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octobre 25, 2018

Quel futur serait le libéralisme (par les socialopithèques, voire libéralopithèques)

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Sommaire

A) Quel avenir pour le libéralisme ? - JEAN-MARC VITTORI - Les Echos

B) De quel libéralisme Macron est-il le nom? - Jérôme Perrier et Telos - Slate

C) Libéral ou capitaliste: ce n’est pas la même chose - Xavier Landes et Claus Strue Frederiksen et David Budtz Pedersen - Slate

D) Libéralisme, ordolibéralisme, néolibéralisme … Quel fondement économique pour le marché intérieur et le droit européen de la concurrence ? - François  CURAN - Paroles de juristes (L'heure fuit, le droit demeure)
 




A) Quel avenir pour le libéralisme ?

Deux intellectuels libéraux débattent pour « Les Echos » de l'avenir du libéralisme. La crise vient-elle des excès de liberté ou est-elle inhérente au capitalisme ? L'économiste Guy Sorman en appelle au droit pour fixer de nouvelles limites. Le juriste Michel Guénaire, lui, préfère en appeler à la morale et à l'éducation.

La crise actuelle remet-elle en question le libéralisme ?
MICHEL GUÉNAIRE. L'expérience libérale des vingt dernières années débouche sur une crise d'une très grande ampleur. Nous vivons dans un monde désorganisé, privé de toute régulation politique. Depuis la chute du mur de Berlin, en 1989, le libéralisme n'a plus été contesté par l'alternative que représentait le socialisme _ radical à l'est de l'Europe, plus modéré à l'ouest. Ses valeurs se sont imposées dans la politique avec la démocratie libérale et ses standards _ le suffrage universel, le système représentatif et la garantie d'une Constitution _ et dans l'économie avec l'essor du droit de la concurrence et la financiarisation de la vie des entreprises. 

GUY SORMAN. Vous avez l'art du portrait en grand, comme le montre votre livre. Je suis plutôt pointilliste. Les valeurs du libéralisme se sont imposées ? C'est plus simplement que la mécanique libérale a été appliquée partout. Pour l'économiste du développement que je fus, il est fascinant de voir que la vie s'est améliorée pour des centaines de millions d'hommes et de femmes avec l'ouverture des frontières de leurs pays, le développement de la concurrence, la régulation monétaire, qui a joué un rôle essentiel en faisant disparaître l'inflation. Un monde désordonné ? Vous rêvez peut-être d'un gouvernement mondial, mais je crains fort qu'un tel gouvernement soit despotique. La victoire du libéralisme est en vérité peut-être très tempérée. Bien sûr, le monde se rallie à l'économie de marché à partir de 1989. Mais, sur le plan politique, la victoire est loin d'être acquise _ seulement la moitié du monde vit dans la démocratie.
M. G. Oui, le libéralisme économique a apporté des richesses. Mais la crise en détruit beaucoup. Oui, le libéralisme apporte la liberté. Mais chaque nation a son tempérament, son histoire, ses traditions. Il n'y a pas de modèle universel de la démocratie libérale. Les tentatives d'appliquer le même modèle partout ne pouvaient déboucher que sur une immense crise intellectuelle et morale. Le libéralisme est enraciné dans une culture, une morale. Il est né en Angleterre dès le XVIIe siècle, puis aux Etats-Unis et en France au XVIIIe siècle, dans des groupes humains prêts à assumer par leur culture et par leur morale la responsabilité de la liberté. 

La démocratie est-elle la même partout dans le monde ?
G. S. L'idée que la diversité des cultures est un obstacle à la généralisation de la démocratie est très française. Alain Peyrefitte expliquait déjà que les Chinois ne sont pas faits pour la démocratie. Mais, jusqu'au XIXe siècle, les villes chinoises élisaient leurs représentants. L'Inde a des formes locales de démocratie proches du modèle occidental. L'aspiration à la libre expression, au débat, à la reconnaissance individuelle existe partout.
M. G. J'ai au contraire l'intime conviction que nous allons vers le temps des régions du monde avec des organisations économiques et politiques qui leur seront propres, inscrites dans leur histoire. Bien sûr, il y aura des traits communs, comme la séparation des pouvoirs ou le système représentatif pour choisir ou sanctionner les dirigeants politiques. Mais nous devons sortir du rêve de principes universels inventés sur la presqu'île d'Asie qu'est l'Europe ! Le commencement de tout, c'est la culture, pas la liberté.
G. S. J'ai du mal à distinguer l'une de l'autre. Et s'il n'y a pas de modèle d'économie libérale, il existe en revanche une science économique. Turgot et Adam Smith avaient raison : l'économie qui marche, c'est l'économie de marché. On a essayé le maoïsme, l'autogestion, le système stalinien, la planification à la française... qui ont tous échoué. Certains cherchent des alternatives. Et ce n'est pas surprenant, car nous sommes ici dans un monde très imparfait. 

L'Etat va-t-il sortir renforcé de la crise ?
M. G. Ces dernières années, on a gommé le rôle de l'Etat. Les politiques étaient d'ailleurs contents eux-mêmes de laisser le vieux corps des nations géré par la loi du marché. Ils ont déréglementé et privatisé à souhait. Résultat : dans la crise, l'Etat peine à trouver ses marques, il hésite à faire les véritables choix de rupture. Nous avons besoin de retrouver un équilibre entre l'Etat et le marché.
G. S. Dans nos pays, je crois que le poids de l'Etat n'a pas diminué. Rapportées au PIB, les dépenses publiques ont augmenté. Le nombre de fonctionnaires aussi. Quand on dit qu'il y a eu retrait de l'Etat, c'est à la marge, et à la seule demande de Bruxelles.
M. G. Le poids relatif de l'Etat n'a sans doute pas diminué, mais son rôle s'est vidé de sens. L'Etat était auparavant plus présent. Il menait une politique industrielle. Il lançait de grands investissements structurants, comme le nucléaire. Dans la période récente, l'Etat a abandonné ses vraies fonctions actives et s'est rempli de fonctions inefficientes, notamment dans le domaine social.
G. S. Je suis réticent à l'idée de la politique industrielle. Nous risquons de replonger dans des mésaventures comme le plan Calcul ou Bull. Et il est devenu très difficile d'agir à l'échelon national. Dans quel secteur l'Etat pourrait-il aujourd'hui mener efficacement une politique industrielle ?
M. G. L'énergie. En proposant des perspectives de régulation du marché de l'électricité. Ou dans le gaz, en soutenant les projets qui sont susceptibles d'accroître l'indépendance nationale, comme la construction de méthaniers et d'infrastructures adaptées, pour s'émanciper de la dépendance à l'égard des gazoducs.
G. S. Je ne suis pas convaincu. Mais je ne suis pas pour autant hostile à toute intervention publique. En France, l'Etat fonctionne bien dans certains domaines qui relèvent de ses fonctions régaliennes : armée, police, sécurité. Et son modèle de protection sociale, s'il a bien des inefficacités, est plutôt un bon système quand on le compare aux autres. La « destruction créatrice " décrite par Joseph Schumpeter est formidablement efficace à condition que l'Etat organise des garanties sociales. 

Par où passe la sortie de crise ?
G. S. C'est une crise dans le capitalisme, et non une crise du capitalisme. Elle ne devrait pas nous surprendre. On ne connaît pas de capitalisme sans crise, car il est fondé sur le risque et l'innovation. Il y a toujours des innovations qui tournent mal, comme par exemple les produits dérivés. Et ces crises ont toujours une origine monétaire. C'est ce que nous a appris Milton Friedman. Une création excessive de monnaie débouche inévitablement sur une spéculation à court terme. L'origine de la crise actuelle est la débauche monétaire qui a débuté aux Etats-Unis en 2003. Les dollars créés localement et les dollars rapatriés du reste du monde ont gonflé une bulle dans l'immobilier. La source de la crise n'est pas le spéculateur mais la création des conditions d'une spéculation massive. Et la solution n'est donc pas la réglementation. L'économiste Jean Tirole l'a bien montré : c'est d'abord l'information qui a manqué. Avec les produits dérivés, les investisseurs ne savaient pas ce qu'ils achetaient. Un peu comme un malade qui aurait acheté un médicament puissant fourni sans notice d'accompagnement sur ses effets indésirables.
M. G. Cette crise est très originale. C'est la première à effet de contamination universelle, sans précédent. Maintenant, les économies ouvertes sont beaucoup plus vulnérables. Les seuls pays où les banques ont résisté à l'automne dernier étaient d'ailleurs ceux qui avaient un contrôle des changes, comme le Maroc. Le système ne peut pas continuer à fonctionner ainsi. Le prix de l'éclatement des bulles est trop élevé et les Etats n'adoptent aucune mesure pour corriger le système.
G. S. Il est très difficile d'analyser un événement quand on est dedans ! Vous savez, les économistes ne sont toujours pas d'accord sur la crise des années 1930. Mais nous en avons tout de même retenu une solution : pratiquement personne ne réclame le retour du protectionnisme. De même, nous avons retenu une leçon essentielle de la crise de 1973 : l'inflation n'est pas une réponse à la crise.
M. G. En quelque sorte, les gens devraient être encore plus libéraux pour lutter contre les excès du libéralisme... Je crois qu'il faut plutôt corriger l'expérience libérale en cours, si l'on veut sauver le soldat libéral ! Antonio Gramsci disait que « la crise est ce qui sépare le vieux du neuf ». J'attends le neuf.
G. S. Vous aspirez à la perfection. Or l'économie se prête mal à l'utopie. Elle tombe en panne tout le temps, elle est dure à réparer et plus encore à expliquer. Elle est dictée par le « hasard sauvage ", selon l'expression de Benoît Mandelbrot, qui en déduit que les marchés financiers sont un endroit très dangereux. Et pourtant, malgré ces imperfections, les progrès de la science économique sont considérables.
M. G. L'économie, ce n'est pas la fatalité des imperfections. C'est aussi l'exercice des responsabilités : la création des richesses et leur partage. Ces responsabilités ne sont plus exercées parce que les repères moraux ont disparu. Je forme le souhait que la crise nous permettra de tourner la page d'une époque où des acteurs ont saccagé impunément des entreprises et des pays pour gagner de l'argent, pour revenir à une gestion d'hommes exemplaires. Le libéralisme repose sur deux principes : la régulation des marchés et l'éducation des hommes. Je vois une sortie de la crise par ces deux principes.
G. S. La cupidité n'est pas une nouveauté. Le boulanger vend son pain par esprit de lucre, nous disait Adam Smith il y a plus de deux siècles. L'économie libérale est une façon de faire vivre ensemble des individus qui n'ont pas la même morale. Au-delà, c'est à la loi et à l'Etat de fixer les limites. Moraliser le capitalisme ? On ne peut pas plus moraliser le capitalisme que la plomberie ! Je rappelle que l'économie ne produit pas de valeurs, mais des richesses.

JEAN-MARC VITTORI - Les Echos
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B) De quel libéralisme Macron est-il le nom?

Emmanuel Macron s’inscrit pleinement dans un courant parfaitement identifiable pour l’historien des idées politiques.

À en croire ses pourfendeurs, campés aux deux extrémités de notre échiquier politique, Emmanuel Macron ne serait que l’incarnation hexagonale du libéralisme, ce virus venu de l’étranger et qui, sous diverses formes (néo- ; ultra- ; sauvage ou rampante), aurait irrémédiablement infecté la mondialisation actuelle, pour le plus grand malheur des plus démunis. L’intéressé quant à lui s’est toujours montré prudent lorsqu’on l’interrogeait sur son rapport au libéralisme ; ce qui peut fort bien se comprendre dans un pays comme le nôtre, où cette école de pensée est si volontiers caricaturée – et si largement méconnue. Pour autant, lorsqu’on lit le programme d’En Marche! et plus encore le livre Révolution, il est difficile de ne pas pleinement inclure le nouveau Président de la République française dans ce que l’historien anglais Michael Freeden appelle la «famille libérale» ; soit une vaste nébuleuse idéologique à l’intérieur de laquelle peuvent se manifester de substantielles divergences, mais dont les membres partagent néanmoins une «structure conceptuelle stable», fondée sur quelques principes intangibles, comme la défense intransigeante de la liberté, de l’initiative et de la responsabilité individuelles, ou encore le goût prononcé du pluralisme et de la tolérance, contre toutes les formes de dogmatisme.
À lire et à entendre Emmanuel Macron, il peut sembler aussi aisé de l’inclure dans cette grande famille libérale que délicat de le rattacher à un courant précis au sein de cette mouvance hétéroclite. Car s’il développe une pensée indéniablement cohérente – allant jusqu’à affirmer dans une interview récente à Mediapart qu’il essayait «de construire une pensée qui fait système» –, il n’en reste pas moins avare de références théoriques ou livresques (ce qui ne saurait nous étonner de la part d’un homme politique, s’il n’était aussi iconoclaste). De fait, même son éloge répété de Paul Ricœur, dont il fut brièvement le collaborateur, concerne davantage l’homme que la pensée (une pensée assez peu politique du reste). Et ses fréquentes références à Jean Jaurès relèvent davantage d’un lieu commun flattant à peu de frais la gauche française que d’une authentique dette spirituelle. Il n’est donc pas facile d’établir une généalogie intellectuelle précise de son projet politique, même si cela ne doit pas nous interdire des rapprochements entre certains des thèmes récurrents de son discours et un (ou des) courant(s) particulier(s) de la galaxie libérale.

L'aggiornamento idéologique que le PS n'a jamais fait

C’est ainsi par exemple que l’on est d’emblée tenté d’établir un parallèle entre le projet politique d’Emmanuel Macron et la «Troisième Voie» théorisée il y a une vingtaine d’années par le sociologue anglais Anthony Giddens, avant de fournir à Tony Blair un nouveau logiciel idéologique destiné à refonder la gauche travailliste sous les traits du New Labour. Tout se passe en effet comme si le leader d’En Marche! était en passe d’imposer à la gauche française de gouvernement cet aggiornamento idéologique que le Parti socialiste s’est jusqu’à sa tombe refusé à faire ouvertement, préférant se réfugier dans le déni jospinien de la «parenthèse» (ouverte en 1983, mais jamais officiellement refermée) puis dans la tiède synthèse hollandaise, source d’ambiguïtés et de rancœurs infinies.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Tony Blair a récemment publié dans Le Monde une tribune tressant des louanges au nouveau locataire de l’Élysée, dans lequel il ne peut s’empêcher de voir une sorte d’héritier spirituel –même si, à la différence de l’ancien Premier ministre britannique, le nouveau chef de l’État français entend imposer sa «révolution conceptuelle» en brisant le Parti socialiste en même temps que le clivage gauche-droite ; là où Blair avait pu opérer de l’intérieur du parti travailliste une mue idéologique de grande ampleur. Reste que la comparaison entre les deux entreprises politiques s’impose d’elle-même, et qu’elle dépasse largement les analogies superficielles, comme la jeunesse commune aux deux hommes (Tony Blair n’avait que 44 ans lorsqu’il est entré au 10 Downing Street) ou encore leur évident charisme (on a quelque peu oublié, après le fiasco irakien, l’espoir qu’avait pu susciter outre-Manche l’arrivée au pouvoir du New Labour en 1997).
Le parallèle entre le blairisme et ce qui deviendra peut-être un jour le macronisme est bien plus profond qu’il n’y paraît, car il touche à la synthèse que les deux hommes opèrent –chacun à leur manière– entre les préoccupations sociales traditionnelles de la gauche et un héritage libéral en partie commun. En effet, leur synthèse sociale-libérale ou libérale-sociale emprunte beaucoup à ce que l’on a appelé au tournant des XIXe et XXe siècles, le «nouveau libéralisme» [1], dans la mesure où l’un et l’autre offrent une actualisation d’un corpus d’idées largement nées avec la deuxième révolution industrielle, et qu’il s’agit aujourd’hui d’adapter aux défis de la mondialisation (parfois qualifiée de «troisième révolution industrielle»).
On peut même faire remonter les racines de cet héritage idéologique – plus ou moins conscient et assumé– jusqu’à John Stuart Mill ; un auteur tout à fait charnière dans la riche histoire de la pensée libérale. Certes, rien ne prouve qu’Emmanuel Macron l’ait lu, pas plus du reste que les divers penseurs qui à sa suite ont contribué à forger le «nouveau libéralisme»: Thomas H. Green et Leonard T. Hobhouse outre-Manche avec le New Liberalism ; Léon Bourgeois en France avec le «solidarisme» ; Carlo Rosselli et les «socialistes libéraux» en Italie ; ou encore John Dewey et Woodrow Wilson aux États-Unis avec le «progressisme», etc. Il n’en est pas moins saisissant de constater à quel point la société de mobilité et d’égalité des chances qu’entend promouvoir Emmanuel Macron s’inscrit pleinement dans un courant parfaitement identifiable pour l’historien des idées politiques.

Le libéralisme de John Stuart Mill

Né d’une inflexion majeure du libéralisme, il a été inauguré par les dernières œuvres de John Stuart Mill (qui s’est rapproché du socialisme à la fin de sa vie) et s’est ensuite prolongé jusqu’à nos jours, à travers des penseurs fort divers, mais tous attachés à réconcilier la liberté et une certaine forme d’égalité (John Rawls pourrait en fournir un bon exemple). Cette inflexion décisive du libéralisme a opéré trois mutations majeures par rapport au libéralisme classique des XVIIe et XVIIIe siècle. La première a consisté à substituer à la vision atomistique de l’individu qui dominait à l’époque des Lumières (et qualifiée par ses adversaires de «robinsonnade») une nouvelle conception, plus sociale et plus mobile. En effet, ce que Mill choisit de nommer «individualité» ne désigne plus un concept statique, mais un être social en devenir, qui entend accomplir un projet de vie, c’est-à-dire faire fructifier ses talents et exploiter au mieux ses potentialités. Or c’est là très exactement ce que ne cesse de répéter Emmanuel Macron, qui dit croire «profondément à une société du choix, c’est-à-dire libérée des blocages de tous ordres» et «dans laquelle chacun pourrait décider de sa vie». Une société où les individus seraient «en marche» en quelque sorte…
De cette première inflexion découle une deuxième, tout aussi cruciale: le passage de la «liberté négative» du libéralisme classique (ce que les anglo-saxons appellent freedom from) à la «liberté positive» du nouveau libéralisme (freedom to). Alors que le premier concevait la liberté comme une simple absence d’oppression ou de coercition ; avec le second, la liberté est conçue comme le pouvoir d’agir, comme la capacité à accomplir une tache, en exploitant pleinement ses facultés. Cette mutation est fondamentale car l’obstacle à la liberté n’est plus du tout le même. Dans le libéralisme classique, c’est l’autorité arbitraire (celle du pouvoir politique ou de l’autorité religieuse) qui opprime l’individu en le privant de son indépendance. Désormais, c’est l’absence de moyens (y compris financiers) qui l’empêche de s’épanouir librement et de faire fructifier son potentiel. D’où un rapport radicalement différent à l’État: là où le libéralisme classique y soupçonne toujours une menace, le nouveau libéralisme y voit au contraire un précieux allié pour l’individu ; cet être social en construction. Là encore, on retrouve un thème omniprésent chez Emmanuel Macron, qui n’hésite pas à vanter le rôle d’«investisseur social» de l’État, notamment lorsque celui-ci dépense pour l’éducation ou la formation permanente.
La troisième et dernière grande mutation opérée par le nouveau libéralisme concerne la conception de l’égalité, puisqu’il substitue à une stricte égalité juridique la notion d’égalité des chances qui, une fois encore, est omniprésente dans le discours macronien. Celui-ci va jusqu’à prôner une forme de discrimination positive, puisqu’il ne cesse de répéter que «l’uniformité ne signifie plus l’égalité» et que «l’égalité ne consiste pas à faire pareil pour tout le monde». Au contraire, dit-il, «l’égalité réelle» consiste à «donner plus à ceux qui ont moins», «à faire plus pour ceux qui ont moins». L’idée est amplement développée dans Révolution, mais elle a aussi trouvé une traduction concrète dans le programme du candidat Macron, sous la forme de diverses mesures-phares, comme les emplois francs destinés à encourager l’embauche des habitants des quartiers prioritaires (avec une prime de 15 000 euros sur trois ans pour le recrutement en CDI d’un habitant de ces quartiers), les classes de douze élèves en CP et CE1 en zone prioritaire, ou encore une prime annuelle de 3000 euros pour les enseignants qui accepteraient d’y être mutés, etc.

Bel et bien libéral

On peut, du reste, remarquer que la conception de l’égalité que développe le nouveau président de la République se distingue aussi bien du socialisme –qui raisonne d’abord en termes d’égalité des conditions–, que du libéralisme classique –qui raisonne exclusivement en termes d’égalité des droits. En effet, Emmanuel Macron est bel et bien un libéral puisqu’il entend simplement faire en sorte que chacun soit à égalité sur la ligne de départ (quitte à donner un coup de pouce à ceux qui souffrent d’un handicap initial), tout en laissant ensuite la compétition et l’émulation porter leurs fruits dans la mesure où les individus devront prouver leur mérite en travaillant, osant, innovant, risquant, etc. Il est peu de thème qui revienne aussi souvent sous sa plume que celui de la réhabilitation du mérite et de la réussite individuelle (un ethos devenu depuis des décennies largement étranger à une gauche française plus encline à la commisération envers les plus démunis ou à l’invective envers les plus aisés).
Pour autant, à la différence du libéralisme classique, le créateur d’En Marche ! ne se contente pas de revendiquer une stricte égalité juridique, pas plus qu’il ne renvoie l’échec à une simple faute morale, comme dans la vision spencérienne qui dominait à l’époque victorienne (et qui, aujourd’hui encore, n’est pas étrangère à un certain libéralisme conservateur). La société macronienne de la mobilité (par opposition à la société de privilèges et de statuts) et de l’égalité des chances (à rebours d’une certaine forme de darwinisme social) retrouve ainsi une logique qui a été initiée par le nouveau libéralisme il y a maintenant plus d’un siècle, avant d’être reprise notamment par la troisième voie blairiste –héritière directe du New Liberalism.
Pourtant, il existe une différence non négligeable entre celle-ci et le libéralisme d’Emmanuel Macron. En bon Français, ce dernier accorde à l’État un rôle sensiblement plus important que nos voisins britanniques. En effet, alors que Blair et Giddens imaginaient volontiers que (pour des raisons d’efficacité notamment) le secteur privé pouvait en partie se substituer à l’État en accomplissant un certain nombre de missions de service public, le candidat d’EM s’avère autrement plus réservé sur cette question.
Ainsi, dans Révolution, il ne cesse de renvoyer dos à dos la gauche conservatrice, qui attend tout de l’État, et ceux qu’il appelle les libéraux doctrinaires, qui au contraire attendent le salut du pur et simple démantèlement de la puissance publique. Dans le même esprit, le futur président écrit de l’école, de la santé (et même de la transition écologique) que si ce sont là «des domaines où l’action publique peut faire mieux» ; en revanche «personne ne peut faire sans elle». De fait, l’État conserve un rôle tout à fait essentiel dans le programme macronien, comme l’illustrent les cinquante milliards d’investissements publics annoncés, ou encore le «volontarisme lucide» prôné en matière de politique industrielle. Ce faisant, le nouveau Président de la République s’avère fidèle à la fois à un libéralisme français traditionnellement statophile et à sa formation d’énarque et d’inspecteur des Finances (deux institutions ayant toujours eu une conception de l’économie très statocentrée). De la même manière, il semble devoir rester très hexagonal dans sa conception même du pouvoir. Car si l’on se fie à sa pratique de chef de parti et de candidat, ou encore à ses premiers pas de Président élu, notre jeune monarque républicain semble développer une approche du pouvoir très verticale, centralisée, autoritaire, «jupitérienne» (pour reprendre ses propres termes). Doit-on y voir l’amorce d’une forme de volontarisme à la Bonaparte (celui du Consulat) dont la conciliation avec le libéralisme, sans être nécessairement impossible, n’en est pas moins problématique à maints égards ? Ce sera là, à n’en pas douter, une question que nous aurons à nous poser dans un proche avenir. Mais cela suppose au préalable d’accorder un peu de temps à notre Président afin de pouvoir mesurer avec précision ce qu’il entend pratiquement par un retour à «l’esprit de la Ve République» – ce qui semble être son intention profonde.

1 — À ne surtout pas confondre avec le «néolibéralisme» des années 1970 et 1980 incarné par des penseurs comme Milton Friedman ou Hayek, et qui correspond bien plutôt à une tentative de retour aux principes du libéralisme classique, qui aurait été «trahi» par Mill et ses successeurs.


Jérôme Perrier et Telos

Jérôme Perrier Agrégé et docteur en histoire
Telos Agence intellectuelle regroupant universitaires et professionnels


Emmanuel Macron est-il vraiment libéral?
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C) Libéral ou capitaliste: ce n’est pas la même chose

Capitalisme et libéralisme peuvent toujours se combiner dans les discours politiques et réalités économiques. Mais, en bout de ligne, ils désignent deux mécanismes coopératifs et deux systèmes théoriques distincts. Plus que cela, ces deux systèmes entrent souvent en conflit.

Certaines erreurs et incompréhensions ont la vie dure, en particulier en économie. Un exemple est la vision qu’ont certains politiciens ou intellectuels, en France et ailleurs, du libéralisme économique[1]. Cette vision est souvent à la fois extensive et restrictive. Elle conduit à justifier trop de dérégulation et pas assez d’intervention.

Deux erreurs sont très répandues.
La première est de confondre libéralisme économique et capitalisme. Le premier justifierait le règne de grandes multinationales dominatrices sur leur marché respectif à partir du moment où une telle situation résulterait d’une compétition (plus ou moins équitable) avec d’autres entreprises. Le concept de «néolibéralisme» illustre ce biais: la défense du libéralisme économique est assimilée à celle de multinationales. Tout au moins, on ne voit pas le problème dans la situation actuelle d’un Apple par exemple.
La seconde erreur est de minimiser le rôle joué par l’Etat moderne dans le fonctionnement des marchés. L’erreur consiste à croire que marchés et entreprises n’auraient nul besoin des institutions publiques pour être efficaces.

Le libéralisme n’est pas le capitalisme

La première erreur est courante. Elle est commise à la fois par ceux qui dénoncent le néolibéralisme[2] et par ceux qui se réclament du libéralisme (par exemple Liberal Alliance au Danemark ainsi que toute une galaxie de mouvements, clubs de pensée en Europe). Elle s’enracine dans une confusion entre défense des marchés libres et défense de certaines entités qui y opèrent: les grandes entreprises, en général multinationales.
Le capitalisme défend l’idée que l’efficience économique est fondée sur l’accumulation du capital (machines, ordinateurs, robots, etc.), la division du travail et la spécialisation des travailleurs. La manufacture d’épingles d’Adam Smith dans De la richesse des nations en est l’archétype. S’il est plus efficient d’accroître la taille des unités de production (jusqu’à un certain point où les rendements marginaux diminuent), c’est parce que l’effet de taille conduit à un abaissement des coûts de production et/ou une augmentation de la productivité, ce sont les rendements d’échelle. Ces derniers résultent de l’accumulation du capital, c’est-à-dire du fait que la productivité globale d’une entreprise est supérieure à la somme des productivités individuelles de ses employés s’ils devaient s’acquitter séparément de leurs tâches.
Ainsi, le communisme tel que pratiqué dans l’Union soviétique était un capitalisme d’Etat, n’en déplaise à certains. Le mécanisme était d’accumuler des moyens de production pour obtenir des rendements d’échelle. Bien évidemment, une différence essentielle tenait dans la propriété des moyens de production –étatique pour le communisme, privée pour le capitalisme– ainsi que dans les buts généraux du régime politique dans lequel cet arrangement productif s’insérait. Mais le mécanisme de base était le même.
De son côté, le libéralisme repose sur l’idée que l’efficience économique découle de l’échange libre entre des agents. Ces derniers peuvent entrer et sortir sans contrainte du marché, possèdent un pouvoir de marché faible (c'est-à-dire qu’ils sont incapables de déterminer les prix), ils ont une connaissance parfaite des prix, etc. (la fameuse compétition «pure et parfaite»). Ces conditions peuvent être considérées comme théoriques, voire utopiques (ce qu’elles sont), elles n’en remplissent pas moins la fonction d’idéal pour tout libéral économique qui se respecte.
Le mécanisme au cœur du libéralisme économique est l’échange mu par deux types de différences entre agents: des différences de préférences (je préfère les bananes aux pommes, vous préférez les pommes aux bananes, on a donc intérêt à échanger) et des différences de «dotations initiales» (j’ai des chaussures, vous avez des pantalons, à moins de me promener en caleçon et vous pieds nus, on a tout intérêt à échanger).
Capitalisme et libéralisme peuvent toujours se combiner dans les discours politiques et réalités économiques. Mais, en bout de ligne, libéralisme et capitalisme désignent deux mécanismes coopératifs (échange vs économie d’échelle) et deux systèmes théoriques distincts. Plus que cela, ces deux systèmes entrent souvent en conflit, car ils ne justifient pas les mêmes mécanismes économiques, politiques publiques et ne s’appuient pas sur les mêmes valeurs.



Si on ne saisit pas cette différence, on ne peut pas comprendre la raison pour laquelle Milton Friedman, monétariste et fervent libéral, considérait que la communauté des affaires et les grandes entreprises étaient les ennemis du marché.
Car grande entreprise rime avec pouvoir de marché, c’est-à-dire possibilité d’imposer ses prix aux consommateurs par exemple, d’autant plus si ceux-ci sont captifs (pratiques courantes pour des entreprises comme Apple, Microsoft ou IBM).
Des entreprises trop puissantes perturbent les lois du marché, bases du libéralisme économique. Elles peuvent bloquer l’entrée de concurrents potentiels sur leur marché. Elles ont tendance à imposer leur prix et donc violer la loi de l’offre et de la demande.
C’est la raison pour laquelle les Etats-Unis, pays profondément libéral, ont promulgué dès 1890 le Sherman Antitrust Act et une série de lois contre les ententes, collusions et distorsions de marché générées par les grandes entreprises. Ces mesures sont libérales et, dans une certaine mesure, anti-capitalistes puisqu’elles visent à limiter l’accumulation du capital.

Les marchés ont besoin des institutions publiques

Outre la défense injustifiée des grandes entreprises, certains politiciens et intellectuels se réclamant du libéralisme commettent une seconde erreur. Ils conçoivent les marchés comme des institutions qui s’autorégulent. Ou alors ils assument que moins de régulation est forcément bénéfique d’un point de vue libéral.
Le problème est que les marchés ne sont pas des institutions autosuffisantes. Leur création est guidée par des institutions plus «épaisses» et moins spontanées (constitution, droit des affaires, tribunaux, police, parlement, agences publiques etc.). Leur fonctionnement est garanti par ces mêmes institutions. Les marchés ne sont pas des «institutions» au sens où la sécurité sociale, les tribunaux ou la police le sont. Ils constituent des institutions dans un sens allégorique ou trivial (c’est-à-dire qu’ils ont été «institués»).
Pour que des marchés existent et soient efficaces, un certain nombre de biens (en général) publics sont nécessaires.
Les difficultés budgétaires des Etats sont moins dues à la crise qu’à l’évasion fiscale pratiquée par les multinationales et les ménages les plus aisés

Il faut qu’un système de droits de propriété soit établi par la loi, contrôlé par les tribunaux et garanti par la force. Il faut des routes pour que les biens circulent. Il faut un système de paiement (une monnaie) qui soit garanti par un acteur dont le risque de défaut est minime afin de rassurer les acteurs de marché et sortir d’une économie de troc. Il est nécessaire que les agents (consommateurs et producteurs) soient capables de lire les signaux du marché et de se livrer à des interactions qui satisfassent leurs réels besoins. En d’autres termes, les individus doivent être éduqués, tâche dont tous les Etats démocratiques se sont acquittés avec succès (il suffit de considérer l’évolution du taux d’alphabétisation dans tous les pays dotés d’un Etat providence depuis un siècle et demi). Il est également nécessaire qu’un agent garantisse l’ensemble des marchés contre les risques majeurs comme une crise financière, environnementale, sociale, etc. (tâche dont se sont plutôt bien acquittés la plupart des Etats occidentaux depuis 2007).
En bref, des institutions (des «vraies», épaisses) doivent jouer le rôle d’assureurs de dernier ressort et c’est l’Etat qui est le plus à même de s’en charger.
Penser que les marchés contemporains, complexes, régulés (afin de garantir leur stabilité, la sécurité des employés et consommateurs, la qualité des produits, etc.) peuvent être compris en recourant à des analogies du type «deux individus avec des biens à échanger se rencontrent dans la forêt et hop! Voilà! On obtient un marché» relève soit de la malhonnêteté intellectuelle soit d’une incompréhension profonde de ce qu’est une économie complexe.

Pourquoi ces questions sont importantes

Ces distinctions importent, car elles apportent de la profondeur à notre compréhension des tensions qui traversent nos sociétés, surtout depuis la crise de 2007-2008.
Tout d’abord, elles éclairent la question de l’accumulation du capital sous un jour qui devrait inquiéter les libéraux économiques. Si les récents travaux de Thomas Piketty questionnent l’accumulation du capital par les ménages les plus aisés, il y a un autre problème: celui de la concentration du capital corporatif. L’économie et la société sont actuellement malades, non seulement de la dérégulation des marchés, mais aussi des comportements d’acteurs qui y opèrent: certaines grandes entreprises.
Le problème est multiple. Dans la plupart des pays industrialisés, les grandes entreprises soit paient beaucoup moins de taxes qu’elles ne le devraient, soit n’en paient pas du tout en recourant à l’optimisation fiscale. Elles ne repaient donc pas ce qu’elles doivent à la communauté politique.
Les difficultés budgétaires des Etats sont moins dues à la crise qu’à l’évasion fiscale pratiquée à grande échelle par les firmes multinationales et les ménages les plus aisés, donc par les grands détenteurs de capital. Le problème est que l’évasion fiscale sape la production de biens et services publics (éducation, santé, infrastructures, sécurité, règne du droit, etc.) qui sont nécessaires aux marchés pour fonctionner de manière efficace.
Outre l’impact sur les budgets publics, la concentration du capital offre aussi à une poignée d’individus et d’organisations la possibilité d’influencer de manière décisive divers processus démocratiques (élections, décisions politiques, normes sanitaires et sociales, évaluation des politiques publiques) dans un sens favorable à leurs intérêts. Il s’agit d’un problème qui doit inquiéter n’importe quel libéral au niveau national, mais aussi européen. Si l’idéal libéral est celui d’une société dans laquelle les individus peuvent s’exprimer, échanger, s’associer ou entreprendre sans être soumis à l’arbitraire de qui que ce soit (entité publique ou privée), force est alors de reconnaître que la situation actuelle est très éloignée de cet idéal.
En France et en Europe, libéraux et sociaux-démocrates devraient s’asseoir à la même table et débattre de régulation. De fortes divergences de vues existent et continueront d’exister. Il n’y aura jamais de consensus. Mais, percevoir que les uns et les autres ont intérêt à se soucier de régulation permet de sortir de la fausse dichotomie entre sociaux-démocrates et autres socialistes qui seraient favorables à la régulation et libéraux qui y seraient opposée. Les deux groupes sont inclinés à réguler. Pas de la même façon, c’est certain, mais c’est de cela dont il faut débattre.
L’objectif n’est pas de lutter contre les entreprises ou le capital productif. Les PME-PMI jouent un rôle essentiel, trop souvent négligé, pour l’emploi, la production et l’innovation. Mais les grandes compagnies en sont les excroissances parfois monstrueuses. Si la taille de certaines entreprises est nécessaire au vu des investissements demandés dans le secteur en question (par exemple, transport aérien, industrie lourde), il n’en demeure pas moins que leur pouvoir, leur gouvernance ainsi que le respect qu’elles affichent des règles du jeu social (comme l’imposition) doivent faire l’objet d’un contrôle strict de la part des institutions démocratiques.


Taux moyen de taxe sur les entreprises | Source: kpmg

De ce point de vue, il est inacceptable que le taux moyen de taxe sur les entreprises soit inférieur en Europe à ce qu’il est aux Etats-Unis ou au Japon (21,34% contre 40% et 35,64%).
Par ailleurs, il serait bon de remettre à plat les niches fiscales et autres complaisances dont bénéficient les grands détenteurs de capital.
Le projet est ambitieux. En cela, il nécessite le soutien, au niveau européen, de politiques allant des socialistes aux libéraux.
De manière générale, le public ne devrait pas être dupe de l’usage qui est fait du concept de «libéralisme», à droite comme à gauche, chez certains de ses défenseurs et critiques.
Le libéralisme économique dont nombre de grandes entreprises se réclament et dont beaucoup de partis «libéraux» font l’apologie n’est en fait qu’un libéralisme «instrumental», c’est-à-dire une dérégulation de marchés où ces entreprises ont la possibilité d’acquérir une position dominante en violation directe des principes fondateurs du libéralisme économique. Du point de vue du libéralisme économique, moins de régulation étatique n’est pas forcément une bonne chose. C’est souvent le contraire!
La grande révolution néo-libérale des années 1980 a surtout été une grande révolution capitaliste et les libéraux devraient se soucier de ses conséquences.

1 — L’article porte sur le libéralisme économique, non sur sa forme politique (les liberals anglo-saxons).
2 — Il est intéressant de relever que le courant anarchiste est très fort chez les altermondialistes. En toute logique, ce courant devrait produire une critique du capitalisme, mais moins du libéralisme économique.

Xavier Landes et Claus Strue Frederiksen et David Budtz Pedersen
Xavier Landes Professeur en éthique des affaires et développement durable à la Stockholm School of Economics de Riga
Claus Strue Frederiksen Chercheur à l'université de Copenhague
David Budtz Pedersen Chercheur à l'université de Copenhague
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D) Libéralisme, ordolibéralisme, néolibéralisme … Quel fondement économique pour le marché intérieur et le droit européen de la concurrence ?

C’est aujourd’hui une mode, sur la scène politique notamment, que de parler de « déferlement néo-libéral », de « libéralisme à tout va de Bruxelles ». De nombreux vocables sont employés pour qualifier l’ordre économique européen dont on se plaint sur l’ensemble du spectre politique français.
          Toutefois, libéralisme et néolibéralisme sont deux notions différentes. Le libéralisme se réfère à des choses différentes selon que l’on en parle comme courant économique ou comme courant politique. Cela ne signifie pas cependant qu’il n’existe aucun liens entre ces deux notions.
          Il s’agira dans cet article de clarifier le sens de quelques-uns de ces vocables et de les distinguer. On introduira l’analyse d’un courant de pensée économique injustement méconnu : l’ordolibéralisme.  L’injustice vient du fait que ce courant, dit de l’école de Fribourg fonde le « cadre » économique européen du marché intérieur et en conséquence le moule du droit européen de la concurrence.
          Je tiens à avertir le/la lecteur/lectrice qu’il ne s’agira pas ici de dégager toutes les subtilités épistémologiques caractérisant chacun de ces courants.
 
 
          Le libéralisme s’entend le plus souvent de deux manières : le libéralisme politique et le libéralisme économique. Il est souvent reproché à ceux qui emploient le terme « libéralisme » de réduire son sens au seul champ économique. L’application au champ économique est plus tardive que l’application à l’espace économique ; c’est l’avis de Michel Guénaire, avocat et maître de conférence en droit public, dans une interview à la revue Débattitrée « Libéralisme et néolibéralisme ». Il identifie « un libéralisme qui est né du combat des hommes pour la liberté politique, à côté d’un libéralisme qui a réfléchi aux conditions de la création de la richesse des nations. (…) Ces deux libéralismes sont apparus historiquement l’un après l’autre. »[1]
Les deux libéralismes… Du politique à l’économique
          En quelques mots cet article mettra en évidence ce qui fonde le libéralisme politique et comment son influence s’est exprimée dans le champ économique.
          Le libéralisme place la liberté et son exercice, tant qu’il ne nuit pas à l’exercice de celle de son voisin, au sommet de sa hiérarchie de valeurs. A partir de là, un vaste dégradé de courants se dégage selon le degré de liberté promu. Cela va ainsi du libéral-conservatisme au libertarianisme tel qu’il existe aux États-Unis notamment. Le corollaire de cette importance de la liberté individuelle est le retrait de l’État, son effacement. Dans sa leçon du 17 janvier 1979 au Collège de France, Foucauld dit qu’il s’agit de « limiter de l’intérieur l’exercice du pouvoir de gouverner »[2]. Il s’agit de la matrice fondamentale du libéralisme : la liberté individuelle contre le pouvoir de l’État.
          Par extension, cette philosophie s’est traduite dans l’espace économique par une réduction importante de l’intervention de l’État. Les agents économiques doivent pouvoir entrer et sortir d’un marché librement, exercer librement leur activité sans faire l’objet d’une surveillance excessive de l’appareil d’État. En bref, la qualité de toute action politique se mesure à son effet sur la liberté individuelle.
          Ce principe s’est ainsi traduit en économie par la doctrine dite « du laisser-faire ». On considère alors qu’un marché s’autorégule et alloue de manière optimale les richesses qui y circulent entre les différents agents en présence. Le marché est une organisation naturelle au sens où il se met en place sans intervention extérieure. C’est au contraire l’absence d’intervention extérieure qui favorise son apparition et son efficience. Il s’agit d’une idée fondamentale à retenir notamment pour la distinction future avec l’ordolibéralisme. Les agents sont dès lors responsables des actes qu’ils posent et des choix qu’ils font et doivent en assumer les conséquences.
          Ce qui est mis en évidence suffit aux distinctions que l’on souhaite étudier dans cet article. Aussi je tiens à souligner qu’il n’y a pas volonté d’exhaustivité dans la reproduction de l’ensemble des idées véhiculées par le libéralisme.
Le néolibéralisme… un désaveu des principes libéraux ?

          Le néolibéralisme est plus souvent encore mis en cause. En quoi se distingue-t-il dès lors du libéralisme ? Comme nous l’avons vu, le libéralisme politique fonde historiquement et épistémologiquement le libéralisme économique. La thèse de Michel Guénaire, sur la distinction entre néo-libéralisme et libéralisme est à ce propos intéressante.
          Deux critères les distinguent selon lui. Le premier critère est l’inversion de hiérarchie entre liberté politique et liberté économique. Le libéralisme économique a selon lui dévoré le libéralisme politique. « Si j’osais une formule, je dirais que le néo-libéralisme, c’est le libéralisme économique sans le libéralisme politique. »[3]
          La lecture de Foucauld va dans le même sens puisque le néolibéralisme est marqué selon lui par la disparition de la distinction entre sphère politique et sphère économique. Ce courant marque le le début de l’application des principes de l’économie libérale non seulement à la sphère politique mais aussi à l’ensemble de la société. Le marché n’est plus vu comme un endroit à « l‘intérieur », sur lequel l’influence de l’État est limitée. Le marché définit un ordre social dans son ensemble. Il estime que « Le problème du néo-libéralisme, c’est, au contraire, de savoir comment on peut régler l’exercice global du pouvoir politique sur les principes d’une économie de marché. »[4]
          Le deuxième critère de Michel Guénaire est la disparition d’une éducation de l’homme à la morale de la liberté. Il s’agit de l’apprentissage de la responsabilité induite par la liberté donnée aux individus. L’accroissement de la liberté donnée aux individus accroît par voie de conséquence leurs pouvoirs d’action. Il s’en suit selon les libéraux que leur responsabilité doit aussi être à la mesure de l’importance des actes qu’ils posent. Par exemple, une banque doit pouvoir faire faillite lorsque ses placements entrainent des pertes dont elle est responsable. Les plans de sauvetage ont été critiqués par bien des libéraux comme induisant ce que l’on appelle un aléa moral. Il s’agit d’une action favorisant un comportement à risque. Les libéraux estiment ainsi que le fait pour les États de pourvoir en fonds des banques qui ont perdu les leurs en raison de leur comportement, créé cet aléa.
          Ces courants ne permettent pas de fonder le droit européen de la concurrence. En effet, la seule existence d’un droit européen de la concurrence est problématique au regard de ces analyses libérales et néolibérales.
L’ordolibéralisme, un néolibéralisme tempéré pour le marché intérieur

          On peut à présent introduire le courant qui intéresse la construction européenne et le droit européen de la concurrence : l’ordolibéralisme. Il s’agit d’un courant considéré comme étant une forme de néolibéralisme notamment par Foucauld. Il constitue en effet un renouveau des thèses libérales en réaction à l’interventionnisme keynésien. Pour faire le lien avec ce qui a été précédemment dit et aider le lecteur à situer ce courant on peut retenir que Keynes défend l’interventionnisme d’État sur des données directement économiques. L’ordolibéralisme renoue avec les thèses libérales en considérant qu’il faut passer par le marché qui est plus efficient pour allouer des ressources. De nouveau, il y a l’idée que l’État doit voir son rôle limité.
         Il s’agit d’un courant développé dans l’entre-deux guerres en Allemagne à l’école de Fribourg-en-Brisgau. Walter Eucken (1851-1950) en a pensé les principes fondateurs dans son ouvrage Die Grundlagen der Nationalökonomie publié en 1940. Sa pensée s’est déployée toutefois en rupture avec quelques points du libéralisme traditionnel. En effet, il défend l’importance d’une harmonie sociale face à la seule liberté du marché. Ainsi, par comparaison avec le libéralisme, au sommet de sa hiérarchie de valeurs se place l’harmonie sociale et non pas la liberté. A l’origine il y a une sincère ambition sociale influencée par un certain catholicisme social.
          Dans un article titré « L’ordolibéralisme et la construction européenne » Michel Dévoluy, économiste et professeur à l’université de Strasbourg, dégage trois principes essentiels de l’ordolibéralisme[5] :
Des prix libres sont un bon indicateur pour les choix des agents économiques. Il s’ensuit que les « dérives oligopolistiques » doivent faire l’objet d’un contrôle par les Etats.
Lorsque le système économique est efficace, alors les acteurs sont en sécurité. Cette efficacité est conditionnée par l’existence d’une faible inflation et par la maîtrise des finances publiques.
L’État doit soutenir les citoyens les plus défavorisés, l’auteur d’ajouter : « Mais la réalisation de ce commandement n’est pas toujours en phase avec les deux normes précédentes. »[6]
 
          Le point d’origine du droit européen de la concurrence est le premier de ces principes. En rupture avec le libéralisme, le marché n’est plus vu comme étant un ordre naturel optimal. Il doit être construit et protégé par les autorités.
          Dans l’ouvrage cité plus haut, M. Foucauld estime que ce qui caractérise l’ordolibéralisme est la défense d’une « politique de cadre ». Il entend par là une action « sur les données qui ne sont pas directement des données économiques, mais qui sont des données conditionnantes pour une éventuelle économie de marché. » (opus cité p146)
          Hans von der Groeben, diplomate allemand très marqué par l’ordolibéralisme, est le premier commissaire à la concurrence avec l’entrée en vigueur du Traité de Rome en 1957. Il déclare plus tard en 1967 : « La politique de la concurrence ne signifie pas laisser-faire, mais réaliser un ordre fondé sur des normes juridique. »[7]Le pont est alors fait entre l’ordolibéralisme et le droit de la concurrence.
          Cependant l’application du droit européen de la concurrence fait l’objet d’une bataille économique entre l’ordolibéralisme et le néolibéralisme de l’école dite de Chicago. A titre d’exemple, l’École de Chicago défend l’intérêt d’une entorse au droit de la concurrence en matière d’entente lorsque celle-ci se fait au profit du consommateur. Ce type d’argument a pris de l’importance entre la fin des années 90 et 2009. Mais la CJUE a finalement affirmé son opposition à cette rhétorique dans une décision GlaxoSmithKline[8]. La structure concurrentielle du marché doit être protégée pour elle-même. La raison en est la lutte contre les situations dans lesquelles une entreprise détiendrait un trop grand pouvoir de marché.
         On peut achever cet article sur une définition qui nous servira de base pour les prochains. Le droit européen de la concurrence est l’ensemble des règles qui protègent et encadrent le fonctionnement concurrentiel du marché intérieur.
 
François  CURAN



[1] « Libéralisme et néolibéralisme », Revue Débat, 2014 n°78 p 52 à 61
[2]   Naissance du biopolitique, Michel Foucauld, Gallimard, 2004 p 29
[3] « Libéralisme et néolibéralisme », Michel Guénaire, Revue Débat, 2014 n°78 p 52 à 61
[4]  Naissance du biopolitique, Michel Foucauld, Gallimard, 2004 p 137
[5] « L’ordolibéralisme et la construction européenne », Michel Dévoluy, Revue internationale et stratégique, 2016 N°3 p 26 à 36
[6] Ibid.
[7]   « L’ordolibéralisme et la construction européenne », Michel Dévoluy Revue internationale et stratégique, 2016 N°3 p 26 à 36
[8] CJCE, 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline c/ Commission ; les règles de concurrence protègent « non pas uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché, et ce faisant, la concurrence en tant que tel (…) »


L'heure fuit, le droit demeure

Source

 

avril 20, 2017

L'État et la Dépense publique. Vivons nous au dessus de nos moyens ?

Ce site n'est plus sur FB, alors n'hésitez pas à le diffuser au sein de différents groupes, comme sur vos propres murs respectifs. D'avance merci. L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses. 

Librement vôtre - Faisons ensemble la liberté, la Liberté fera le reste.



 Sommaire:

A) La fausse piste d’un État « efficace » par Cécile Philippe - Opinion publié le 10 avril 2017 dans Le nouvel économiste - Institut Molinari

B) REDUIRE LA DEPENSE PUBLIQUE POUR RELANCER L’ECONOMIE PRODUCTIVE
STRATEGIE ET METHODES - FONDATION CONCORDE

C) Trois scénarios pour une dette publique insoutenable - Éditorial de Jean-Marc Vittori publié le 13 mars 2017 dans Les Échos - Institut Molinari

D) Dépense publique de Wikiberal



A) La fausse piste d’un État « efficace »

Tout le monde a le mot à la bouche. L’État français n’est pas efficace. Pour preuve, les déficits générés aussi bien au niveau de son administration centrale qu’au niveau des collectivités locales ou encore de la Sécurité sociale. Nombre de classements internationaux placent la France en mauvaise position, qu’il s’agisse d’éducation (26e position dans le classement 2016 de Pisa, mesurant le niveau des élèves de 15 ans au sein de l’OCDE), de la facilité à y faire des affaires (27e position sur 144 pays dans le classement de la Banque mondiale) ou du niveau de la qualité de vie (22e position sur 188 pour l’Indice de développement humain calculé par les Nation Unies).

Dans un pays où les dépenses publiques représentent 57 % du PIB et les recettes publiques 53 %, il y a tout lieu de penser que cela pose problème. Même s’il n’y a pas l’unanimité sur la question, nombreux sont ceux qui pensent qu’il est plus que jamais nécessaire de rendre l’État plus efficace. Je pense, au contraire, qu’on se fourvoie en espérant rendre l’État efficace. Au lieu d’espérer corriger les dysfonctionnements qu’on constate, on devrait se poser les bonnes questions, ce qui nous orienterait vers des solutions efficaces aux problèmes de fond.

La difficulté du sujet vient sans doute de ce que l’on confond deux choses quand on parle d’efficacité. La première est simplement le fait d’atteindre son objectif. La deuxième est plus subtile car elle prend en compte la quantité de ressources qu’il a fallu utiliser pour atteindre ledit objectif. D’ailleurs, il existe un autre terme pour cela : l’efficience. S’il est normal d’attendre des structures publiques qu’elles atteignent les objectifs assignés, leur efficience est plus problématique.

Pour mesurer l’efficience, il faut des instruments de mesure. Ce qu’on ne peut pas mesurer a du mal à exister. Fort heureusement, nos décisions peuvent en général s’appuyer sur un instrument de calcul fondamental, les prix. Ces derniers permettent notamment de comparer ce qui a été obtenu par rapport à ce qui a été investi. La réalisation d’un profit indique que les ressources, loin d’avoir été gaspillées, ont permis de générer un surplus pouvant être alloué à autre chose.

L’État ne peut pas être efficient
Or dans le domaine public, les calculs sont difficiles ou impossibles à faire. C’est un monde où les prix résultant d’échanges libres n’existent pas. On ne peut pas mesurer la valeur d’un jugement ou d’une scolarité en fonction de ce que les utilisateurs sont prêts à payer, ces prestations étant financées par l’impôt. D’où la difficulté à calculer l’efficacité de ces services, faute de pouvoir comparer les gains qu’ils génèrent pour les individus aux coûts de production des prestations. Est-ce un problème ? Oui, quand on se situe dans un pays comme la France où le périmètre de la sphère publique ne cesse de croître dans tous les domaines.

Plus encore, vouloir appliquer des critères d’efficience peut conduire à l’inverse de l’objectif voulu. En santé, par exemple, la doxa veut que le système devienne efficient et cesse de générer des déficits. L’objectif est noble mais les moyens proposés peuvent être pires que le mal. En effet, faute d’avoir des prix, l’efficience du système se mesure à toutes sortes d’indicateurs sortis des manuels théoriques de management. Or, on ne peut jamais être sûr que la méthode employée est la bonne, à savoir qu’elle fournit le niveau de soin voulu par les patients pour un coût collectif qu’ils peuvent supporter.

Par conséquent, il faut cesser de demander à l’État d’être efficient. Il ne peut pas l’être et n’a sans doute pas vocation à l’être. Son efficacité devrait se mesurer selon d’autres critères, comme sa capacité à générer ce qu’on appelle des “externalités positives”. Un bon État est, par exemple, à même d’assurer la sécurité des citoyens sur son territoire ou de créer un environnement juridique stable permettant le développement des individus et des entreprises.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faut rien changer, bien au contraire. Mais il faut plutôt se poser les bonnes questions, et notamment se demander si l’État n’en fait pas trop. Les réformes qui marchent sont celles qui cherchent à redéfinir le périmètre de l’État plutôt que de rechercher une hypothétique efficacité. C’est là que réside l’efficience du système, dans un meilleur équilibre entre ce dont s’occupe la puissance publique et ce qui doit être organisé en dehors d’elle.
 




B) REDUIRE LA DEPENSE PUBLIQUE POUR RELANCER L’ECONOMIE PRODUCTIVE - STRATEGIE ET METHODES

Réduire la dépense publique est la condition sine qua non au rétablissement de notre compétitivité. Le prochain président de la République devra à cet égard mettre en place d’ambitieuses réformes.

La France consomme chaque année 57% de son PIB en dépenses publiques. Un reccord au sein de l'OCDE, qui contribue à asphyxier notre économie, par un excès de taxes et impôts pesant sur les entreprises, l’investissement et les salaires.

Pour parvenir à réduire de 90 milliards en 5 ans la dépense publique, ce qui permettrait d’initier le rééquilibrage entre la sphère publique et la sphère privée, la méthode est essentielle ; le "coup de rabot" ayant démontré ses limites, la Fondation Concorde propose :

Procéder à des simplifications administratives systématiques, en réexaminant l'intérêt de chacune des missions de l’Etat.

Geler les recrutements pendant 3 ans dans la fonction publique (hors police, défense et justice), repenser le recrutement et la formation des agents administratifs.

Couper progressivement le cordon entre l'Etat et la Sécurité Sociale afin de recréer un lien fort entre cotisations et prestations sociales et, dans le même temps, réduire la dépense sociale (plafonner, notamment, les aides sociales à 70% du SMIC).


La réussite de ces réformes sera dépendante de l'adoption d'une méthode politique claire, reposant sur la rapidité de l'exécution et l'adoption d'un discours de vérité sur l'état de la France.





Préambule : Le redressement économique : un objectif prioritaire
L’histoire de notre endettement est simple.
Sous la pression de l’opinion, les élus ne résistent pas à multiplier les missions, les services et à recruter. L’argent bon marché facilite les emprunts, et la France a une signature solide.
Cette facilité qui a caractérisé en particulier les collectivités locales (+ 1 000 000 emplois en 20 ans) ne tient pas compte de l’équilibre qui doit être maintenu entre charges publiques et création de richesse, qui finance ces charges.
La création de richesse doit assurer le financement des dépenses ; un déséquilibre dû à des charges trop lourdes pour les ménages et les entreprises freinent évidemment la croissance et nuit à l’emploi.
Le travail s’en va là où les conditions de rentabilité sont plus favorables.
La décision politique n’est jamais facile lorsqu’il s’agit de reprendre une partie de ce qui a été accordé au-delà du raisonnable effort pour rétablir un rythme de croissance suffisant pour développer les emplois.
Plusieurs pays ont montré la voie en pratiquant ce que la gauche appelle des politiques d’austérité, terme inapproprié mais qui reflète la myopie d’un mode de pensée, comportant une dose élevée de démagogie alors qu’il s’agit de restreindre la dépense publique pour gagner plus de croissance.
Nous proposons donc d’éviter d’utiliser le terme mesures d’austérité mais plutôt celui de mesures de prospérité appropriées au retour de la croissance et de l’emploi.
Pour l’exemple, et pour convaincre nos concitoyens, nous revenons sur plusieurs expériences connues, l’Irlande, l’Espagne, la Grande Bretagne, l’Italie, mesurant les efforts produits et surtout en appréciant leurs bons résultats.
Réduction des effectifs dans la Fonction publique, encadrement des dépenses dans les collectivités locales, recul de l’âge de la retraite, limitation des aides sociales sont les principaux points sur lesquels les gouvernements de ces pays ont agi.
Après l’application de ces mesures appropriées l’Espagne a pu baisser son taux de chômage de 4,7 points (il était à 25.2 % en 2009) et obtenir une croissance de 3,2 % en 2015.
L’Irlande partie de 15,1% de taux de chômage et 0,4% de croissance en 2010, a amélioré sa situation, comptant maintenant respectivement 8,6% de sa population active au chômage et 5,2 % de croissance annuelle.
Le Royaume-Uni a diminué son taux de chômage de 3,2 points le ramenant à 5,1% en 2015 et obtenu 2,2 % de croissance.
Pour ce qui concerne l’Italie, l’application des réformes lui a permis de baisser son taux de chômage de 1,7 point (qui est aujourd’hui à 11,3%) et augmenté son taux de croissance, passant de -2,8 à 0,8% aujourd’hui.
Les expériences plus anciennes réalisée au Canada et en Suède valident l’unique méthode efficace qui passe par la réduction de la dépense publique. Avec la baisse des charges les emplois et la croissance reviennent.
La France bloquée à 10,6 % de taux de chômage, supporte un niveau insupportable de charges et n’a entrepris aucun effort pour réduire sérieusement sa dépense publique ; elle ne peut obtenir la croissance nécessaire à un retour de l’emploi.
Ce sont les mesures appropriées au retour de la prospérité que nous proposons dans ce document. La réussite de la mise en place et de l’exécution de ces mesures comporte plusieurs conditions :
  • Disposer d’un mandat clair, inscrivant ces mesures dans un projet politique qui s’adresse au pays ;
  • Tenir un discours de vérité à l’opinion publique, donner des objectifs et s’appuyer sur les expériences réalisées ;
  • Agir vite, sous 100 jours pour être efficace ;
  • Faire preuve de constance et de détermination. Tenir les objectifs fixés et ne pas céder aux
    contestations de la rue.
    C’est à ce prix initial que notre pays pourra retrouver prospérité et emploi.

Introduction
Le redressement de nos finances que doit mettre en œuvre tout nouveau gouvernement patriote et responsable est urgent. Il faut arrêter de sacrifier nos emplois au profit d’une sphère publique et sociale dont la dérive depuis des décennies est constatée dans les chiffres et dont le poids en termes financier et de réglementations constitue aujourd’hui une entrave majeure au développement de l’économie productive. 

Ainsi, de la réduction de la dépense publique tout dépend.
  • ➢  Une première priorité est d’enrayer la croissance de notre endettement. Eviter la déroute des finances publiques qui est une menace réelle et revenir dès 2020 à 1,5 % de déficit par rapport au PIB, ce qui nous placerait dans une spirale vertueuse de désendettement.
  • ➢  Une deuxième priorité est de mettre en place des mesures d’amélioration de la compétitivité, en particulier en faveur du secteur productif soumis à la concurrence internationale, afin d’assurer une croissance d’au moins 2% et ainsi diminuer le ratio dette/PIB, afin de réduire le déficit de notre commerce extérieur.
    Ce programme pour enrayer le décrochement de notre pays demande une vraie volonté politique.
    La réorganisation des services dans nos administrations fera souffler un vent bienfaisant en procurant des opportunités de changement et d’avancement à bien des fonctionnaires de qualité, englués actuellement dans leur hiérarchie.
    Le non remplacement de tous les départs en retraite (sauf pour la défense, les forces de l’ordre et la justice, et dans une moindre mesure dans l’éducation nationale) et l’arrêt pendant 3 ans de tout recrutement, y compris de l’ENA et des IRA démontrera que nos administrations peuvent se réformer et se réduire ; ce qui est indispensable au retour de la croissance et à la réduction du chômage. Il sera accompagné de réorganisations de services de l’administration et de simplification des lois et règlements. Au total, beaucoup de nos fonctionnaires gagneront en responsabilité.
    Ces réorganisations nécessiteront dès la création d’un nouveau gouvernement de déployer un dispositif d’intervention auprès du Premier ministre relayé par des pôles de réformes dans chaque ministère. Des parlementaires devront y être associés pour assurer les changements de texte nécessaires aux simplifications et organiser une grande souplesse en termes de gestion de ressources humaines.
    Pour leur part, les mesures en faveur de la compétitivité doivent débuter dès 2018 pour environ 30 milliards d’euros avec des impôts stabilisés pour les ménages et en vendant des actifs de l’Etat ; dès 2019, les économies réalisées devraient permettre le financement de ces mesures, et après trois ans d’une nouvelle stratégie d’atteindre les 1,5 % de déficit et le début d’un désendettement significatif nous mettant à l’abri des conséquences d’une hausse de taux, toujours possible.
    Comparées à 2016, les économies réalisées dans la sphère publique seront d’environ 90 milliards d’euros, ce qui permettra de consacrer 30 milliards € à l’amélioration de la compétitivité sans aucun prélèvement fiscal supplémentaire ; loin encore des 140 milliards d’euros pour nous mettre à parité de compétitivité avec l’Allemagne mais sur le bon chemin.
La suppression de l’ISF, impôt nuisible est inclus dans nos mesures en faveur de la compétitivité. Nous ne proposons ni TVA sociale supplémentaire, ni allègements des impôts la première année. Tout l’effort devra contribuer au retour de la confiance et à la croissance.

I. Stratégie globale de réduction de la dépense publique et de relance du système productif
  1. 1)  Quelles sont aujourd’hui les principales dépenses publiques en France :
    1. Sécurité sociale : 573,9 milliards€
    2. Etat : 381,7 milliards €
    3. Collectivités locales : 249,5 milliards €
  2. 2)  De combien pouvons-nous réduire notre dépense publique ? 



3) Articuler la réduction de la dépense publique avec une relance de la croissance par une politique d’offre tournée vers l’exportation est crucial
Le problème fondamental de la France est l’absence de croissance économique avec un effet de ciseau entre l’accroissement des dépenses publiques et sociales et l’incapacité à faire financer cette dépense par l’économie. Nous voulons jouer simultanément sur les deux termes du ratio dépenses publiques / PIB : réduire la dépense publique et augmenter le PIB.
Pour atteindre cet objectif, nous proposons le séquencement suivant :
Dès juillet 2017, et simultanément, trois séries de mesures :

a. Mise en œuvre immédiate d’un plan de réduction des dépenses publiques comportant un

calendrier de court et de moyen terme et des mesures d’accompagnement (détaillé ci- après).
A partir de 2021, les économies générées ramèneront le déficit public à 1,5% de PIB. A ce niveau et au niveau actuel des taux d’intérêt, une croissance de 2% (3% en nominal) permet
de réduire de manière automatique le ratio dette/PIB de 1 point par an. Cet effet de croissance s’additionnera à l’effort de réduction de la dépense publique.
  1. Assouplissement du droit social.
    • Relèvement du déclenchement des heures supplémentaires à partir de la 38ème
      heure.
    • Assouplissement des conditions de licenciement et sécurisation des indemnités de
      licenciement
    • Doublement des seuils sociaux
    • Abrogation du compte pénibilité et de la durée minimale de 24h pour les contrats de travail à temps partiels 

  2. Annonce des mesures précises pour l’amélioration de la compétitivité d’un montant de 27 milliards d’euros applicables dès le 1er janvier 2018, permettant ainsi aux entreprises de réviser leurs budgets d’investissement et d’activité pour 2018. Ces mesures visent à réorienter notre économie vers le marché mondial qui croît de 3 à 5% par an alors que notre marché intérieur sera peu dynamique à partir du moment où le pouvoir d’achat sera contraint par la réduction des déficits que nous devrons réaliser.
    Ce programme se compose ainsi :

    Sans cibler particulièrement un secteur donné de l'économie pour le pas enfreindre l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) un dispositif d'éxonération de taxes et impôts à la production pesant particulièrement sur les secteurs exposés serait mis en place et concernerait : taxe sur les salaires, versement transport, taxes pour la garantie des salaires, de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et du fonds national d’aide au logement, CVAE, cotisation foncière des entreprises, C3S, impôt foncier sur le bâti. Coût brut 9,5 milliards d’euros.
    Il s'agit en fait de mettre en place un dispositif plus ciblé et donc plus efficace que le CICE, qui bénéficie à beaucoup d'entreprises à faibles rémunérations alors que les entreprises industrielles les plus exposées à la concurrence internationale ont des niveaux de rémunération plus élevés (3,5 SMIC et au dessus)
    Ces exonérations seront étendues progressivement en fonction des disponibilités budgétaires. A cela s’ajoutent des mesures visant à doper l’investissement de l’ensemble de l’économie : 


    • suramortissement de 40% des investissements sur les trois premières années du quinquennat pour impulser le renouvellement des équipements productifs.
    • baisse de l’IS au taux de 25% pour inciter à l’investissement dans les entreprises pour un coût de 8 milliards d’euros.
    • réinstauration de la déductibilité fiscale des intérêts d’emprunts, qui taxe l’investissement productif des grandes entreprises et des ETI pour un coût de 4 milliards d’euros.
    • suppression de l’ISF, pour un coût de 5 milliards €.
      Nous ajoutons 3 milliards d’euros de dépenses régaliennes indispensables (justice, police, armée), ce qui porte le besoin de financement à 30 milliards d’euros.
      Le financement doit être couvert par une réduction de la dépense publique intervenant tout au long des cinq années du mandat. Cependant, en 2018, les économies réalisées seront
      insuffisantes et le besoin de financement devra être couvert par une cession du patrimoine de l’Etat, à hauteur de 7,5 milliards € (soit environ 7% des participations d’Etat). 

4) Réduire la dépense de la manière qui affecte le moins la croissance voire qui la renforce. Par exemple :
  • -  Baisser les charges de retraites en reportant l’âge de départ à la retraite, ce qui améliore l’offre de travail, plutôt que réduire le niveau des retraites, ce qui suscitera un surcroît d’épargne de précaution.
  • -  Réduire drastiquement la dépense de formation de la fonction publique mais augmenter en parallèle la dépense de formation des demandeurs d’emploi et des salariés du secteur privé.
  • -  Réduire les transferts sociaux en transformant le système d’allocations sociales pour inciter à l’activité.
  • -  Limiter les dépenses de santé en fermant les petits hôpitaux publics mais inciter les hôpitaux de référence à développer une offre de soins à l’international.
    Cela suppose également de préserver les dépenses publiques susceptibles d’augmenter la croissance potentielle: dépenses de recherche et développement, éducation, investissements publics contribuant à la croissance.
5) Réinjecter de l’activité économique privée dans les territoires
La désindustrialisation a enfermé la France dans un cercle vicieux : les pertes de parts de marché de notre économie résultant de sa non-compétitivité ont entraîné la désertification industrielle et économique de pans entiers de notre territoire, des pertes d’emplois et de ressources. Pour compenser ces pertes d’activités et d’emplois, l’Etat et surtout les collectivités locales ont créé massivement de l’emploi public financé par un accroissement des prélèvements sur les entreprises... Réduire la dépense publique aura pour effet de détruire une partie de ces emplois créés artificiellement. Processus qui peut plonger certains territoires dans une plus grande désespérance et dans une contestation de toute restructuration. C’est pourquoi il est indispensable d’accompagner la réduction de la dépense d’un processus de réimplantation d’activités économiques. La Fondation Concorde fera prochainement des propositions dans ce sens. 



II. Quelle méthode et quel programme d’économies pour le budget de l’Etat ?
Le budget 2017 ne prévoit aucun effort sérieux de réduction des dépenses publiques. L'amélioration du budget 2015 était en trompe l'œil : 4 Mds€ d'amélioration proviennent de moindres dotations qu'en 2014 de l'Etat à ses opérateurs et de multiples reports de charges sur 2016 ont également contribué à améliorer fictivement les résultats.
Le budget pour 2017 fixe pour sa part le total des dépenses de l'Etat à 381,7 Mds€, ce qui, à périmètre constant, représente une hausse nette de 4,5 Mds€ par rapport à 2016, soit +1% !
Néanmoins, le PLF 2017 prévoit les baisses suivantes :

- la contribution du budget de l’Etat aux collectivités territoriales a diminué de 3 milliards €. - celle à l’Union Européenne a diminué de 1 milliard €
- Baisse de la charge de la dette de 3,7 milliards, dû à la baisse des taux d’intérêt.

A périmètre constant, le budget de l’Etat aurait donc pu baisser de 7,7 milliards €, ce qui aurait pu permettre à la France d’entamer son désendettement.
Les conséquences catastrophiques en cas d’une hausse des taux sont connues. Si la charge de la dette de l’Etat est demeurée jusqu'ici relativement stable et même en diminution certaines années du fait de la baisse continue des taux d'intérêt, il est plus que probable que les taux se redressent à moyenne échéance. 


1) Les potentiels d'économies résident principalement dans deux domaines
L'examen comparé avec l'Allemagne mais également avec la plupart des autres pays développés, des trajectoires budgétaires depuis 10 ans fait apparaitre deux grandes différences : 

- le poids des prestations sociales et plus généralement des dépenses de guichet, (dépenses versées automatiquement dès lors que les bénéficiaires remplissent les conditions prévues), au profit des particuliers, des entreprises et des associations a été contenu en Allemagne alors qu'il n'a cessé de croitre en France. Entre 2001 et 2013 on observe une augmentation de celles-ci de 4,1 points de PIB en France, contre une baisse de 1,4 point de PIB en Allemagne.
- le poids des dépenses d'administration publique et spécialement les effectifs de la fonction publique, très élevé en France, n'a jamais été réduit significativement.
Il est donc clair que tout programme d'économie sérieux pour le budget de l’Etat doit s'attacher prioritairement à ces deux domaines, qu'il s'agisse de mesures de court terme ou de mesures de moyen terme. 

2) Les orientations de méthode
La méthode retenue pour réaliser des économies budgétaires sérieuses doit éviter deux écueils sur lesquels butent la plupart des exercices similaires qui ont été tentés ces dernières années : 

La méthode du "grignotage des crédits" ou du "coup de rabot" sans effort concomitant de réexamen ou de restructuration des missions ou des organisations. Pratiquée régulièrement ces dernières années cette méthode arrive juste à stabiliser la dépense, sans toucher, pour des raisons d'affichage politique ou par crainte des réactions syndicales, au contenu même des missions, aux modes de travail et aux organisations.
Cette méthode appliquée de façon récurrente plusieurs années de suite aux mêmes services a pour résultat de mettre certains d'entre eux sous contrainte excessive. Des dysfonctionnements et des mécontentements parfois justifiés sont ainsi aujourd’hui parfois constatés.
Les méthodes dites de réformes structurelles type "RGPP" ou modernisation de l'Etat présentent pour leur part deux inconvénients majeurs. En premier lieu les gains attendus en termes de crédits ou d'effectifs sont le plus souvent à moyen terme et peu compatibles avec la nécessité d'agir vite. En second lieu ces méthodes ont toujours été appuyées sur une approche très consensuelle reposant totalement ou partiellement sur l'initiative et la bonne volonté des services visés et n'ont donc le plus souvent produit que des aménagements modestes et non pas des résultats décisifs. En particulier il n'a jamais été possible de remettre en cause l'existence même de certaines missions les services qui en sont chargés n'ayant aucun intérêt à promouvoir leur propre disparition. Ces exercices ont aussi presque toujours été limités par leur inscription dans un cadre réglementaire inchangé. Il s'agissait en substance de maintenir les mêmes procédures ultra complexes, et de faire des économies en réorganisant uniquement les structures et les modes de travail. Ces exercices ont donc rapidement montré leurs limites.
Il existe plus de 71 codes, environ 4000 régimes différents d'autorisation qui doivent être mis en œuvre par les administrations et de l'ordre de 400 000 normes.
Cet ensemble s’avère à la fois coûteux à concevoir et coûteux à faire fonctionner et très pénalisant pour l’économie.

Quelques exemples en témoignent :
Par exemple pour les procédures d'octroi de subvention, le dispositif juridique fixé par la loi aboutit le plus souvent à :
  • un décret détaillant les caractéristiques précises de l'aide et de sa procédure d'attribution.
  • des arrêtés annuels pour fixer les taux applicables.
  • un modèle type de dossier de demande comportant de nombreux documents et souvent
    remanié (par arrêté)
  • une communication organisée en direction des professions pour faire connaitre le régime et
    ses caractéristiques
  • la diffusion et le recueil des dossiers de demande
  • l’instruction des dossiers
  • la création par arrêté d’une commission d’octroi des subventions
  • la présentation des dossiers à la commission et le secrétariat de ses séances
  • la mise au point et la signature d’une convention avec chaque bénéficiaire
  • le calcul et la mise en paiement de la subvention
  • le suivi du respect de la convention...
    On peut citer aussi le retour à l'autorisation administrative de licenciement si aucun accord sur un plan social n'est signé avec les représentants des salariés. En attaquant devant le tribunal administratif l'homologation donnée par l'administration du travail il est possible de bloquer durablement voir de faire annuler le plan.
    Dans le domaine des installations agricoles, la règlementation française va régulièrement au delà des prescriptions communautaires. Ainsi si un régime d'autorisation est prévu par la règlementation communautaire pour les exploitations dépassant 2000 têtes (porcs), la règlementation française exige un "enregistrement" à partir de 450 têtes (bovins et porcs) qui n'est possible qu'à partir du moment où l'exploitant justifie de respecter de nombreuses prescriptions.
    Dans le domaine du spectacle, tout entrepreneur doit disposer d'une licence et tout spectacle doit être autorisé par l'autorité locale y compris lorsque la salle utilisée a reçu l'agrément de la commission de sécurité.
    Donc, une réduction de la dépense publique d’ampleur nécessite de :

1. Conjuguer un calendrier de court terme et un calendrier de moyen terme
- un calendrier de court terme c'est à dire applicable immédiatement serait défini en prévoyant principalement des coupes budgétaires englobant les dépenses ayant le plus progressé qui ont été évoquées ci-dessus :
  • des dépenses de guichet et de transfert à la sécurité sociale
  • des dépenses de fonction publique, c'est à dire effectifs et rémunérations
  • dans une moindre mesure des dépenses de fonctionnement courant sachant que
    dans ce domaine une partie des efforts a en réalité déjà été effectuée et que les gains à attendre ne sont pas très importants.
    - un calendrier de moyen terme devrait être en lien systématique avec le calendrier de court terme de façon à consolider les décisions de coupe budgétaire et les non remplacement d'effectifs par des mesures structurelles intervenant rapidement après :
 
sur les dépenses de guichet, en relayant les coupes initiales il s'agirait de proposer rapidement des réorganisations et des rationalisations des dispositifs d'aide et d’intervention.
de la même façon pour la fonction publique il s'agirait de relayer les mesures immédiates de réduction d'effectifs et de stabilisation des rémunérations par un ensemble de mesures de simplification et de réorganisation. 

Cette démarche de deux calendriers liés, le premier réduisant effectifs et crédits de façon à mettre sous contrainte les organisations et le second mettant en oeuvre des mesures structurelles est clairement inversé par rapport à la pratique habituelle. Elle devrait être un élément clé de réussite de ces propositions et d'efficacité budgétaire. 

2. Mettre en œuvre des redéfinitions de missions, des réformes et réorganisations dans une approche "multidimensionnelle"
Tant que des dispositifs réglementaires lourds sont maintenus, et c'est une grande partie de l'activité de l'administration, les marges d'économies sont limitées. L'approche "multidimensionnelle" doit d'abord remettre en cause l'utilité même du dispositif en envisageant les conséquences réelles de sa suppression en particulier à moyen terme, puis examiner ensuite le bien fondé de procédures complexes dans un objectif de simplification réglementaire drastique.
Lorsque les missions ou taches ne sont pas totalement supprimées, les objectifs assignés doivent cependant être réexaminés. Dans de nombreux cas en effet la loi de finances de l'année fixe des objectifs, le plus souvent ambitieux et chaque année en progression sur l'année précédente, assortis d'indicateurs précis.
La LOLF a ainsi mis en place un dispositif complexe d'indicateurs qui sont présentés dans les projets annuels de performance (PAP) annexés à la loi de finances. Un exemple simple est celui des taux de recouvrement des impôts et taxes fiscales multiples assignés aux services de la direction générale des finances publiques. La première des solutions est bien sûr de simplifier l'impôt en supprimant de multiples niches et de multiples taxes dont le rendement est secondaire. Mais la réduction des moyens de cette direction comme de beaucoup d’autres passe aussi par la stabilisation voire la diminution des indicateurs qui lui sont assignés.
Cette démarche de réduction ou à tout le moins de stabilisation des objectifs doit également être appliquée lorsqu'il s'agit d'indicateurs "d'impact" mesurant l'effet de l'action des administrations sur leur environnement économique et social. Elle conduit à faire des choix beaucoup plus raisonnés dans tous les domaines. Ainsi tel dispositif d'aide devra être ciblé sur 5% de la population et non être sans utilité élargi à 20% de la population. Par exemple on peut s'interroger sur le point de savoir l'objectif de distribution des bourses étudiantes doit être fixé à 10 ou à 30% de la population concernée.
En définitive donc une approche "multidimensionnelle" de la réforme ne doit pas se limiter à rechercher des réorganisations de service mais bien et par ordre de priorité à : 

- réexaminer l'intérêt au fond de la mission par exemple celles des chambres consulaires (CCI et chambres de l'Artisanat), de l'Ademe, ou dans un tout autre domaine par exemple celui du tourisme s'interroger sur l'utilité réelle de la délivrance du diplôme national de guide interprète.
- rechercher à diminuer ses objectifs au niveau juste nécessaire, par exemple adapter finement les dispositifs d'aide au logement aux personnes en ayant réellement besoin.
- simplifier sa réglementation et la réglementation de sa procédure, par exemple forfaitiser le versement de subventions à des entreprises selon des barèmes simplifiés au lieu d'instruire des dossiers de demande de subventions très complexes.
- réorganiser les services et modes de travail.
Dans un calendrier en deux phases, la première celle d'une diminution rapide des crédits et des effectifs intervient préalablement à cette approche "multidimensionnelle" de la réforme et est donc de nature à faciliter sa bonne réalisation. 

3. Adopter une organisation renforcée
- Une équipe externe, dirigée par un responsable de haut niveau doit être implantée dans chaque ministère. En effet cette tache de réforme ne doit pas être confiée aux directions d'administration centrale qui ne sont pas en mesure de faire des propositions suffisamment fortes. Cette équipe doit être multidisciplinaire, suffisamment étoffée, et avoir tout pouvoir d'investigation et de proposition.
- Une structure d'animation interministérielle doit piloter les responsables de chaque mission et coordonner les décisions gouvernementales. Deux organisations semblent envisageables: soit regrouper dans un même département ministériel Comptes publics, fonction publique et réforme de l’Etat, soit confier la tâche à un secrétaire d’Etat placé directement auprès du Premier ministre.
- Un comité composé de personnalités extérieures et de parlementaires doit "challenger" dans tous les domaines les propositions. Il devrait être en mesure de demander des réexamens, et de demander la mise à l'étude de nouveaux sujets.
- Enfin, souvent les directions sont les seules à disposer des compétences techniques sur des sujets complexes, assis sur des réglementations très difficiles d'accès. La présence de ces équipes doit être suffisamment longue pour leur donner le temps de bien comprendre les enjeux et les mécanismes. Il semble ainsi préférable que chaque équipe se penche successivement à effectif complet sur chaque direction ou sur chaque service plutôt que de chercher à faire un travail trop rapide en segmentant ses effectifs à l'intérieur d'un ministère. Raisonnablement, une durée de travail de 1 à 2 ans semblerait appropriée dans chaque ministère. 

3) Le programme de court terme de réduction du déficit de l’Etat 1. Orientation et mesures de principe
Viser une réduction de près de 70 Mds€ de la dépense publique en 3 ans sans augmentation de la fiscalité et sans remettre en cause les budgets des forces de sécurité et de la défense.
- Agir prioritairement dans les domaines des dépenses de guichet et de fonction publique qui sont les domaines ou les dépenses sont comparativement les plus élevées et ou les marges d'économies rapides sont les plus importantes.
- "Sanctuariser" le budget de l'Etat en mettant fin au système de "vases communicants" entre celui-ci et celui de la sécurité sociale. Il y a en effet un paradoxe puisque le budget de l'Etat qui est celui le plus déficitaire (de l'ordre de 19% de déficit courant) alimente celui de la sécurité sociale par des transferts élevés alors que ce dernier est en réalité faiblement déficitaire (3,5%) et ce pour lui permettre de verser certaines prestations sociales et garantir son quasi équilibre. Il faut bien mesurer que ces transferts sont une des causes essentielles du déficit du budget de l'Etat. Le chapitre III détaille les transferts du budget de l'Etat vers la sécurité sociale auxquels il serait mis fin. L'économie pour le budget de l'Etat serait de l'ordre de 50,8 Mds€, mais une décision de principe doit être rapidement prise, celle de ne plus prévoir la compensation automatique par l’Etat des allègements de cotisations sociales.
- Garder comme objectif de ne pas pénaliser les entreprises puisque le différentiel de charges à leur détriment vis à vis des pays étrangers est encore élevé (au moins 140 Mds€ avec l'Allemagne).
- S'agissant de la fonction publique d’Etat, le calendrier de court terme consisterait à suspendre la 1ère année toutes les embauches de fonctionnaires et de contractuels, sauf pour les forces de sécurité (3000 par an), y compris pour l'éducation nationale qui a bénéficié de nombreux recrutements ces trois dernières années. Ceci qui reviendrait à renoncer à 54 000 embauches. La 2ème et 3ème année, les recrutements seront à nouveau ouvert dans l’Education nationale.
En dehors des domaines de l’Education nationale, et des forces de sécurité, cela revient concrètement à fermer tous les concours de recrutement pour 3 ans. S'agissant des concours de l’année, afin de ne pas trop pénaliser les étudiants, ces concours seraient achevés mais les embauches effectives seraient repoussées de 3 ans. Cette phase de mise en sommeil des concours et de semi mise en sommeil des écoles de formation (qui achèveraient les formations commencées, souvent sur plusieurs années) permettrait de reconstruire les modes de recrutement dans le cadre du calendrier de moyen terme (cf. ci-après).
- s’agissant de la fonction publique territoriale, le calendrier court terme consisterait à ne remplacer qu’un départ en retraite sur deux pendant 5 ans. Combinée à une réduction des dotations de l’Etat de 2 milliards € par an pendant 5 ans (10 milliards au total), cette mesure vise à éviter que la contrainte budgétaire ne se fasse au détriment du budget d’investissement des collectivités ou par une augmentation de la pression fiscale.
- S'agissant de l'organisation de l'Etat (et de la sécurité sociale), quatre mesures fortes à grande visibilité seraient engagées sans délai :
  • réduction par deux (ou trois dans certains cas) du nombre des conseils départementaux
  • suppression du Conseil économique social et environnemental (CESE)
  • adoption d'une règle de plafonnement des dépenses des budgets des
    collectivités territoriales par la loi de finances
  • adoption du caractère limitatif de tous les budgets sociaux 



2. Programme d'économies budgétaires du calendrier de court terme




4) Le programme de moyen terme
Selon la méthode exposée ci-dessus le programme de moyen terme aurait pour premier objectif de consolider les économies en crédits et effectifs déjà réalisées, en réformant les dispositifs et les organisations de façon pérenne. 

1. Il comporterait des mesures transversales 

- dans la fonction publique
  • La refonte du recrutement et de la formation semblent nécessaires car l'Etat forme dans des écoles administratives des fonctionnaires généralistes alors que ceux-ci ont déjà été formés une première fois par l'université ou certaines écoles ce qui est sans nul doute une double formation couteuse et de l'avis général souvent peu utile. Par ailleurs les formations généralistes apparaissent de plus en plus inadaptées à des métiers fortement professionnalisés qu'il s'agisse du droit, des RH ou de la finance. Enfin la différenciation reste trop forte entre les élèves issus des écoles supérieures type ENA et les autres pour lesquels existe un véritable plafond de verre.
    Il est donc proposé de réformer radicalement la plupart des écoles généralistes type ENA, IRA voire les écoles spécialisées type école des impôts pour leur confier une triple mission à l'exclusion de toute formation longue comme aujourd'hui : 

    - organisation des concours par filière (droit, finances, RH) pour les diplômés de l’université et des concours internes
    - adaptation à l'emploi de 4 à 6 mois maximum pour les débutants
    - adaptation à l'emploi de 2 à 4 mois pour les contractuels recrutés

    plus tard, notamment pour des emplois de haut niveau
    L'accès aux carrières continuerait à se faire en fonction du rang de réussite aux concours (d'entrée dans ce nouveau schéma) et dans une certaine mesure au profil.
    En revanche l'accès aux emplois de direction serait conditionné par le passage dans une sorte "d'école de guerre" (ou "INSEAD") quelque soit le corps d'origine.

  • La réduction du nombre de corps de fonctionnaires avec un objectif de 200 corps en 2020 contre 327 actuellement et création de 7 filières interministérielles (administration générale, filière financière et fiscale, filière sociale, filière de l’éducation et de la recherche, filière culturelle, filière technique et de sécurité) pour faciliter la mobilité et réduire le coût de la gestion RH.
  • La simplification drastique des règles d'avancement de détachement et de promotion est une nécessité absolue, à la fois pour une gestion plus personnalisée des effectifs mais aussi pour permettre la diminution des effectifs RH dont le temps est aujourd'hui largement absorbé par les procédures RH. Les gains attendus peuvent être de l'ordre de 20 à 30% au moins des effectifs de la fonction RH.
• Le principe d’un temps de travail à 37 heures serait acté comme condition d’un retour des avancements et du bénéfice des augmentations générales. 

- dans la sphère budgétaire et financière de l'Etat
• Optimiser l'ensemble des aides aux entreprises qu'elles soient sous forme d'aides directes ou de niches fiscales. Le cout de l'ensemble est estimé à près de 60 Mds€. (dont un tiers environ pour les allègements généraux de charges). L’objectif serait de récupérer chaque année de l’ordre de 1 Mds€ sur les différents dispositifs.
Réformer la conduite budgétaire de l'Etat. Comme ses promoteurs l'ont reconnu, la LOLF n'a en rien permis de mieux maitriser le budget des ministères. La programmation budgétaire des ministères souffre en effet d'une forte opacité y compris pour le ministère du budget et d'une insuffisante centralisation. Par exemple la notion d'autorisation d'engagement devait permettre de connaitre dès le lancement d'une nouvelle dépense (investissement ou fonctionnement) son coût total et non pas son coût pour la première année et de l'autoriser comme tel. Ainsi les ministères ne disposant que de montants limités d'autorisations d'engagement ne pouvaient pas lancer trop d'opérations la même année et devaient faire des choix. Cette notion toutefois n'est qu'imparfaitement respectée, et dans de nombreux cas les dépenses sont décomposées en tranches annuelles d'autorisation d'engagement favorisant la dérive et le saupoudrage des crédits. 

-dans le domaine de la sécurité sociale
  • Le chapitre III "Comment réduire les subventions que le budget de l'Etat verse à la sécurité sociale") appuie la réduction des transferts du budget de l’Etat vers celui de la sécurité sociale ; l’objectif étant de mettre fin au système des « vases communicants » qui conduit le budget de l’Etat à prendre en charge de nombreuses dépenses qui devraient relever de la sphère sociale. Ces coupes budgétaires concernent à la fois des prestations financées directement par le budget de l’Etat (APL pour moitié, Allocation adultes handicapés) et des transferts dédiés à de multiples autres objectifs (compensation d’exonérations de charge, contribution à l’équilibre des régimes, etc.). Le rétablissement des comptes de l'Etat repose très largement sur la réduction des transferts de celui-ci à la sécurité sociale. Mais celle-ci doit simultanément réaliser d'importantes économies à la fois sur son fonctionnement et sur les prestations qu'elle verse pour maintenir son équilibre.
  • A ce stade la mise en place d'une TVA sociale n'est pas prévue.
  • Le programme doit enfin simplifier les dispositifs d’allègement de charges en
    remettant à plat allègement de charges, CICE et taux de cotisations.
2. Il définit des programmes de réforme visant à consolider les réductions d’effectifs dans chaque ministère.
Le non remplacement de tous les fonctionnaires partant en retraite pendant 3 ans va rapidement créer des contraintes opérationnelles fortes dans certains services. Le démarrage des travaux de réforme par les équipes dédiées doit donc être entrepris rapidement dans la plupart des ministères en ciblant deux domaines prioritaires : les régimes de subvention et d’intervention, et les régimes
d’autorisation, d’agrément et de conventionnement qui réclament des effectifs administrations centrales comme dans les services déconcentrés. 





III. Comment réduire les subventions multiples que le budget de l'Etat verse à la sécurité sociale 

1) Les subventions et rétrocessions d'impôts de l'Etat à la sécurité sociale représentent chaque année près de 88 Mds€ à comparer au déficit public de l’Etat qui s’élève à 74,1 Mds€ ; l’Etat verse donc l’équivalent de 119% de son déficit à la sécurité sociale.
Autrement dit si le budget de l'Etat ne prenait plus en charge une partie de la protection sociale il serait excédentaire. 

Cette prise en charge massive par le budget de l'Etat de dépenses de la sphère sociale est relativement récente (indépendamment du caractère redistributif de l'impôt lui-même), a été progressive (à partir des années 1990) et est l'une des deux sources de dérive du budget de l'Etat avec l'accroissement des effectifs de la fonction publique.
L'examen détaillé des transferts de l'Etat vers la sécurité sociale (voir annexe) montre que si certains sont justifiés, d'autre en revanche n'ont eu pour seul effet que de financer des prestations par le recours à l'endettement de l'Etat. Ces derniers ont ainsi eu des conséquences extraordinairement dommageables sur la déresponsabilisation des acteurs sociaux et la dérive des finances publiques.
Ceci devrait conduire à remettre certaines dépenses à la charge de la sécurité sociale et à imposer à celle-ci des économies pour les financer. 

2) Lancer trois actions concomitantes au programme de réduction des dépenses de l'Etat. 

a) Abroger immédiatement par la loi le principe de compensation à la sécurité sociale par l'Etat des exonérations ou allègements de cotisations sociales et prévoir un étalement sur 4 ou 5 ans de la récupération des subventions budgétaires et des rétrocessions d'impôts consentis à la sécurité sociale au titre de cette compensation. Ce principe de compensation par l'Etat des allègements de cotisations sociales est gravé dans le marbre du code de la sécurité sociale et surveillé avec un soin sourcilleux par les syndicats. Il partait de l'idée a priori vertueuse de rendre l'Etat responsable de ses décisions.
En réalité, il s'est avéré catastrophique et c'est un des facteurs majeurs sinon le premier facteur d'accroissement de la dette de l'Etat. En effet, plutôt que d'adapter le montant des prestations versées en fonction des allègements de cotisations, le coût de ces derniers a été systématiquement mis à la charge du budget de l'Etat et a aggravé son déficit et donc sa dette. Il est difficile de concevoir un système plus pernicieux et déresponsabilisant. 

b) dans la suite logique de ce principe, inscrire dans les budgets successifs de l'Etat l'arrêt progressif ( ou la réduction selon les cas) des transferts budgétaires et rétrocessions d'impôts, selon le calendrier présenté en partie 2 ci-dessus (lignes "réduction des transferts à la sécurité sociale")
c) lancer un plan d'économie pour la sécurité sociale, cadencé au même rythme et permettant de compenser l'arrêt des transferts budgétaires et des rétrocessions d'impôts. 

Ce plan comprendrait les principaux éléments suivants : 

1. Les prestations sociales
Un dispositif de plafonnement global de l'ensemble des allocations est mis en place (à 70% du SMIC pour une personne seule) avec inscription au RNCPS de l'ensemble des prestations nationales et locales perçues. En tout état de cause, l’allocataire qui n’a pas de revenus du travail ne pourra pas, dans ce nouveau système, gagner davantage qu’une personne – dont la situation familiale est similaire – qui travaille. 

2.
➢ la première année,
  • les barèmes d'allocations familiales sont réduits de 10% (économie : 2 Mds€)
  • la prime d'activité (fusion de la PPE et du RSA "activité") est supprimée car l'effet sur l'emploi de ce type de dispositif n'a jamais été démontré (celui du RSA activité était même négatif). Le RSA en revanche est maintenu inchangé. (économie : 4 Mds€)
  • les barèmes d'allocation logement (APL et ALS) sont réduits de 10% (économie : 1,5Mds€)

    ➢ la deuxième année
• Le dispositif de plafonnement des aides et prestations sociales entrera en
vigueur (économie : 3 milliards€) 

Les dépenses de santé 

➢ la première année
• les remboursements de médecine de ville sont réduits de 10 %
(économie : 6Mds€)
• l'aide médicale d'Etat est supprimée sauf cas d'extrême urgence (économie : 0,5Mds€) 

➢ la deuxième année
  • les remboursements de médecine de ville sont réduits de 5 % (économie : 3 Mds€)
  • des économies sur le système hospitalier sont mises en œuvre (économie : 1Mds€). 
    Le plan comprend plusieurs mesures appliquées en 3 ans, l''augmentation de la durée du travail effectif à l’hôpital, la réduction des séjour à l’hôpital et la restructuration du réseau hospitalier en fonction de critères de sécurité, de coût, de taux d’encadrement. La France détient le record de la part de l’hôpital dans les dépenses de santé (37%) avec la Grèce contre 29% pour la moyenne de l’OCDE.
    • des économies sur la gestion de la sécurité sociale sont mises en œuvre (économie : 1Mds€)
➢ la troisième année

- le régime des affections longue durée dont le coût est d'environ 70 Mds€ et
qui concerne désormais 10 millions de personnes est revu en transformant la prise en charge à 100 % des dépenses de santé en un plafonnement annuel de reste à charge pour une économie attendue de 7 Mds €.
  • les économies sur le système hospitalier sont poursuivies (économie : 2 Mds€)
  • des économies sur la gestion de la sécurité sociale sont mises en œuvre (économie : 2 Mds€) 

    ➢ les années ultérieures
• des économies sur le système hospitalier sont poursuivies (économie totale : environ 7 Mds€) 

La retraite 

➢ La première année,

• l’âge de départ en retraite est repoussée de 2 trimestres (économie : 4 mds€) 


➢ Les années suivantes

• Chaque année l'âge de départ en retraite est repoussé d'un trimestre
(économie : 2 Mds€ pour la CNAV par trimestre)
Le bilan de la réduction des transferts à la sécurité sociale et du programme d'économies de la sécurité sociale s'établirait conformément au tableau ci-dessous qui montre que la réduction des transferts de l'Etat à la sécurité sociale prendrait deux formes :
D'une part le budget de l'Etat réduirait ses remboursements aux trois caisses nationales de sécurité sociale (CNAM, CNAV et CNAF), par exemple la réduction du barème des allocations logement conduirait le budget de l'Etat à réduire à due concurrence les remboursements de ces allocations à la CNAF.
D'autre part le budget de l'Etat récupérerait des fractions d'impôt (TVA ou impôts et taxes affectées-ITAF) jusqu'ici retrocédées aux 3 grandes caisses au titre principalement des allègements de cotisations sociales.
En revanche les taxes affectées ayant un lien réel avec les dépenses sociales, par exemple les taxes sur les tabacs et alcools resteraient versées à la sécurité sociale. (cf annexe pour la répartition de ces taxes)



 


ITAF : impôts et taxes affectés
 

IV. Tableau de marche du redressement économique avec retour de la croissance, création d’emplois et désendettement.

 
Ces économies permettent, couplées à une vente des actifs de l’Etat, de financer les mesures d’amélioration de la compétitivité visant à relancer la croissance à partir de 2018. 

La croissance retrouvée est par précaution fixée à 2%, ce qui pourrait tenir compte d’un climat économique mondial peu favorable. L’hypothèse de travail de la Fondation Concorde est de ne pas augmenter les impôts, de les maintenir stables autant que cette croissance ne dépassera pas 2%. Un gouvernement efficace pourrait faire bénéficier les contribuables des recettes supplémentaires éventuellement obtenues.

Annexe 

Le budget de l'Etat alimente la protection sociale par trois sources différentes. 

a) L'Etat rétrocède à la sécurité sociale 53,7 Mds€ d'impôts et de taxes affectées(ITAF).
Ce dispositif de rétrocession a progressivement remplacé des subventions directes du budget de l'Etat pour ne pas faire dépendre les recettes de la sécurité sociale de décisions budgétaires aléatoires, répondant ainsi aux souhaits des conseils d'administration paritaires (patronaux et syndicaux) de la sécurité sociale.
Parmi les rétrocessions, environ la moitié revient assez légitimement à la sécurité sociale et maintient un lien fort et logique entre les dépenses et les recettes. Il en est ainsi par exemple des droits sur les tabacs et sur les alcools (10,5 Mds€), les taxes sur médicaments (0,9 Mds€) et les contributions sur les contrats maladies (2,2Mds€). 

En revanche il reste environ 25 Mds€ dont 11,7 Mds€ de rétrocessions de TVA nette et 13 Mds€ de rétrocession de taxe sur les salaires, plus d'autres rétrocessions diverses (TIPP...) qui sont justifiées comme compensant les allégements de cotisations sociales que l'Etat à décidé (au "détriment" de la sécurité sociale).
Ce principe de compensation par l'Etat des allègements de cotisations sociales est gravé dans le marbre du code de la sécurité sociale et surveillé avec un soin sourcilleux par les syndicats. Il partait de l'idée a priori vertueuse de rendre l'Etat responsable de ses décisions.
Il s'est avéré absolument catastrophique pour le budget de l'Etat et est responsable au minimum du tiers de son déficit courant, car il a créé une irresponsabilité complète dans la chaine de décision en rompant de façon définitive le lien entre allègements de cotisation souhaités par tous et réduction corrélative des dépenses sociales. Le résultat est sans appel. Tout nouvel allègement de cotisations s'est traduit depuis des années non par la recherche d'économies sur les prestations, mais par l'accroissement de la dette de l'Etat.
La remise en cause de ce principe et le retour à une saine gestion est donc indispensable pour sortir de ce cercle absolument vicieux. 

b) Le budget de l'Etat rembourse "euro pour euro" à la sécurité sociale des prestations sociales qu'elle verse aux allocataires pour environ 31 Mds€.
Pour certaines prestations ces remboursements sont légitimes car elles relèvent bien du champ de compétence de l'Etat mais ce n'est pas le cas pour toutes. On peut ainsi estimer que sur ces 31 Mds, de l'ordre de 12,25 Mds€ devraient rester à la charge de la sécurité sociale et non pas être remboursés par l'Etat. 

L'Etat rembourse ainsi à la sécurité sociale des prestations qui en réalité relèvent de la compétence et du périmètre de cette dernière. Il s'agit principalement de l'allocation adultes handicapés (8,4 Mds€), de l'aide médicale d'Etat (0,7 Mds€) et d'une partie des allocations logement (APL 3,15 Mds€) dont le reste est déjà pris en charge par la sécurité sociale (branche famille). 

Les justifications avancées pour que l'Etat rembourse ces prestations ne tiennent pas et il s'agit plus en réalité du résultat de l'histoire ou de rapports de force politiques et syndicaux.
En effet le caractère assurantiel de la sécurité sociale (vos cotisations vous ouvrent droit à des prestations) est aujourd'hui largement gommé au profit de son caractère redistributif et solidaire ( les cotisations de certains paient les prestations des autres). Dès lors la justification de la prise en charge étatique de l'allocation adultes handicapés (AAH) et de l'aide médicale d'Etat (AME) par l'absence de caractère assurantiel de ces prestations n'est pas sérieuse. En réalité la sécurité sociale paie déjà beaucoup de prestations pour lesquelles l'aspect redistributif est totalement prédominant voie exclusif. Par exemple les employeurs de célibataires âgés sans enfants cotisent malgré tout pour les prestations familiales. La logique maladie ou accident de l'AAH et de l'AME les fait bien entrer en revanche dans le périmètre de compétence des caisses maladie. 

S'agissant des aides au logement, (APL) la sécurité sociale en prend déjà 50% à sa charge, le partage reposant en théorie sur un distinguo entre le logement familial et celui qui ne l'est pas (mis à la charge de l'Etat). Toutefois ici encore la justification apparait largement théorique et les caisses d'allocations familiales qui versent les allocations logement sont avant tout dans une logique redistributive.
Ces raisons militent donc pour laisser à la charge intégrale de la sécurité sociale ces 3 prestations. 

c) Le budget de l'Etat rembourse enfin à la sécurité sociale 3,2 Mds€ d'exonérations de cotisations ciblées.
En effet, en plus des rétrocessions d'impôts et taxes affectées mentionnées en a) des dispositifs spécifiques d'exonérations ou d'allègements de cotisations font encore l'objet de remboursements par le budget.


Fondation Concorde 6, place de la République Dominicaine 750017 PARIS














Au début du XXe siècle, les dépenses publiques en France ne ...

https://plus.google.com/116174091099100985306/posts/Z4Evnxnj6V9
11 nov. 2016 - Au début du XXe siècle, les dépenses publiques en France ne représentaient qu'un peu plus de 10% du PIB français. Au cours du siècle, le poids relatif de l'État ...

Administration publique - Dépenses des administrations publiques ...

https://data.oecd.org/fr/gga/depenses-des-administrations-publiques.htm
Les dépenses des administrations publiques, en pourcentage du PIB et par habitant, offrent une indication de la taille de ces administrations dans chaque pays.

les dépenses publiques représentent plus de la moitié du PIB, est-il ...

https://plus.google.com/116174091099100985306/posts/5g8h2ksLZgu
22 août 2016 - les dépenses publiques représentent plus de la moitié du PIB, est-il légitime de parler de libéralisme ou de capitalisme triomphant ? La dépense publique est ...






C) Trois scénarios pour une dette publique insoutenable
 

L’État français doit beaucoup d’argent et en a peu pour rembourser. Le jour où la BCE durcira sa politique monétaire, la France risque d’être très vite en difficulté. Sauf si la Banque Centrale renonce pour toujours à relever ses taux.

La montagne est toujours là. 
À vrai dire, elle est encore plus haute qu’avant. Et comme elle est friable, composée non de roches et de terre mais de confiance, elle risque de provoquer des éboulis mortels. Surtout que le grillage posé il y a cinq ans pour la retenir risque d’être bientôt retiré.

Cette montagne, c’est notre bonne vieille dette publique, qui approche inexorablement des 100 % du PIB (96,2 % prévus à la fin de l’année par la loi de finances, 97 % selon les dernières prévisions de la Commission européenne). À vrai dire, on l’avait un peu oubliée ces dernières années. Notre cher président, qui s’est plaint d’avoir « manqué de bol » sur la courbe du chômage, ne saurait en dire autant sur les finances publiques. François Hollande a bénéficié d’une chance inespérée, venue du malheur des autres. A peine était-il arrivé à l’Elysée en mai 2012 que les taux d’intérêt se sont en effet envolés… Non pas sur la dette française, mais sur la dette italienne et espagnole (taux proche de 7 % en Italie, au-delà en Espagne). À tel point que la zone euro menaçait d’éclater. Fin juillet, le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a calmé le jeu en déclarant que la BCE fera « ce qu’il faudra » pour préserver la monnaie unique. Alléluia ! En déversant des centaines de milliards sur les marchés pour acheter des obligations d’Etat, la BCE a fait baisser les taux d’intérêt qui sont même parfois devenus négatifs, anesthésiant les tensions sur la dette publique pour des années. Ce qui fait dire en toute candeur au candidat socialiste à l’élection présidentielle, Benoît Hamon, que « nous pouvons parfaitement vivre avec une dette à hauteur de 100 % du PIB. »

Sauf que ce temps béni pourrait bientôt s’achever. Aussi sûr que 2 et 2 font 4 ? Dans la zone euro, la croissance annuelle approche enfin les 2 %. Et en février, l’inflation a cogné la barre des 2 %, alors que l’objectif premier de la BCE est de maintenir la hausse annuelle des prix « en dessous de, mais proche de 2 % ». Il y a, bien sûr, plein d’arguments pour relativiser ces chiffres - l’activité manque de ressorts puissants, l’accélération des prix vient d’abord du renchérissement du pétrole, qui va bientôt « sortir de l’indice », etc. Mais la pression va s’accroître sur les banquiers centraux pour qu’ils précisent l’horizon du resserrement monétaire (quand vont-ils diminuer leurs achats de titres, quand vont-ils relever leurs taux d’intérêt ?). Pour au moins trois raisons : d’abord, banquiers et les assureurs gagnent moins d’argent quand les taux sont très bas ; ensuite, les épargnants veulent que leurs économies rapportent davantage ; enfin, les Allemands dont l’économie est au plein-emploi, aspirent à une politique monétaire moins accommodante pour limiter les risques d’emballement des prix ou de la spéculation.

Et si la Banque centrale européenne diminue ses achats de titres, retirant ainsi ce maillage qui empêche la montagne de laisser tomber des cailloux, si les taux d’intérêt remontent vraiment… alors la question de la dette va redevenir très vite centrale (comme elle n’a jamais cessé de l’être en Grèce). Signes de ce vent qui tourne : le FMI vient de publier un texte de doctrine sur la dette souveraine. Et les investisseurs demandent aux équipes de recherche des banques… des études sur la soutenabilité de la dette publique dans les différents pays de la zone euro. Or la France a ici un vrai souci. La Commission européenne l’a rappelé fin février au détour d’une phrase dans son très technique « paquet d’hiver du semestre européen » : « Les risques en termes de soutenabilité à moyen terme sont élevés. » L’agence de notation Moody’s estimait début mars que « La France a un poids de la dette très élevé », rappelant qu’elle affiche « depuis plusieurs dizaines d’années de mauvais antécédents en termes de réduction de la dette. » A l’exception du coup d’accordéon sur la trésorerie de l’Etat en 2006, sa dette publique n’a cessé de grimper depuis un demi-siècle - lentement, en temps ordinaire, et par sauts de cabri en temps de récession (+20 points de PIB entre 1992 et 1997, +30 points entre 2008 et 2014).

Face au risque d’une dette devenant insoutenable, on peut esquisser trois scénarios. Le premier serait une France qui change. En ces temps de campagne électorale, il n’est pas interdit de rêver à un nouveau président qui réussirait le tour de force de maîtriser les finances publiques tout en débridant la croissance, ce qui engendrerait des ressources nouvelles destinées en partie au service de la dette. Le deuxième serait une France qui bloque, par refus ou incapacité d’honorer sa dette. Benoît Hamon semble avoir songé à un gel (« Dire que l’on va s’en sortir sans moratoire (…), cela ne tient pas la route ») avant de l’écarter. La candidate du Front national, Marine Le Pen, assume ce choix en voulant rembourser des euros en francs imprimés par la Banque de France. Il est difficile alors de ne pas envisager un bain de sang financier.

Le troisième scénario, le plus probable, serait une France qui continuerait comme avant, mais en moins bien. Elle devrait verser des taux d’intérêt plus élevés à ses prêteurs, qui ne savent pas vraiment où placer leur argent. Cette charge croissante de la dette, payée aux deux tiers à des créanciers étrangers, aurait l’effet d’une saignée continue sur l’économie nationale : elle l’affaiblirait. À moins que… la BCE découvre tout bonnement qu’elle ne peut pas arrêter ses achats d’obligations sans déclencher une crise financière majeure. Elle continuerait alors indéfiniment d’acheter des titres publics, comme le fait désormais la Banque du Japon. Naguère, l’impression de billets pour financer les déficits publics menait immanquablement à la banqueroute et à la fuite devant la monnaie. Le vrai défi aujourd’hui est d’imaginer la version XXIe siècle de la crise des assignats, qui avait plombé la Révolution française.





 D) Dépense publique

Les dépenses publiques sont l’ensemble des dépenses réalisées par les administrations publiques.
Le niveau des dépenses publiques en France en 1978 était de 44.4% du PIB. Le maximum a été atteint en 1993 avec 54.9% du PIB[1]. Elles restent en 2006 à un niveau très élevé. L'augmentation en pourcentage de PIB depuis 1960 est due à une hausse des versements des prestations sociales, des dépenses de fonctionnement et des charges d'intérêt sur la dette publique de la France, l'investissement étant, lui, resté relativement constant [2]

Au niveau national

De nombreux auteurs (parmi ceux-ci Thomas E. Borcherding aux États-Unis, Alan Peacock en Grande Bretagne) appartenant à l'école du Choix Public, ont analysé l'évolution des dépenses publiques. Des études ont été mené sur le plan National (ou fédéral) et sur le plan local (ou régional). Aaron Wildavsky s'est attaché, pour sa part, à comprendre les règles permettant de contrôler le budget de l'État. Au Canada, des auteurs comme H.G Grubel, D.D Purvis ou W.M Scarth ont proposé des règles constitutionnelles à la limitation des dépenses publiques.

Historiquement, le déficit était reconnu comme un fait extraordinaire jusqu'à l'acceptation du phénomène des déficits perpétuels, après la seconde guerre mondiale suite à l'application aveugle des théories économiques keynésiennes. Plusieurs acteurs et processus démocratiques ont conduit à la croissance des dépenses publiques :
  • Le financement des budgets déficitaires alimente l'accumulation de la dette. À partir d'un certain moment, le remboursement de la dette pèse moins que les intérêts qui lui sont liés
  • L'ingénierie de la dépense publique et de son corolaire la fiscalité, a rendu de plus en plus complexe, et flou aux yeux des contribuables, l'impact que pouvait jouer l'augmentation du déficit public. Les dépenses publiques peuvent augmenter sans une augmentation correspondant des impôts. Le frein naturel et la contrainte électorale ne jouent plus. Le processus des dépenses publiques peut ainsi continuer jusqu'à son terme
  • Les fonctionnaires, qui par un jeu de relatif pouvoir, tentent d'obtenir des budgets de plus en plus importants ou disproportionnés par rapport à leur service
  • Les groupes d'intérêts qui jouent sur leur organisation pour influencer des hommes politiques, conscients de la fragilité de la représentation de leurs électeurs ou abdiquant sous le poids de la pression médiatique et de la faible résistance des contribuables face à l'augmentation des dépenses publiques
  • Les électeurs qui estiment que le salut vient d'une intervention immédiate des politiques, et donc, d'un accompagnement des dépenses publiques
Tous ces acteurs ont estimé, à un moment donné, que la dette publique pouvait leur apporter la prospérité. Or, par égoïsme ou par idéologie, peu évaluaient les risques encourus par l'ensemble de la société.

Au niveau local

Edward Savas est un spécialiste des services publics municipaux et a fourni des éléments statistiques pour que de nombreuses communes dans le monde décident de la privatisation de certains services (ramassage des ordures, par exemple). Plusieurs études ont démontré le bien-fondé de la privatisation des services municipaux (Eileen Berenyi et Barbara J. Brettler, 1988, Harry M. Kitchen (1993) ou celles de Robert L. Bish). D'autres sont plus contrastées (James C. McDavid).
Le premier élément découvert par ses études, est quelquefois appelé abusivement « loi de Savas ». Les services publics locaux gérés par des entreprises privées coûtent en moyenne 50% du coût assumé par les services municipaux (en raison du meilleur matériel utilisé et du plus faible jours de grève). En dehors de cet aspect pécuniaire important mais pas nécessairement historiquement et géographiquement déterminé, les études montrent que lorsque les municipalités sont en concurrence avec des sous-traitants privés, alors, elles sont amenées à copier leurs meilleures pratiques. Le consommateur (contribuable) s'avère donc plus satisfait.
Une deuxième voie recherchée afin de limiter les dépenses publiques réside dans le fédéralisme concurrentiel. Mais la question se pose de savoir si la concurrence entre collectivités locales peut faire diminuer les dépenses publiques de l'État (Randall et Gronberg 1988), et par la même occasion, on peut s'interroger sur l'évolution des dépenses publiques globales de toutes les collectivités locales.
Richard Briffault (1996) met en avant un point essentiel sur l'inefficacité des politiques économiques des collectivités locales. Nos économies modernes ne reposent plus (comme avant ?) sur un confinement et une zone géographique compacte. Les frontières économiques sur le plan local (le même raisonnement pourrait s'effectuer sur un niveau plus large) ne se superposent pas aux limites restrictives des juridictions administratives, juridiques et politiques. L'économie raisonne sur le réseau alors que le politique pose son action sur la circonscription et le fonctionnaire sur le territoire historiquement et arbitrairement fixés (quelquefois scellés).
C'est pourquoi, les solutions de regroupement (Gilbert Brisson, 1996) des collectivités locales pour atteindre une taille critique n'atteindraient pas leur objectif. Il serait faux de croire que réunir des communes adjacentes serait, sans analyse préalable, la meilleure solution. En effet, des études aux États-Unis ont indiqué que le coût des collectivités locales est moindre dans les États qui créent de nouvelles municipalités plutôt que dans ceux où il y a annexion de territoires adjacents (D. Martin et Richard E. Wagner 1978, Stephen L. Mehay, 1981). Comme le signale également Wim Derksen (1988), il est tout à fait douteux qu'il existe une relation entre la taille et la performance des collectivités locales. Un argument pour le maintien des collectivités locales consiste à estimer que le citoyen doit vivre dans une communauté civile dans laquelle la zone du gouvernement locale est relativement faible pour être susceptible de répondre rapidement et de façon adaptée aux besoins du citoyen (Milton Kotler, 1969). Or, la notion de proximité physique a laissé la place à la proximité cognitive (ou de service) grâce à l'évolution technologique des télécommunications et des transports. Nos voisins de pallier sont quelquefois plus éloignés que nos correspondants sur internet. Une petite taille n'est pas un critère suffisant pour juger de la performance de la collectivité locale.
A contrario, une augmentation de la taille s'accompagne souvent, selon les études économiques, d'un rendement croissant, c'est-à-dire des coûts de production augmentant avec la taille de la collectivité locale. Ceci déplaît aux économistes socialistes et aux planificateurs attentistes. Ils reprochent à l'organisation historiquement planifiée et dirigiste de créer un excès de capacité et des redondances au sein des collectivités locales et nationales. Cependant, cette analyse fait perdre de vue la réalité des faits. Le citoyen souffre d'un excès de dirigisme administratif et non d'un excès de capacité. Cette dernière est d'ailleurs une nécessité pour garder une marge de sécurité en cas de problèmes non anticipés. Dans un marché de libre concurrence, toutes les firmes ont des excès de capacité afin d'accueillir des consommateurs qui se déplacent d'une entreprise à une autre (Martin Landau, 1969; Rowan Miranda, 1995). Vouloir priver les entreprises (publiques ou privées) d'une capacité de redondance consiste à éliminer leur capacité à s'adapter aux situations changeantes. Désirer concentrer le nombre des collectivités locales, consiste à raisonner comme si toutes les données de changement étaient connues et prévisibles à l'avance, comme le soutiennent les économistes en calcul socialiste.
L'évolution passe donc par la liberté de l'acteur économique de choisir, en connaissance de cause, pour découvrir quelles sont les partenaires économiques, administratifs et politiques qui lui sont compatibles en fonction des services attendus et non l'inverse. Charles Tiebout (1956) reconnaît clairement que lorsque les collectivités locales proposent différents niveaux de fiscalité et de genre de services, alors les entreprises et les résidents sont satisfaits pour faire des choix de se déplacer vers les collectivités qui leur sont favorables, à la condition qu'ils aient la transparence d'informations. Or, il faut bien avouer que ce critère n'est pas mis en avant par ceux qui prennent le citoyen comme un contribuable captif (Lowery et al. 1995). La structure d'un budget d'une collectivité locale est séparée entre investissement et fonctionnement. La fiscalité locale ne permet donc pas au citoyen de se rendre compte de la partie du budget pour laquelle il est un consommateur (volontaire) de services publics et la partie pour laquelle il est un consommateur involontaire et forcément solidaire.
L'action humaine est indissociable du coût subjectif c'est-à-dire d'un choix alternatif. Les monopoles politique et administratif sont intrinsèquement contradictoires avec l'action humaine. Thomas DiLorenzo (1981) démontre que les uns (politiques et bureaucrates) vont se servir de leur pouvoir pour restreindre leurs interlocuteurs économiques (licence, délégation de service publique, concession) afin de renforcer leur pouvoir tandis que les acteurs économiques cherchent sans cesse (dans leur ensemble) à découvrir de nouvelles opportunités de collaboration (gain à l'achat, nouveauté, sécurité, confort, sympathie, etc) ce qui tend à accroître la complexité ou la diversité des services rendus en fonction de la situation particulière de chaque citoyen. Kenneth Clarkson et Timothy Murio (1982) proposent de laisser jouer la concurrence afin de servir au mieux les intérêts des consommateurs. 


 





 
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