soucier de ses conséquences.

1 — L’article porte sur le libéralisme économique, non sur sa forme politique (les liberals anglo-saxons).
2 — Il est intéressant de relever que le courant anarchiste est très fort chez les altermondialistes. En toute logique, ce courant devrait produire une critique du capitalisme, mais moins du libéralisme économique.

Xavier Landes et Claus Strue Frederiksen et David Budtz Pedersen
Xavier Landes Professeur en éthique des affaires et développement durable à la Stockholm School of Economics de Riga
Claus Strue Frederiksen Chercheur à l'université de Copenhague
David Budtz Pedersen Chercheur à l'université de Copenhague
Source



D) Libéralisme, ordolibéralisme, néolibéralisme … Quel fondement économique pour le marché intérieur et le droit européen de la concurrence ?

C’est aujourd’hui une mode, sur la scène politique notamment, que de parler de « déferlement néo-libéral », de « libéralisme à tout va de Bruxelles ». De nombreux vocables sont employés pour qualifier l’ordre économique européen dont on se plaint sur l’ensemble du spectre politique français.
          Toutefois, libéralisme et néolibéralisme sont deux notions différentes. Le libéralisme se réfère à des choses différentes selon que l’on en parle comme courant économique ou comme courant politique. Cela ne signifie pas cependant qu’il n’existe aucun liens entre ces deux notions.
          Il s’agira dans cet article de clarifier le sens de quelques-uns de ces vocables et de les distinguer. On introduira l’analyse d’un courant de pensée économique injustement méconnu : l’ordolibéralisme.  L’injustice vient du fait que ce courant, dit de l’école de Fribourg fonde le « cadre » économique européen du marché intérieur et en conséquence le moule du droit européen de la concurrence.
          Je tiens à avertir le/la lecteur/lectrice qu’il ne s’agira pas ici de dégager toutes les subtilités épistémologiques caractérisant chacun de ces courants.
 
 
          Le libéralisme s’entend le plus souvent de deux manières : le libéralisme politique et le libéralisme économique. Il est souvent reproché à ceux qui emploient le terme « libéralisme » de réduire son sens au seul champ économique. L’application au champ économique est plus tardive que l’application à l’espace économique ; c’est l’avis de Michel Guénaire, avocat et maître de conférence en droit public, dans une interview à la revue Débattitrée « Libéralisme et néolibéralisme ». Il identifie « un libéralisme qui est né du combat des hommes pour la liberté politique, à côté d’un libéralisme qui a réfléchi aux conditions de la création de la richesse des nations. (…) Ces deux libéralismes sont apparus historiquement l’un après l’autre. »[1]
Les deux libéralismes… Du politique à l’économique
          En quelques mots cet article mettra en évidence ce qui fonde le libéralisme politique et comment son influence s’est exprimée dans le champ économique.
          Le libéralisme place la liberté et son exercice, tant qu’il ne nuit pas à l’exercice de celle de son voisin, au sommet de sa hiérarchie de valeurs. A partir de là, un vaste dégradé de courants se dégage selon le degré de liberté promu. Cela va ainsi du libéral-conservatisme au libertarianisme tel qu’il existe aux États-Unis notamment. Le corollaire de cette importance de la liberté individuelle est le retrait de l’État, son effacement. Dans sa leçon du 17 janvier 1979 au Collège de France, Foucauld dit qu’il s’agit de « limiter de l’intérieur l’exercice du pouvoir de gouverner »[2]. Il s’agit de la matrice fondamentale du libéralisme : la liberté individuelle contre le pouvoir de l’État.
          Par extension, cette philosophie s’est traduite dans l’espace économique par une réduction importante de l’intervention de l’État. Les agents économiques doivent pouvoir entrer et sortir d’un marché librement, exercer librement leur activité sans faire l’objet d’une surveillance excessive de l’appareil d’État. En bref, la qualité de toute action politique se mesure à son effet sur la liberté individuelle.
          Ce principe s’est ainsi traduit en économie par la doctrine dite « du laisser-faire ». On considère alors qu’un marché s’autorégule et alloue de manière optimale les richesses qui y circulent entre les différents agents en présence. Le marché est une organisation naturelle au sens où il se met en place sans intervention extérieure. C’est au contraire l’absence d’intervention extérieure qui favorise son apparition et son efficience. Il s’agit d’une idée fondamentale à retenir notamment pour la distinction future avec l’ordolibéralisme. Les agents sont dès lors responsables des actes qu’ils posent et des choix qu’ils font et doivent en assumer les conséquences.
          Ce qui est mis en évidence suffit aux distinctions que l’on souhaite étudier dans cet article. Aussi je tiens à souligner qu’il n’y a pas volonté d’exhaustivité dans la reproduction de l’ensemble des idées véhiculées par le libéralisme.
Le néolibéralisme… un désaveu des principes libéraux ?

          Le néolibéralisme est plus souvent encore mis en cause. En quoi se distingue-t-il dès lors du libéralisme ? Comme nous l’avons vu, le libéralisme politique fonde historiquement et épistémologiquement le libéralisme économique. La thèse de Michel Guénaire, sur la distinction entre néo-libéralisme et libéralisme est à ce propos intéressante.
          Deux critères les distinguent selon lui. Le premier critère est l’inversion de hiérarchie entre liberté politique et liberté économique. Le libéralisme économique a selon lui dévoré le libéralisme politique. « Si j’osais une formule, je dirais que le néo-libéralisme, c’est le libéralisme économique sans le libéralisme politique. »[3]
          La lecture de Foucauld va dans le même sens puisque le néolibéralisme est marqué selon lui par la disparition de la distinction entre sphère politique et sphère économique. Ce courant marque le le début de l’application des principes de l’économie libérale non seulement à la sphère politique mais aussi à l’ensemble de la société. Le marché n’est plus vu comme un endroit à « l‘intérieur », sur lequel l’influence de l’État est limitée. Le marché définit un ordre social dans son ensemble. Il estime que « Le problème du néo-libéralisme, c’est, au contraire, de savoir comment on peut régler l’exercice global du pouvoir politique sur les principes d’une économie de marché. »[4]
          Le deuxième critère de Michel Guénaire est la disparition d’une éducation de l’homme à la morale de la liberté. Il s’agit de l’apprentissage de la responsabilité induite par la liberté donnée aux individus. L’accroissement de la liberté donnée aux individus accroît par voie de conséquence leurs pouvoirs d’action. Il s’en suit selon les libéraux que leur responsabilité doit aussi être à la mesure de l’importance des actes qu’ils posent. Par exemple, une banque doit pouvoir faire faillite lorsque ses placements entrainent des pertes dont elle est responsable. Les plans de sauvetage ont été critiqués par bien des libéraux comme induisant ce que l’on appelle un aléa moral. Il s’agit d’une action favorisant un comportement à risque. Les libéraux estiment ainsi que le fait pour les États de pourvoir en fonds des banques qui ont perdu les leurs en raison de leur comportement, créé cet aléa.
          Ces courants ne permettent pas de fonder le droit européen de la concurrence. En effet, la seule existence d’un droit européen de la concurrence est problématique au regard de ces analyses libérales et néolibérales.
L’ordolibéralisme, un néolibéralisme tempéré pour le marché intérieur

          On peut à présent introduire le courant qui intéresse la construction européenne et le droit européen de la concurrence : l’ordolibéralisme. Il s’agit d’un courant considéré comme étant une forme de néolibéralisme notamment par Foucauld. Il constitue en effet un renouveau des thèses libérales en réaction à l’interventionnisme keynésien. Pour faire le lien avec ce qui a été précédemment dit et aider le lecteur à situer ce courant on peut retenir que Keynes défend l’interventionnisme d’État sur des données directement économiques. L’ordolibéralisme renoue avec les thèses libérales en considérant qu’il faut passer par le marché qui est plus efficient pour allouer des ressources. De nouveau, il y a l’idée que l’État doit voir son rôle limité.
         Il s’agit d’un courant développé dans l’entre-deux guerres en Allemagne à l’école de Fribourg-en-Brisgau. Walter Eucken (1851-1950) en a pensé les principes fondateurs dans son ouvrage Die Grundlagen der Nationalökonomie publié en 1940. Sa pensée s’est déployée toutefois en rupture avec quelques points du libéralisme traditionnel. En effet, il défend l’importance d’une harmonie sociale face à la seule liberté du marché. Ainsi, par comparaison avec le libéralisme, au sommet de sa hiérarchie de valeurs se place l’harmonie sociale et non pas la liberté. A l’origine il y a une sincère ambition sociale influencée par un certain catholicisme social.
          Dans un article titré « L’ordolibéralisme et la construction européenne » Michel Dévoluy, économiste et professeur à l’université de Strasbourg, dégage trois principes essentiels de l’ordolibéralisme[5] :
Des prix libres sont un bon indicateur pour les choix des agents économiques. Il s’ensuit que les « dérives oligopolistiques » doivent faire l’objet d’un contrôle par les Etats.
Lorsque le système économique est efficace, alors les acteurs sont en sécurité. Cette efficacité est conditionnée par l’existence d’une faible inflation et par la maîtrise des finances publiques.
L’État doit soutenir les citoyens les plus défavorisés, l’auteur d’ajouter : « Mais la réalisation de ce commandement n’est pas toujours en phase avec les deux normes précédentes. »[6]
 
          Le point d’origine du droit européen de la concurrence est le premier de ces principes. En rupture avec le libéralisme, le marché n’est plus vu comme étant un ordre naturel optimal. Il doit être construit et protégé par les autorités.
          Dans l’ouvrage cité plus haut, M. Foucauld estime que ce qui caractérise l’ordolibéralisme est la défense d’une « politique de cadre ». Il entend par là une action « sur les données qui ne sont pas directement des données économiques, mais qui sont des données conditionnantes pour une éventuelle économie de marché. » (opus cité p146)
          Hans von der Groeben, diplomate allemand très marqué par l’ordolibéralisme, est le premier commissaire à la concurrence avec l’entrée en vigueur du Traité de Rome en 1957. Il déclare plus tard en 1967 : « La politique de la concurrence ne signifie pas laisser-faire, mais réaliser un ordre fondé sur des normes juridique. »[7]Le pont est alors fait entre l’ordolibéralisme et le droit de la concurrence.
          Cependant l’application du droit européen de la concurrence fait l’objet d’une bataille économique entre l’ordolibéralisme et le néolibéralisme de l’école dite de Chicago. A titre d’exemple, l’École de Chicago défend l’intérêt d’une entorse au droit de la concurrence en matière d’entente lorsque celle-ci se fait au profit du consommateur. Ce type d’argument a pris de l’importance entre la fin des années 90 et 2009. Mais la CJUE a finalement affirmé son opposition à cette rhétorique dans une décision GlaxoSmithKline[8]. La structure concurrentielle du marché doit être protégée pour elle-même. La raison en est la lutte contre les situations dans lesquelles une entreprise détiendrait un trop grand pouvoir de marché.
         On peut achever cet article sur une définition qui nous servira de base pour les prochains. Le droit européen de la concurrence est l’ensemble des règles qui protègent et encadrent le fonctionnement concurrentiel du marché intérieur.
 
François  CURAN



[1] « Libéralisme et néolibéralisme », Revue Débat, 2014 n°78 p 52 à 61
[2]   Naissance du biopolitique, Michel Foucauld, Gallimard, 2004 p 29
[3] « Libéralisme et néolibéralisme », Michel Guénaire, Revue Débat, 2014 n°78 p 52 à 61
[4]  Naissance du biopolitique, Michel Foucauld, Gallimard, 2004 p 137
[5] « L’ordolibéralisme et la construction européenne », Michel Dévoluy, Revue internationale et stratégique, 2016 N°3 p 26 à 36
[6] Ibid.
[7]   « L’ordolibéralisme et la construction européenne », Michel Dévoluy Revue internationale et stratégique, 2016 N°3 p 26 à 36
[8] CJCE, 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline c/ Commission ; les règles de concurrence protègent « non pas uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché, et ce faisant, la concurrence en tant que tel (…) »


L'heure fuit, le droit demeure

Source

 

juin 20, 2015

Frédéric Lefebvre un politicien qui aurait mieux compris que les autres, un petit "libéral" en devenir ou un nouvel exercice de style ??

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.




Sommaire:

A) Migrants : les politiques aussi divisés que les Etats membres sur le rôle de l’UE – (Libération)

B) Modernes. Pour les Français - Frédéric Lefebvre

C) Frédéric Lefebvre : "On prend les Français pour des imbéciles" - et- leJDD.fr

D) Frédéric Lefebvre : « Pour une mobilisation européenne contre l’État Islamique » – (Le Huffington Post)

E) FRÉDÉRIC LEFEBVRE : « Le gouvernement a pris pour cible les Français de l’étranger » - par - http://courrierdefloride.com

La réflexion politico-philosophique de Frédéric Lefebvre




A) Migrants : les politiques aussi divisés que les Etats membres sur le rôle de l’UE

L’Union européenne (UE) tente de trouver un plan d’action pour renforcer la lutte contre l’immigration clandestine et l’accueil des réfugiés. Alors que les Etats membres souhaitent accélérer le renvoi des migrants en situation irrégulière, les politiques sont divisés quant au rôle que l’Europe doit jouer face à ces flux de migrants. Mais une chose est sûre : tous veulent qu’elle agisse, et vite.

La députée Les Républicains (LR) Valérie Pécresse estime qu’il faut «mettre d’accord» l’Europe. «Il faut une volonté politique. Quand Nicolas Sarkozy était président de la République, il allait au Conseil européen et tapait du poing sur la table. Où est le leadership européen de la France ?», a-t-elle lancé ce jeudi sur LCI. «Nous devons organiser un blocus maritime pour empêcher les bateaux de quitter les côtes libyennes.»

Anne Hidalgo est elle aussi «en colère» contre l’attitude de l’Europe. La maire de Paris dénonce «cette Europe qui se replie sur elle-même, qui refuse de prendre sa part sur des flux sans précédent.» «Ça fait très longtemps qu’on n’a pas connu dans notre pays et en Europe des flux comme ceux-ci. Mais il faut prendre sa part, bien évidemment», ajoute-t-elle.

Le député LR Frédéric Lefebvre pense que les pays européens doivent «participer à l’effort de lutte contre le terrorisme». «Que fait l’Europe ? L’Europe aujourd’hui regarde, la France agit. Et pendant ce temps-là, on nous demande de rendre des comptes sur nos déficits», s’est-il indigné.



B) Modernes. Pour les Français

Péril en la demeure
Une politique moderne se doit de se tourner vers les Français.
Un parlement moderne se doit de légiférer pour le peuple.
Un parti moderne se doit de s’ouvrir aux citoyens.
Alors que l’Europe est de plus en plus présente et contraignante.
Alors que la mondialisation, pleine d’opportunités, doit nous amener à évoluer.
Alors que la démocratie et ses procédures ont besoin d’être actualisées, numérisées, modernisées.
Le temps des Français n’a plus rien à voir avec le temps politique.
Alors que nos regards sont collectivement braqués sur 2017, celui de nos compatriotes est fixé sur la fin du mois.
Alors que nos débats sont largement occupés par des joutes stériles, nos compatriotes attendent que nous additionnions nos forces.
Alors que, trop souvent, nos partis sont dans la tactique, nos compatriotes espèrent du concret allié à une vision.
Nous choisissons la sincérité politique plutôt que le calcul politicien.
Nous dépassons les clans, les écuries, les courants, en restant attachés à nos familles politiques respectives.
Nous entendons contribuer à faire naître une opposition UMP/UDI qui recherche l’unité et la sincérité en créant une « pléiade » des modernistes qui se réunira régulièrement pour faire avancer cette nouvelle attitude politique.
Imaginons. Inventons. Innovons.
Résolument actuel, nous appelons tous les modernistes à se dévêtir des oripeaux idéologiques, à abandonner les réflexes pavloviens, à retrouver le bon sens paysan, pour faire le choix des Français.
En toutes circonstances.

La liste des premiers signataires :
Frédéric Lefebvre, Député UMP et ancien ministre
Puis par ordre alphabétique
Yves Censi, Député UMP
Jacques Gautier, Sénateur UMP
Guy Geoffroy, Député UMP
Arlette Grosskost, Députée UMP
Meyer Habib, Député UDI
Patrick Hetzel, Député UMP
Francis Hillmeyer, Député UDI
Yves Jego, Député UDI et ancien ministre
Patrick Labaune, Député UMP
Thierry Lazaro, Député UMP
Maurice Leroy, Député UDI et ancien ministre
Franck Marlin, Député UMP
Damien Meslot, Député UMP
Alain Moyne-Bressand, Député UMP
Bérangère Poletti, Députée UMP
Arnaud Richard, Député UDI
Fernand Siré, Député UMP
Eric Straumann, Député UMP
Claude Sturni, Député apparenté UMP
François Vannson, Député UMP
Marie Jo Zimmerman, Députée UMP

Frédéric Lefebvre
 



C) Frédéric Lefebvre : "On prend les Français pour des imbéciles"

INTERVIEW - Beaucoup se souviennent de lui comme d’un porte-parole caricatural de l’UMP durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. A 51 ans, Frédéric Lefebvre marque désormais sa différence avec son propre camp en soutenant des réformes du gouvernement, comme la loi Macron. Entretien avec un député de droite qui dit en avoir marre de "la politique à l'ancienne", où tout n'est que "stratégie, cynisme et calcul". 

Le bureau exigu se trouve au bout d’un couloir, à l’Assemblée nationale. Sur la table basse, un livre de photos sur l’Elysée et pas très loin, un cadre avec son prix de l’humour politique datant de 2011. Frédéric Lefebvre avait obtenu le prix de "l’encouragement" pour avoir déclaré que son livre de chevet était "Zadig et Voltaire" (citant l'enseigne plutôt que Zadig ou la Destinée, de Voltaire). La bourde avait fait le bonheur des internautes pendant plusieurs jours.

L'ex-ministre est un homme de paradoxes. Après une boulimie médiatique au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, celui qui est depuis 2013 député des Français vivant aux Etats-Unis et au Canada est revenu à un relatif anonymat. Il a remisé au placard ses propos polémiques et peut étonner par ses prises de position. Il était le seul UMP à voter l'an dernier le pacte de responsabilité et aurait fait de même sur la loi Macron si le gouvernement n'avait pas utilisé le "49.3". Lui assure que ses convictions n'ont pas changé, mais avoir pris du recul après avoir "tutoyé la mort". Il porte un regard sombre sur la vie politique d'aujourd'hui et n'épargne pas sa famille, à commencer par Nicolas Sarkozy.


Que retenez-vous de ce nouvel épisode parlementaire, marqué par le 49.3 et le rejet de la motion de censure?
Je ne suis absolument pas contre le 49.3 en tant que tel, il permet au gouvernement d'agir avec efficacité. Or, un gros problème de notre démocratie aujourd'hui est le décalage du temps gouvernemental et parlementaire avec le temps réel des Français. Par nécessité, je crois que notre démocratie sera dans l'obligation d'agir de plus en plus en utilisant ces outils de notre Constitution, avec les ordonnances par exemple.

Cela n'empêche pas les problèmes de majorité…
Le 49-3 est aussi le fruit des postures de gauche et de droite. Je les dénonce. Sur la loi Macron, la gauche ne voulait pas une majorité grâce à des voix de droite et la droite n'a pas voulu assumer le fait qu'elle était en accord avec ce texte. Bien sûr, un certain nombre de mes collègues sont sincères quand ils s'opposent à la loi Macron mais c'est une minorité. Si chaque parlementaire avait voté en son âme et conscience, il y aurait eu une majorité d'idées très claire sur ce texte. On aurait pesé sur le contenu de la loi et évité de valoriser les frondeurs.

C'est Nicolas Sarkozy qui a donné comme consigne de voter contre…
On me ressort souvent cette phrase de François Mitterrand : "Dans l'opposition, on s'oppose." Déjà, je n'aime pas le terme "opposition". On devrait se nommer "force d'alternance". Cela signifierait que l'on mobilise notre énergie pour bâtir plutôt que détruire. Au cours du précédent quinquennat, lorsque j'étais porte-parole de ma famille politique, je faisais trois télévisions par jour pour riposter aux attaques incessantes contre Nicolas Sarkozy. L'opposition n'avait qu'un objectif, celui de détruire l'action du gouvernement. Quoi que faisait le président de la République, même si c'était bien, il fallait être contre. On fait exactement la même chose, et c'est ce que je dénonce. Les politiques bloquent le changement!

A votre avis, pourquoi la plupart de vos collègues ne font pas comme vous?
Certains n'ont pas directement suivi le sujet, alors ils appliquent la consigne du groupe. D'autres sont venus me voir pour me dire qu'ils partageaient mes idées, mais comme il y a des jeux politiciens et des pressions… D'autres encore exprimaient une inquiétude réelle : "Est-ce que tu ne crains pas en faisant cela de nourrir 'l'UMPS'?" Selon eux, les électeurs se détourneraient de nous pour choisir l'extrême droite parce que le clivage gauche-droite ne serait pas assez clair.

Ont-ils raison?
Je pense exactement l'inverse. Que la gauche et la droite se mettent d'accord sur des solutions concrètes, c'est ce qu'attendent les gens. Ce qu'ils nous reprochent, droite et gauche, c'est de ne pas faire le job, de nous occuper de nous-mêmes et pas de leur problème. Ce cela qu'on appelait l'UMPS, c'est cette exaspération.

Un politique de droite est-il encore différent d'un politique de gauche?
Bien sûr. Nous avons tous des références et des valeurs mais elles ne doivent pas nous amener à des postures idéologiques. Je suis un homme de droite, je suis gaulliste et j'ai commencé comme petite main de Jacques Chaban-Delmas. Il m'a appris cela : pour changer, réformer, il faut additionner les différences. Le seul moyen de retisser un lien de confiance, c'est que les Français mesurent l'authenticité de ce qu'on dit et de ce qu'on fait. 


La politique n'est-elle plus qu'un spectacle, selon vous?
Oui, c'est un théâtre d'ombres. Tout est stratégie, cynisme et calcul. On prend un peu les Français pour des imbéciles, à gauche comme à droite. Il faut divertir - détourner au sens étymologique du terme - les citoyens de l'essentiel. La politique est un jeu qui se fait dans un bocal. C'est le stade de France avec des tribunes presque vides. Vous avez deux équipes sur le terrain qui font de l'antijeu sous une nuée de caméras. Elles essayent de séduire les quelques supporteurs alors que l'enjeu est de faire revenir les citoyens dans le stade.

Faut-il revoir le travail des parlementaires?
Il faut changer la fabrique de la loi. Je ne crois plus du tout à ce vieux système où des experts travaillent avec les élites, qui sortent des réformes toutes prêtes des tiroirs de l'administration. On ne peut plus faire de la politique comme avant, lorsqu’on partait du principe que les gens n'étaient pas assez intelligents pour comprendre, lorsque certains sur les plateaux de télévision employaient à dessein des mots ou des sigles que personne ne comprenait pour paraître supérieurs. Aujourd'hui, nous avons les moyens aujourd'hui de pouvoir associer tout le monde à la fabrique de la loi. Je suis en train de travailler avec des jeunes Français des États-Unis et du Canada sur la démocratie digitale. Réinventons le référendum, par exemple...

On se souvient de vous comme le "porte-flingue" de Nicolas Sarkozy, vous êtes aujourd’hui très critique à l’égard de votre camp. Qu’est-ce qui vous a fait évoluer?
Je pense d’abord qu’on n’est pas un homme politique complet tant qu’on n’a pas été au gouvernement. Je n'ai jamais été aussi heureux que lorsque j'étais dans l'action (il a été secrétaire d'Etat au Commerce de 2010 à 2012, Ndlr). C’est là où vous prenez conscience que vous avez la responsabilité des Français sur vos épaules. Et puis, j’ai tutoyé la mort. J’ai fait à partir de 2010 sept embolies et un infarctus pulmonaire. Même si je suis maintenant en pleine forme, cela change les priorités de la vie. On ne conçoit plus de mettre son énergie dans un combat négatif. Paradoxalement, c’est une épreuve que je souhaite à tous...

Dans quelle mesure cela a changé votre façon de faire de la politique?
Je suis authentique, j'essaye de dire ce que je pense profondément. Je veux construire, apporter ma pierre. Mon regard a aussi changé parce que je passe la moitié de mon temps dans ma circonscription en Amérique du Nord. Vous avez un regard plus juste quand vous êtes loin de la France. Je le vois avec les Français là bas. L'éloignement est un exhausteur d'amour. Plus vous êtes loin de la France, plus vous l’aimez. 

Quelles sont vos relations aujourd'hui avec Nicolas Sarkozy?
Je l'ai rencontré à 18 ans, j'ai été son conseiller pendant 25 ans. L'amitié, ce n'est pas quelque chose qu'on remet en cause. Mais je suis mobilisé pour les Français, parce que c'est mon devoir et mon honneur. Donc il peut y avoir des désaccords. Les Français veulent de l'équilibre. On ne peut pas aller devant eux avec une jambe droite bodybuildée et une jambe gauche atrophiée. En 2007, j'ai aimé cet équilibre que nous avons su construire. J’ai d’ailleurs été l’un de ceux qui a théorisé l’ouverture. Je ne me ferai jamais à l'idée qu'on peut tout balayer parce que cela aurait été simplement de la tactique.

Vous regrettez ses changements de position, comme sur l'islam ou le droit du sol?
Je ne veux pas personnaliser, on peut prendre des exemples des deux côtés. Après, la société évolue. On peut être amené à changer de position, moi aussi ça m'est arrivé. Mais n'utilisons pas les débats à des fins politiciennes en essayant d'entretenir des clientèles, en leur envoyant tel ou tel signal. Le droit du sol est un sujet complexe qui ne doit pas devenir un slogan. Combattons l'Etat islamique plutôt que les migrants. Mobilisons une partie des milliards de l'aide publique au développement sur un soutien ciblé à ces migrants s'ils créent de l'emploi dans leur pays d'origine. Mais n'exploitons pas la misère humaine.

Vous avez récemment accueilli Alain Juppé aux Etats-Unis. Est-ce lui, le candidat le plus "équilibré" pour 2017?
C’est avec joie que je l'ai accueilli à New York et en même temps c'est mon devoir. Mais avec tout ce que je viens de dire, je ne veux pas rentrer dans une logique d'écuries. A deux ans de l'échéance, pensons aux Français plutôt qu'à nous même. Si je réponds maintenant, tout ce que je dirai sera analysé à l'aune de ma décision. Les primaires viendront en leur temps et je prendrai mes responsabilité le moment venu.

et- leJDD.fr





D) Frédéric Lefebvre : « Pour une mobilisation européenne contre l’État Islamique »

Non à l’Europe impuissante
Un sondage souligne que l’Europe perd du terrain dans l’opinion Française.
Dix ans après le rejet du projet de constitution européenne par un Non historique de 55%, alors même que l’actuel et l’ancien Président de la République avaient posé ensemble à la une de Paris-Match pour afficher leur soutien au Oui, le Non l’emportait à 54,68%…
Est-ce à dire que les citoyens Français sont contre l’Europe ? Certes non.
Ils sont, car ils sont lucides, contre l’impuissance de l’Europe.
Alors que les citoyens européens sont marqués par l’horreur des actes barbares de l’Etat Islamique, que ce sujet est sur toutes les lèvres dans les familles, au lycée, au bureau ou au café, il est cruellement absent du débat public.

En France. Dans toute l’Europe.
Je prêche dans le désert depuis le 23 mai, date à laquelle j’ai lancé un appel, publié sur Facebook et vu plus de 20 000 fois sur Twitter, au Président du Parlement Européen pour qu’il convoque immédiatement le Parlement pour débattre d’une mobilisation européenne contre Daesh :
Je demande au président @MartinSchulz 1 débat immédiat sur 1 intervention militaire européenne renforcée contre l’ http://on.fb.me/1Los6L5
Sa seule réponse furent deux tweets sur l’Eurovision…
Le lendemain j’ai réitéré cet appel sur iTélé.
Sans qu’il rencontre plus d’écoute.
Le soutien, que je salue, de mon collègue Arnaud Robinet, député-maire de Reims, étant malheureusement bien isolé.
J’ai alors décidé de déposer une proposition de Résolution européenne sur le bureau de l’Assemblée Nationale, co-signée par plusieurs collègues de droite et de gauche.
Alors que la cérémonie au Panthéon honorait la mémoire de grands résistants, je soulignais qu’ils devaient nous servir d’exemple aujourd’hui, dans un tweet vu plus de 10 000 fois :
La Résistance d’hier justement honorée au doit tracer la route de la Résistance d’aujourd’hui au

Aucune réaction politique.
J’ai alors saisi l’occasion du débat en commission de la Défense à l’Assemblée Nationale, ouvert à la presse, pour saisir le ministre de la Défense et mes collègues des autres groupes :
Le ministre manifesta son approbation, le groupe socialiste par la voie du député Joaquim Pueyo, et le groupe UDI par la voie du député Philippe Folliot, soutinrent mon propos.
Je soulignais d’ailleurs le désengagement financier de l’Europe qui laisse la France seule à porter le fardeau de la défense européenne.

Et maintenant ?
Si l’Europe ne se ressaisit pas, si nous restons lâches, empêtrés dans un comportement munichois, alors ne nous étonnons pas si les citoyens s’éloignent encore un peu plus d’une Europe qui multiplie les tracasseries mais est aux abonnés absents quand se joue la survie de notre civilisation et l’avenir des citoyens eux-mêmes.
Si vous attendez des élus de toute l’Europe qu’ils engagent enfin nos armées contre l’Etat Islamique (EI), signez mon appel.

Frédéric Lefebvre




E) FRÉDÉRIC LEFEBVRE : « Le gouvernement a pris pour cible les Français de l’étranger »

LE COURRIER DE FLORIDE : A quoi imputez-vous ce changement dans l’opinion des Français d’Amérique du Nord qui avaient choisi une Socialiste il y a 1 an, et vous aujourd’hui ?
Frédéric LEFEBVRE : Une élection c’est toujours une nouvelle campagne, différente. Depuis plus d’un an, je sillonne la circonscription, à la rencontre des Français, au cœur de leurs préoccupations. Ils ont compris que j’avais à cœur de les représenter, de les défendre, que j’étais entendu dans ma famille politique et que j’avais la chance d’être invité par les médias à m’exprimer. Les Français ici ont une vision, une expérience qui est une chance pour la France au XXI eme siècle. Je veux rétablir la vérité sur nos compatriotes qui sont si souvent caricaturés et en conséquence ciblés.
Un an après l’élection de François Hollande, les Français se sont aperçus que lors de ma première campagne je n’avais pas brandis des risques imaginaires et qu’ils éteint bel et bien devenus des boucs émissaires de la crise.
Le gouvernement actuel a mis un coup de canif dans la convention de non-double imposition avec la CSG appliquée aux plus values immobilières et a pris pour cible les Français établis hors de France, sur la fiscalité ou l’éducation.
Et puis les Français en Amérique du Nord aiment leur pays et s’inquiètent de l’absence de cap, de stratégie au plus haut niveau de l’Etat. Il veulent une alternative, un nouvel espoir.   J’ai maintenant une obligation de réussite. Les amendements que j’ai déposé durant les premiers quinze jours de mon mandat illustrent une nouvelle politique, une nouvelle méthode de Gouvernance. Certains d’entre eux ont été adoptés avec le soutien de députés socialistes ou écologistes, parfois contre l’avis du Gouvernement, parfois avec son assentiment. D’autres contribuent a dessiner un projet pour l’avenir.
Enfin, trois mois et demi, 7 jours sur 7 à la rencontre de ces Français audacieux, à leur écoute, déterminé à les défendre…  peut être que cela a fait la différence.
LE C.D.F : Dans France-Amérique, Guy Sorman commente durement votre élection : « Les Français d’Amérique du Nord dans cette élection ont été traités comme une colonie », dit-il en synthèse, parlant de « fiasco pour la démocratie ». Que lui répondez-vous ?
F.L : J’ai refusé d’entrer dans les polémiques tout au long de cette campagne, ce n’est pas pour le faire maintenant.
L’heure après une élection est à l’action et au rassemblement. Les Français de cette circonscription peuvent depuis 2008, grâce à cette belle idée de Nicolas Sarkozy, élire un député. Cette représentation est importante pour eux. Les attentes sont immenses et il faut resserrer les liens entre la France et les Français d’ici. Les Français établis hors de France peuvent apporter des idées nouvelles pour la France. ils doivent être des boussoles dans la mondialisation. L’énergie, l’audace et la diversité des parcours doivent inspirer en France. Notre pays en a tant besoin. Il faut changer les mentalités.
Quant à l’abstention, n’oublions pas que même pour l’élection présidentielle il n’y avait qu’à peine 40% de votants. Que cette élection législative est inédite. Enfin, une élection partielle c’est toujours une mobilisation plus faible.
Nous avons fait quasiment deux fois mieux que dans la 8ème circonscription( Israël, Italie, Chypre).
Par rapport à l’élection générale d’il y à 1 an la participation a reculé de 25%. C’est beaucoup… mais c’est beaucoup moins que dans les élections partielles en métropole ou le recul dépasse parfois les 50% !
D’ailleurs, nous avons eu plus de 21000 votants, alors qu’en métropole la moyenne à ces élections partielles depuis septembre s’échelonne entre 17000 et 35000 votants.
C’est d’autant plus notable, qu’on ne peut pas dire que le vote ait été sans obstacles. Mémorial day, un vote internet qui n’était pas sans problèmes, des radiations sur les listes, etc…

LE C.D.F : Vous représentez désormais un demi-million d’électeurs sur un très vaste territoire, n’est-ce pas beaucoup comparé à un député de la Creuse ?
F.L : Notre circonscription est effectivement immense, plus de 40 fois la France, près de 200 000 inscrits aux Consulats, probablement plus d’un demi million de Français établis ici.  Et chaque jour la communauté grandit. A cet effet, j’ai décidé de bâtir une association, L’Âme Nord. Elle sera un relais permanent sur le terrain. Elle va se déployer dans toutes les zones où les Français sont présents. Cette équipe de France va travailler pour les Français sur l’éducation, la santé, la fiscalité, les retraites, les démarches administratives, les réseaux économiques.
Avec l’Âme Nord, je veux ressouder la diaspora et créer du lien social.
Je vais me démultiplier dans la circonscription. Je serai physiquement présent pour des permanences, je ferai des visio-conférences et  j’ai besoin de ce réseau qui va rapprocher les Français sur tout le territoire et permettre enfin un véritable partage d’expérience.
LE C.D.F : Quelles vont être les priorités du nouveau député ?
F.L : Ma toute première priorité est de rétablir la vérité sur ces Français établis loin de l’Hexagone. Faire comprendre qu’ils ne sont pas de riches exilés fiscaux qui ne veulent pas payer d’impôts et qui ont abandonné la France. Car c’est cette fausse image véhiculée qui nourrit des projets hostiles à la communauté française expatriée. C’est le passage obligé pour pouvoir  défendre  chacun sur le plan fiscal et pour permettre à notre pays d’investir dans l’éducation de la jeunesse française ici.
Je ne serai pas le député de l’opposition systématique mais je veux mettre ma créativité et mon esprit d’ouverture au service d’une politique plus juste pour nos compatriotes.



 
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