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novembre 17, 2014

L'Europe depuis la chute du "Mur"

L'Université Liberté, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

La commémoration de la chute du Mur (9 novembre 1989) incite à revenir sur la manière stupéfiante dont le communisme est-européen s'est délité, puis sur les deux décennies qui ont transformé la physionomie de l'Autre Europe. Qui plus est, les élargissements de 2004 et 2007 ont ravivé le débat sur la construction communautaire et l'identité du continent européen.
La démolition du Mur de Berlin dans les tout premiers jours de novembre 1989 a marqué on ne peut plus concrètement la fin de la division de l’Europe entre l’Ouest et l’Est. Vingt ans plus tard, ce continent recomposé continue de donner lieu à des interprétations différentes selon l’angle adopté.

Questions de définitions




« Grande Europe. Est-ce là simplement une expression géographique ? » s’interroge Michel Foucher dans le n° 1 de la revue Grande Europe : "Vous avez dit frontières ?" (La Documentation française, octobre 2008). « Le terme a trouvé une assise officielle dans les travaux menés par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de 1992 à 1996, qui ont déterminé son périmètre. En l’absence d’une définition précise dans le droit international, le Conseil a opéré une synthèse des limites géographiques conventionnelles du continent, à l’ouest, au nord et au sud ; au sud-est, le constat de liens culturels des pays du Caucase avec l’Europe et de leur volonté d’adhésion ont permis leur inclusion ; et dans le cas de la Russie, le fait que les quatre cinquièmes de sa population vivent à l’ouest de l’Oural et que ce pays soit alors "engagé sur la voie de la démocratie" a plaidé dans le même sens ; en revanche, que le Kazakhstan "ne semble pas ‘tourné’ vers l’Europe" a pesé en sens contraire. La question de la Turquie s’était réglée d’elle-même, cet État ayant adhéré au Conseil trois mois après sa création, en mai 1949.

En 2008, cet espace "grand européen" coïncide donc avec l’ensemble des 47 États membres du Conseil de l’Europe. Compte tenu de l’objectif de cette institution de bâtir un espace démocratique et juridique commun, organisé autour de la Convention européenne des droits de l’Homme et d’autres textes de référence sur la protection de l’individu, la notion de grande Europe revêt une authentique signification juridique dans la mesure où elle est assujettie à des règles de droit. [...]

Dans le registre de la géopolitique, la notion de grande Europe désigne un ensemble dont les limites et la fortune sont variables selon les représentations et les objectifs des chancelleries des grands États qui y sont impliqués. Dans les appareils diplomatiques des pays membres de l’Union européenne, on relève une grande diversité de découpages. [...] Sur le plan géostratégique, on ne distingue pas non plus d’unité de théâtre, dès lors que quatre dispositifs distincts structurent le continent : 21 pays de l’UE membres de l’OTAN, les pays neutres non alliés, la Russie et une zone intermédiaire (Ukraine, Géorgie...) qui fait l’objet d’une rivalité entre Moscou et Washington. [...]

L’identité européenne, gage de cohésion

Cette identité est mouvante, construite ; elle s’est renouvelée dans les deux dernières décennies, dans le sens d’une bien plus grande diversité : nouveaux peuples, nouvelles langues, mémoires et passés différents. L’enjeu est donc dans l’ouverture aux autres. Il n’y a pas de construction européenne qui vaille sans connaissance de l’histoire et de la culture des autres. L’"Autre" de l’Europe a longtemps été son passé, contre lequel il fallait bâtir autre chose ; c’est aujourd’hui son voisin, d’où les interrogations que nourrissent les extensions successives de l’UE. Car la pluralité déroute, interpelle, remet en cause. Il convient donc d’imaginer une attitude commune pour gérer cette diversité nouvelle, dans une Europe devenue plus polychrome, différenciée, déroutante, plus exotique aussi. L’heure est à l’hospitalité car la diversité, comme l’union, fait la force ».

Il y a vingt ans, ces pays, placés dans l’orbite de l’URSS par la Conférence de Yalta en 1945, rompaient brusquement mais sans violence - à l’exception de la Roumanie - avec le communisme.




 « Le grand mouvement d'émancipation est-européen de 1989 aura été catalysé par deux ex-satellites de l'URSS, chacun à sa manière : la Pologne par l'exemplarité d'une résistance patiente et enfin récompensée, la Hongrie par l'ouverture du "Europe de l'Est : la transition" (La Documentation française, juillet 1990, épuisé). 

« On ne voyait encore trop souvent dans ce mouvement qu'un seul acteur, le parti communiste. Le système paraissait fort, et capable de faire face à ses difficultés internes. La Table ronde polonaise qui s'ouvre le 6 février 1989, accueillie avec une satisfaction manifeste à Moscou, n'est alors, même aux yeux des observateurs les plus avisés, qu'un épisode de la quête désespérée d'équilibre des forces et de légitimation du pouvoir totalitaire, et un pari fou de l'opposition sur la possibilité d'une "démocratisation rampante". Si les initiatives des gouvernants polonais ou hongrois sont le fait d'un calcul, la contagion révolutionnaire est venue des imprévus de ce calcul : d'abord la victoire électorale de Solidarité en juin 1989 qui, bien plus que la Table ronde, va réveiller l'espoir des peuples est-européens ; ensuite l'ouverture de la frontière hongroise, dans laquelle s'engouffrent les vacanciers est-allemands, qui crée un effet de masse délégitimant d'un coup le camp retranché qu'est la RDA.

Mais, pour que s'applique à l'Europe de l'Est la "théorie des dominos" suivant laquelle la chute du pouvoir dans un pays provoquerait une réaction en chaîne chez ses voisins, il a fallu un climat international nouveau, dont l'artisan principal a été Mikhaïl Gorbatchev, l'homme qui insiste inlassablement sur la fin de la "doctrine Brejnev". [...]

Large consensus en Pologne


En 1988, lorsque les communistes polonais abandonnent leur stratégie du "libéralisme autoritaire", les concessions du général Jaruzelski à Solidarité apparaissent à certains dirigeants de l'Est comme une capitulation. Elles sont pourtant le fruit d'un calcul rationnel et jugées nécessaires face au risque de réapparition d'une pression populaire du type de celle des jeunes grévistes de mai et août 1988. Mais ce calcul n'a pas tenu compte de toutes les variables, il a surtout sous-estimé la force de la minorité active qu'était l'opposition sous la loi martiale et la persistance de l'anticommunisme dans la population. Le système électoral à deux vitesses bâti par les juristes du parti pour offrir à l'opposition, en gage de volonté de consensus, une représentation parlementaire forte numériquement, mais non opérationnelle sur le plan législatif, a été débordé par l'impétuosité de la mobilisation des partisans de Solidarité, grandement favorisée, comme on l'a déjà dit, par le sentiment que Mikhaïl Gorbatchev, soucieux de son image en Occident, ne reviendrait pas aux méthodes de gestion de l'empire par la force. Pour les révolutions à venir à l'Est, la Pologne va alors créer un climat psychologique caractérisé par l'effritement de l'image d'invincibilité des Honecker, Husak, Jivkov ou Ceausescu. La reprise d'initiative par l'opposition, dopée par sa victoire électorale de juin 1989 (qui lui a montré ce à quoi elle n'osait plus croire elle-même, sa force et sa popularité), amplifiée par le désarroi des communistes vaincus, met au jour, de manière quasi pédagogique, les faiblesses du système. La Pologne devient la vitrine de la reculade du communisme. [...]

Désoviétisation avant l’heure en Hongrie




En Hongrie, c'est peut-être l'échec du changement qualitatif en 1956 qui a fait que la réforme a trouvé maintes applications quantitatives auxquelles les Hongrois adhérèrent, confortés par l'attitude de tolérance pour des formes de liberté ailleurs inexistantes. Les communistes en ont conçu une fierté, voire une "mentalité démocratique", qui les amena à proposer un calendrier de désoviétisation totale (proclamation de la république sans qualificatif "populaire", acceptation du multipartisme, abolition de la censure, démantèlement d'une partie de la nomenklatura, abandon des symboles de soviétisation, élections entièrement libres) et à espérer récolter les fruits de cette attitude hardie après une opération d'autoliquidation politique et de mutation en une formation "social-démocrate". [...]

Ici, nul vaste mouvement social pour peser sur l'échiquier politique. Tout commence par une compétition politique, électorale, qui, en amont, permet la mobilisation réelle d'une société jusqu'ici absente des grands enjeux, et une expression plus précise des cultures politiques ; en aval, les urnes filtrent et simplifient la scène politique : les micro-partis sont éliminés, et commence en Hongrie, avec une confortable majorité pour le Forum démocratique, une ère de bipolarisation, où l'opposition est libérale-sociale (SzDSz et Fidesz), avec deux courants de moindre importance numérique, la famille agrarienne et le courant socialiste réformé. [...]

L'effet dominos




Dans les autres pays du bloc, les dirigeants, réfractaires au gorbatchévisme ou au contraire trop confiants dans sa capacité d'éviter le pire, n'ont pas préparé de stratégies rationnelles de sortie du communisme. Ils ont simplement subi l'effet "dominos". Les dissidences ou les mouvements sociaux, même en Tchécoslovaquie ou en RDA, étaient trop faibles pour provoquer à eux seuls la mise à mort de leur régime. L'effet de contagion fut le facteur essentiel pour une contestation populaire de rue qui s'enhardit à partir du moment où il apparut qu'aucun symbole de la grandeur du communisme international ne tenait plus. Le choc le plus spectaculaire fut celui que vécut la direction est-allemande, qui avait bâti toute sa légitimité sur l'idée d'une autre Allemagne et qui vit sa population choisir sa patrie en fuyant massivement le pays fictif pour le pays réel. Les solutions proposées par les communistes allemands étaient condamnées à échouer face à une vague aussi puissante. [...]
La trajectoire tchécoslovaque est différente. [...] En novembre 1989, c'est bien une jeunesse étudiante non démoralisée par les défaites passées qui est descendue dans la rue. Mais, en réalité, un mouvement social multiforme se développait depuis la fin des années soixante-dix autour du renouveau religieux ou culturel, moins préoccupé par la blessure de 1968 que par ses propres objectifs. Contrairement à ce qui s'est passé dans d'autres pays du bloc, en Tchécoslovaquie le gorbatchévisme n'a pas suscité l'apparition d'une tendance modernisatrice, car ceux qui auraient pu l'incarner étaient hors du parti depuis 1968. La crispation des dirigeants ne pouvait se traduire que par la répression. C'est ainsi que le pouvoir communiste s'est effondré d'un seul tenant. [...]

Deux pays toutefois sont une illustration plausible de la directivité du Kremlin. La Roumanie d'abord : pour redonner quelque lustre à l'image du socialisme mondial, Gorbatchev se devait de détruire le monstrueux dictateur Ceausescu et son système, et les Soviétiques, on l'apprendra plus tard, n'y sont peut-être pas étrangers. En Bulgarie, les transformations s'opèrent, encore une fois, d'abord par mimétisme. Les hommes nouveaux qui remplacent Teodor Jivkov sont des progorbatchéviens déclarés. [...] Mais d'autres exemples fascinent bientôt les Bulgares [...]. La dynamique bulgare dépassera fatalement la sacro-sainte imitation du voisin soviétique ». 
 
À partir de 1989, les pays post-communistes se lancent dans une phase de changements rapides et radicaux en vue de construire des États de droit et d’instaurer une économie de marché. Et force est de reconnaître, à cet égard, que la perspective d’adhésion à l’Union européenne a fonctionné comme un levier efficace d’incitation aux réformes.

Un chemin tortueux vers la démocratie

« S'il est entendu que les régimes socialistes disparus en 1989-1991 n'étaient pas des États démocratiques, plus discutable est la caractérisation de ceux qui les ont remplacés », considère Jean-Yves Potel dans "L’Europe centrale et orientale. Dix ans de transformations" (Les Études de la Documentation française, édition 1999, ouvrage épuisé). 


Trois cas de figures sont généralement admis. Les États issus de l'ancienne Union soviétique (à l'exception des États baltes) n'ont pas achevé leur reconstruction démocratique même si le pluralisme politique et social, la liberté d'expression et le droit d'organisation y sont plus ou moins respectés. [...] Le deuxième cas de figure domine l'espace yougoslave (à l'exception de la Slovénie). L'effondrement de la "Fédération" que tenait d'une main de fer le maréchal Tito, a laissé la place à des régimes autoritaires et à la guerre, du fait des ambitions du nationalisme grand-serbe. Nombre de règles démocratiques élémentaires sont bafouées par ces régimes quand ils ne se résument pas à des protectorats sous administration internationale (Bosnie, Kosovo).

La troisième voie, celle qui nous occupera ici, est empruntée par les dix pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne : la Bulgarie, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. C'est la voie de l'État de droit et de la démocratie. Le Conseil européen de Copenhague (21 au 22 juin 1993) a d'ailleurs fait de ce choix le premier des critères de base à remplir pour envisager l'adhésion à l'Union européenne : elle "requiert de la part du pays candidat qu'il ait des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'Homme, le respect des minorités et leur protection". [...]

Choisir cette voie, quelles que fussent les bonnes intentions des gouvernants, n'a pourtant pas suffi à construire des démocraties. Ces pays sortaient de cinquante ans de communisme succédant à une guerre extrêmement meurtrière, et leurs brèves expériences de l'entre-deux-guerres s'étaient soldées soit par leur disparition, soit par des régimes autoritaires proches de l'Allemagne nazie. De sorte que les traditions politiques et les mémoires étaient pour le moins brouillées dans cette partie de l'Europe en 1989, tandis que la modernisation des pratiques institutionnelles, la montée de la technocratie et l'évolution de la pensée politique entretenaient, à l'Ouest, ce que les politologues appellent une "crise du politique" ».

Des trajectoires économiques différenciées


 « Le bilan des transitions économiques est on ne peut plus contrasté, comme en témoigne l'évolution des indicateurs sur dix ans, qu'il s'agisse des taux de croissance, de l'inflation, ou encore de l'ampleur du chômage », note Edith Lhomel dans L’Europe centrale et orientale. Dix ans de transformations (Les Études de la Documentation française, édition 1999 : ouvrage épuisé). 

« Lorsqu'on tente d'identifier les facteurs qui ont concouru à une telle disparité des résultats économiques, l'influence de l'héritage communiste apparaît déterminant. Ainsi, en Roumanie, la situation s'était largement détériorée durant les années 1985-1989 ; en Bulgarie, le redressement fut obéré par le poids de la dette extérieure contractée durant les dernières années du régime communiste et, plus structurellement, par sa forte dépendance énergétique à l'égard de l'ex-URSS. Ces pays partent d'entrée de jeu avec de lourds handicaps. Par ailleurs, il n'y a rien de commun entre l'empreinte du système d'allocation centralisée des ressources fortement amendée dans son principe en Hongrie dans les années soixante-dix et l'hypercentralisation de l'appareil de production albanais prévalant jusqu'en 1990.

La marge de manœuvre des nouvelles équipes pour entreprendre les réformes et surtout mener à bien des politiques de stabilisation macro-économiques, largement impulsées par le FMI, fait également la différence. Ainsi en est-il de la Pologne où le consensus social a été suffisamment solide et large pour permettre aux experts de Solidarité la mise en œuvre en 1990 d'un "big bang" économique très coûteux en termes sociaux. [...]

Partout, cependant, par rapport aux attentes et aux objectifs énoncés, les privatisations ont été lentes et n'ont pris leur vitesse de croisière qu'à compter, au mieux, des années 1994-1995. Un autre facteur clé explique aussi la disparité des trajectoires économiques : le rôle moteur, ou au contraire négatif, joué par les anciens managers des entreprises dont la reconversion - rapide, anticipée ou tardive - à l'économie de marché a fortement influencé le rythme et le caractère effectif des privatisations. Entre également en ligne de compte la plus ou moins forte présence d'acteurs économiques rompus aux nouvelles règles du jeu économique qui, en fonction des profits immédiats qu'ils pouvaient en tirer, ont adopté, selon les cas, un comportement plus ou moins offensif, plus ou moins spéculatif, plus ou moins légaliste ».

Des populations apparemment passives

« En théorie, le changement aurait dû se traduire par une torsion exceptionnelle de la structure sociale », ainsi que l'observe Georges Mink dans le n° 1019 du Courrier des pays de l'Est : "Les sociétés post-communistes en mouvement" (La Documentation française, octobre 2001). 

« Pourtant une énumération même sommaire des hypothèses sur les bouleversements sociaux après 1989 invite à se demander comment des processus considérés comme radicaux peuvent être reçus par les populations soumises à leur impact : changement des rapports de propriété, renaissance d’une classe de possédants, modernisation des infrastructures et des modes de production, réduction drastique (ou celle qui se prépare) du nombre d’ouvriers, etc. Par ailleurs, le retrait de l’État de ses fonctions de pourvoyeur de subventions à la culture et pour partie à l’enseignement, a entraîné la décrue des professions artistiques et plus généralement la mutation de l’intelligentsia, cette élite diplômée choyée par le régime de type soviétique.

De cette vision des changements brutaux, on ne pouvait pas ne pas déduire qu’un jour, la population, ou certaines de ses composantes soumises à de telles inflexions, réagirait par l’accroissement sensible d’actions collectives et du champ institutionnel dans lequel elles opèrent. [...] Mais aucune mobilisation majeure dotée d’un projet opposé à la politique suivie, ne s’est produite. L’impression, à quelques rares exceptions près, est celle d’une relative validation par les sociétés des changements au cours des douze dernières années, la vie sociale semblant dépourvue d’événements dramatiques. Un grand nombre d’observateurs de la vie politique s’étonnent de l’"apathie", que traduit la faible participation électorale.

Une autre énigme concerne la manière dont les individus font face aux difficultés de la vie quotidienne. Certes, l’agenda électoral qui a rythmé l’expression politique des populations permet de déduire d’un certain type de comportement électoral des indices d’exaspération et de mécontentement (abstentionnisme élevé, votes fluctuants, importance du vote protestataire, scores surprenants pour les candidats populistes voire anti-système), mais la vie au jour le jour fait plutôt croire, au regard de la persistance du climat de paix sociale, à la satisfaction des besoins des populations. Comment cela s’accorde-t-il avec les difficultés que reflètent les statistiques (chômage, baisse des revenus) ? »

Les adhésions à l’Union européenne, une démarche inédite


« L'UE adopte en 1993 les critères dits de Copenhague : respect des principes démocratiques, mise en place de l'économie de marché, acceptation de l'acquis communautaire », rappelle Jean-François Drevet dans le n° 8052 de la Documentation photographique intitulé "Une Europe en crise ?" (La Documentation française, 2006). 

« Au cours des années 1990, l’adhésion d’un groupe de nouveaux membres a représenté une opération avant tout politique, dans laquelle l’UE a apporté aux jeunes démocraties son soutien pour consolider leur stabilité interne (droits de l’Homme, respect des minorités) et externe (en améliorant leurs relations de voisinage). À ce moment-là, les guerres qui s’étendaient dans l’ex-Yougoslavie démontraient à quel point les menaces sur la paix en Europe étaient importantes en cas de réactivation de conflits de voisinage gelés pendant plusieurs décennies. [...]

À la différence des candidats méditerranéens, qui n’avaient pas été aidés avant leur intégration (à l’exception d’un appui modique au Portugal), l’Europe centrale a bénéficié d’une assistance de pré-adhésion (de dix à trente euros par habitant et par an), qui s'est traduite en 1997, à la veille de l’ouverture des négociations, par une réorientation du programme PHARE, puis la création des instruments SAPARD et ISPA. [...]

Compte tenu des efforts et des contraintes (la lutte contre un chômage croissant notamment) que suppose le passage à l’économie de marché, il est politiquement important pour les pays candidats de ne pas faire durer indéfiniment la phase de pré-adhésion, d’où les pressions exercées pour engager puis clôturer la négociation. Les candidatures officielles ayant été déposées en 1994-95, les négociations se sont ouvertes en 1998 avec les six pays les plus avancés (cinq pays d’Europe centrale et Chypre). En 1999, le deuxième groupe (cinq pays d’Europe centrale et Malte) a obtenu d'entrer à son tour dans la négociation, qui s’est achevée fin 2002 avec les dix adhésions de mai 2004. La Roumanie et la Bulgarie ont conclu leurs négociations en 2004 en vue d’une adhésion en 2007, au plus tard en 2008 ».

Les nouveaux entrants impriment leur marque




« Les nouveaux États membres (NEM) ne forment pas un bloc homogène », constate Edith Lhomel dans le n° 1063 du Courrier des pays de l'Est (La Documentation française, septembre-octobre 2007) : "Nouveaux États membres de l'UE : une intégration réussie ?"

« Chacun d’eux, en effet, a, selon son contexte politique et économique, sa situation géographique, son histoire, ses intérêts nationaux, voire selon les circonstances, une conception spécifique de la construction communautaire, mâtinée tantôt de fédéralisme, tantôt de libéralisme ou encore dominée par la dimension sociale. Et si les ressortissants des dix nouveaux États membres apparaissent, dans les sondages réalisés par l’Eurobaromètre, comme des Européens, sinon plus convaincus que ceux des pays de l’UE-15, du moins plus confiants dans le futur de l’Union européenne (13 % sont très optimistes, 61 % plutôt optimistes, contre respectivement 10 % et 58 % dans l’UE-15), cette moyenne recouvre certaines nuances [...]. En outre, ce désir d’Europe si vif dans les pays de l’Est, qui résulte tout à la fois du sentiment d’avoir été injustement et trop longtemps coupés de leur aire culturelle, et des efforts douloureux qu’il leur a fallu accomplir pour intégrer l’UE, ne fait pas d’eux, loin s’en faut, des intégrationnistes plus convaincus, ni des partisans plus acharnés d’une communautarisation croissante des décisions. [...]

L’intégration à l’UE de dix États d’Europe de l’Est a inévitablement conduit Bruxelles à se poser la question de la pertinence de futurs élargissements. Sur ce point, les nouveaux entrants ont exercé, dans un premier temps, une forte pression sur l’UE, à commencer par la Pologne pour laquelle œuvrer à l’intégration de l’Ukraine, de la Biélorussie et de la Moldavie relevait, en 2005, "d’un devoir de solidarité". Depuis, le renforcement de la Politique européenne de voisinage a semblé à un certain nombre de Polonais, mais aussi de citoyens des pays baltes, qui figuraient également dans les sondages parmi les plus favorables à un nouvel élargissement de l’UE à l’Est, un succédané suffisant même s’ils demeurent parmi les plus chauds partisans d’une telle évolution.

Par ailleurs, l’entrée dans l’UE d’anciens satellites de l’URSS pèse inévitablement sur les relations de Bruxelles avec la Russie : ainsi, les instances communautaires ont-elles été amenées à se montrer sinon plus fermes, du moins plus attentives aux difficultés rencontrées par l’Estonie, la Lituanie et la Pologne dans leurs rapports avec leur ancienne puissance tutélaire. [...] Le rejet des régimes communistes par ceux qui y ont été assujettis a eu pour autre conséquence de faire des NEM des atlantistes convaincus, une attitude qui, lors de l’intervention américaine en Irak en septembre 2003, a occasionné bien des grincements de dents au sein de l’UE. Aujourd’hui, encore, ce tropisme américain a parfois quelques difficultés à être compris en dépit du réchauffement des relations entre Washington et Bruxelles (et surtout Paris) ».

5 avril 1989. Signature des accords dits de la « Table ronde » en Pologne
Conclus entre le pouvoir communiste et le syndicat Solidarnosc (Solidarité), ces accords prévoient notamment l’instauration du pluralisme syndical et l’organisation d’élections semi-démocratiques, le Parti communiste (POUP) conservant 65 % des sièges à la Diète tandis que les élections sénatoriales seront complètement libres.
2 mai 1989. Ouverture de la frontière hongroise
La Hongrie ouvre partiellement sa frontière avec l’Autriche, ménageant une première brèche dans le Rideau de fer. Durant l’été, des dizaines de milliers d’Allemands de l’Est en vacances en Hongrie, en profitent pour passer à l’Ouest.
9 novembre 1989. Chute du Mur de Berlin
À la suite d’une déclaration, diffusée à la télévision, de Günter Schabowski, membre du bureau politique du SED (Parti communiste est-allemand), autorisant les voyages à l’étranger sans justificatifs, les Berlinois, tant de l’Ouest que de l’Est se précipitent vers les checkpoints et commencent à démolir à coups de pioche le mur édifié en 1961.
10 novembre 1989. Éviction du Président bulgare, Todor Jivkov
Todor Jivkov, Président de la Bulgarie et secrétaire général du Parti communiste bulgare depuis 1954, est démis de ses fonctions et remplacé par le communiste réformateur, Petar Mladenov.
17 novembre-29 décembre 1989. « Révolution de velours » en Tchécoslovaquie
La dispersion violente par la police, le 17 novembre, d’une manifestation d’étudiants organisée pour commémorer le 50e anniversaire du décès de Jan Opletal, étudiant victime du nazisme, entraîne une série de manifestations populaires qui provoquent la démission en bloc du bureau politique du Parti communiste tchécoslovaque le 24 novembre, puis celles du Premier ministre le 7 décembre et du président de la République le 10 pour aboutir, le 29, à l’élection du dissident Vaclav Havel à la présidence de la République tchécoslovaque.
16-25 décembre 1989. « Révolution roumaine »
Le 16 décembre des manifestations de soutien à un pasteur hongrois, Laszlo Tökes, défenseur des droits de la minorité hongroise en Roumanie, se déroulent à Timisoara en Transylvanie. L’intervention de l’armée qui tire sur la foule provoque une amplification du mouvement et aboutit à l’arrestation le 22 du président Nicolae Ceausescu et de son épouse qui sont condamnés à mort à l’issue d’un procès sommaire et exécutés le 25. Le conseil du Front national, dirigé par l’ancien dirigeant communiste, Ion Ilescu, prend le pouvoir et promet des élections libres.
3 octobre 1990. Réunification allemande
Conformément au Traité d’unification signé à Berlin le 30 août 1990, la République démocratique allemande est intégrée dans la République fédérale d’Allemagne. La division de l’Allemagne en deux États remontait à 1949.
19-21 août 1991. Tentative de putsch en Union soviétique
Plusieurs hauts dirigeants conservateurs placent le Président de l’Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, en résidence surveillée et tentent de s’emparer du pouvoir.
8-25 décembre 1991. Éclatement de l’Union soviétique
Plusieurs républiques soviétiques ayant proclamé leur indépendance dans les mois qui ont suivi le putsch d’août 1991, trois d’entre elles, la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie, réunies à Minsk (Biélorussie) le 8 décembre, font le constat que l’URSS n’existe plus et créent la Communauté des États indépendants (CEI). Le 25, Mikhaïl Gorbatchev démissionne de ses fonctions de Président de l’URSS, qui cesse officiellement d’exister le lendemain.
1991-1992. Conflit serbo-croate
Le 25 juin 1991, la Slovénie et la Croatie (Yougoslavie) proclament leur indépendance, provoquant un conflit armé entre la Croatie et l’armée yougoslave, dominée par la Serbie. Un cessez-le-feu est proclamé le 2 janvier 1992.
1992-1995. Conflit bosniaque
En dépit de l’hostilité des Serbes, la Bosnie-Herzégovine (Yougoslavie) organise le 29 février 1992 un référendum sur l’indépendance : 99 % des votants se prononcent en faveur de l’indépendance, mais seuls 62 % des inscrits (les Bosniaques et les Croates) ont participé au scrutin, les Serbes ayant boycotté la consultation. En réponse, entre avril et octobre 1992, l’armée de la République serbe de Bosnie, appuyée par l’armée yougoslave, s’empare des deux tiers du territoire bosniaque et procède au nettoyage ethnique des zones occupées. La capitale, Sarajevo, subit un siège qui durera 43 mois. Face à l’échec répété des négociations, l’OTAN lance, le 30 août 1995, une campagne de bombardements sur la République serbe de Bosnie qui contraint cette dernière à accepter un cessez-le-feu le 12 octobre 1995. Les négociations de paix se déroulent à Dayton (États-Unis, Ohio) et aboutissent à la signature officielle le 14 décembre 1995 à Paris des « Accords de Dayton ».
1er janvier 1993. Éclatement de la Tchécoslovaquie
La dissolution, le 31 décembre 1992, de la République fédérale tchèque et slovaque (RFTS) entraîne la création de deux nouveaux États : la République tchèque et la Slovaquie.
1998-1999. Conflit du Kosovo
Au Kosovo (Yougoslavie), peuplé à 90 % d’Albanais et soumis depuis la suppression de son statut d’autonomie en 1989, à un régime d’oppression et de discrimination, la police et l’armée serbes s’attaquent aux régions touchées par un mouvement de rébellion, le Mouvement de libération du Kosovo (UCK), et pratiquent le nettoyage ethnique contre la population albanaise. L’échec des négociations de février 1999 à Rambouillet précipite l’intervention de l’OTAN, qui bombarde des objectifs serbes à partir du 24 mars 1999 et envoie des troupes au Kosovo en mai. Le Président de la République fédérale de Yougoslavie, Slobodan Milosevic, riposte en expulsant du Kosovo plus de la moitié de la population albanaise, soit un million de personnes supplémentaires, mais finit par se résigner à signer le 10 juin 1999 un accord prévoyant le retrait des troupes serbes et le retour des réfugiés.
1999 et 2004. Élargissements de l’OTAN
Le 12 mars 1999, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque adhèrent officiellement à l’OTAN.
Le 29 mars 2004,la Bulgarie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie y font à leur tour leur entrée.
2004 et 2007. Élargissements de l'Union européenne
Le 1er mai 2004, l’UE accueille dix nouveaux États membres (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie), ce qui porte à vingt-cinq le nombre des pays membres et à 454,9 millions la population de l’Union.
Le 1er janvier 2007, l’UE intègre la Bulgarie et la Roumanie.


Mur de Berlin

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Le Mur de Berlin (en allemand Berliner Mauer), également appelé le « Mur »[1] ou le « Mur de la honte » a été érigé en plein Berlin pendant la nuit du 12 au 13 août 1961 suscitant la réprobation des puissances occidentales. La République démocratique allemande tente ainsi de mettre fin, avec l'appui du pacte de Varsovie, à l'exode croissant de ses habitants vers la République fédérale d'Allemagne. Le Mur, séparant physiquement la ville en « Berlin-Est » et « Berlin-Ouest », est pendant près de trente ans le symbole de la guerre froide et de la partition de l'Allemagne à l'issue de la Seconde Guerre mondiale. Plus qu'un simple mur, il s'agit en fait d'un dispositif défensif comportant deux murs avec chemin de ronde, miradors et dispositifs d'alarme. Plusieurs centaines de ressortissants de la RDA ont perdu la vie en essayant de le franchir, les soldats n'hésitant pas à tirer sur les fugitifs.
L'affaiblissement de l'Union soviétique, la politique de libéralisation conduite par Gorbatchev et la détermination des Allemands de l'Est qui ont organisé de grandes manifestations leur permettent, le 9 novembre 1989, d'abattre ce qui avait été surnommé le « Mur de la honte » ; leur élan a suscité l'admiration du « Monde libre ». Cet événement a conduit à la réunification allemande. Bien que détruit presque totalement, le Mur reste un lieu de mémoire auquel plusieurs musées sont consacrés et les cicatrices qu'il a laissées dans l'organisation urbaine de la capitale allemande ne sont toujours pas effacées. Le Mur de Berlin joue un rôle important dans la pensée et dans l'imaginaire allemand et occidental, comme en témoignent de nombreux livres et films.
 

Société close

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La société close s'oppose à la société ouverte, en ce que la première est collectiviste, paternaliste, clôturée, identitaire, sinon magique, tandis que la seconde est fondée sur le droit, le contrat, le respect de l'individu. Antonyme: société ouverte - principe de la dichotomie: société ouverte et société close 
La société close est une société:

Collectiviste


Société holiste, les enfants (faits pour le maintien du taux de natalité) y sont pris en charge par l'État (éducation nationale), la Race/le Parti/la Patrie se substituant aux parents biologiques. Le travail sert à soutenir les indices étatiques (taux de croissance, PNB) et la richesse qui y est créée par et pour la Race/... y (re)part dans le fond commun, naturellement, et y est fraternellement redistribuée. La morale y est raciale/de classe/républicaine, unitaire (le pluralisme mettant en péril la fusion du groupe) et doit être imposée dès le plus jeune âge via la propagande (les ministères de la "communication" ont disparu seulement depuis peu dans la plupart des pays pour être remplacés par certaines lois prohibitrices (cf. lois mémorielles) ou inscrits dans la constitution : technique moins grossière et plus efficace), le discours paternaliste, ou encore le politiquement correct.
La distinction entre société civile et communauté politique, posant des problèmes de divergence des intérêts, le collectivisme de la société close s'efforce de tout politiser : l'Etat étant la courroie de distribution ou la tour de contrôle de l'ensemble des activités humaines, du berceau à la tombe, tout doit passer par lui et être réglé par lui. Le "laissez-nous faire" est dès lors pris comme un acte de rébellion pour le dirigeant peu enclin à voir une fraction de pouvoir échapper à son joug, ou le despote bienveillant comme un acte d'ingratitude. Les sociétés intermédiaires (Rousseau, Contrat social, 2.3) doivent être interdites, les groupes organisés suspects.

Clôturée

Du principe d'autarcie (de Platon - dont le livre I de la République se déroulant au Pirée, est lourd de sous-entendus dans la critique du cosmopolitisme, dont la cité des Lois est placée sur une île loin de la côte - jusqu'aux exemples récents du franquisme et de la Corée du Nord) au protectionnisme du social-nationalisme, la fermeture en est une constante.
La clôture n'est pas une simple métaphore et le très visible Mur de Berlin (que l'on n'essayait de franchir que dans un sens) symbolisant par avance la faillite d'un régime si idyllique que nombreux voulaient le fuir, ne doit pas faire oublier que la chasse à l' évasion fiscale n'en est que le dernier avatar.

Identitaire

Anti-cosmopolite, les signes distinctifs (drapeaux, couleurs, mascottes), le folklore et la culture, les héros nationaux ou la mythologie, les chants (hymnes, musique : art totalitaire par excellence), voire (pour des pays comme l'Allemagne) la langue, éventuellement encore la religion (l'Ouma, l'ekklesia, le christianisme occidental), forment un package indissociable qui bercent et enterrent le membre ou la cellule du corps social, là où la société ouverte relève d'une adhésion (au moins formellement) volontaire et permet à l'individu de dé-packager ces adhésions, sans en être prisonnier à vie. Souvent pensée sous le prisme de l'hypostase de la famille, la communauté dans laquelle baigne l'individu lui est indissociable : Socrate n'est rien hors de sa Cité (le condamnerait-elle à mort). Mais ceci n'est pas valable seulement pour les hommes : le peuple a sa terre, son esprit ou son caractère (Joseph de Maistre parlait d' « âme nationale »), sa langue, sa culture, parfois ses gênes ou son sang (aryens, juifs - du côté maternel) et tous sont unis : Heidegger ne peut penser en grec comme le Coran être traduit, et l’œuvre d'art perd son identité si elle est extraite de son « monde », un musulman ne peut s'appeler Jean-Paul ni un pape Abdul, etc.
Néanmoins, devant faire en sorte que les différences (le pluralisme) ne créent pas de dissensions, les théoriciens inventent des stratagèmes pour mouler dans le même creuset républicain les individus : collectivisation des enfants, communauté des femmes, chez les gardiens de la cité platonicienne ; absolutisme hobbesien ; dogmatisme infaillible et préjugés chez De Maistre; intérêt général et démocratie directe chez Rousseau ; fin de la division du travail et du pays en ville/campagne chez Marx:
« De plus, la division du travail implique du même coup la contradiction entre l'intérêt de l'individu singulier ou de la famille singulière et l'intérêt collectif. [...] Enfin la division du travail nous offre immédiatement le premier exemple du fait suivant : aussi longtemps que les hommes se trouvent dans la société naturelle, donc aussi longtemps qu'il y a scission entre l'intérêt particulier et l'intérêt commun, aussi longtemps donc que l'activité n'est pas divisée volontairement, mais du fait de la nature, l'action propre de l'homme se transforme pour lui en puissance étrangère qui s'oppose à lui et l'asservit, au lieu qu'il ne la domine. En effet, dès l'instant où le travail commence à être réparti, chacun a une sphère d'activité exclusive et déterminée qui lui est imposée et dont il ne peut sortir; il est chasseur, pêcheur ou berger ou critique critique, et il doit le demeurer s'il ne veut pas perdre ses moyens d'existence; tandis que dans la société communiste, où chacun n'a pas une sphère d'activité exclusive, mais peut se perfectionner dans la branche qui lui plaît, la société règlemente la production générale ce qui crée pour moi la possibilité de faire aujourd'hui telle chose, demain telle autre, de chasser le matin, de pêcher l'après-midi, de pratiquer l'élevage le soir, de faire de la critique après le repas, selon mon bon plaisir, sans jamais devenir chasseur, pêcheur ou critique. Cette fixation de l'activité sociale, cette pétrification de notre propre produit en une puissance objective qui nous domine, échappant à notre contrôle, contrecarrant nos attentes, réduisant à néant nos calculs, est un des moments capitaux du développement historique jusqu'à nos jours. C'est justement cette contradiction entre l'intérêt particulier et l'intérêt collectif qui amène l'intérêt collectif à prendre, en qualité d'État, une forme indépendante, séparée des intérêts réels de l'individu et de l'ensemble et à faire en même temps figure de communauté illusoire, mais toujours sur la base concrète des liens existants dans chaque conglomérat de famille et de tribu, tels que liens du sang, langage, division du travail à une vaste échelle et autres intérêts; et parmi ces intérêts nous trouvons en particulier, comme nous le développerons plus loin, les intérêts des classes déjà conditionnées par la division du travail, qui se différencient dans tout groupement de ce genre et dont l'une domine toutes les autres. Il s'ensuit que toutes les luttes à l'intérieur de l'État, la lutte entre la démocratie, l'aristocratie et la monarchie, la lutte pour le droit de vote, etc., etc., ne sont que les formes illusoires sous lesquelles sont menées les luttes effectives des différentes classes entre elles (...); et il s'ensuit également que toute classe qui aspire à la domination, même si sa domination détermine l'abolition de toute l'ancienne forme sociale et de la domination en général, comme c'est le cas pour le prolétariat, il s'ensuit donc que cette classe doit conquérir d'abord le pouvoir politique pour représenter à son tour son intérêt propre comme étant l'intérêt général, ce à quoi elle est contrainte dans les premiers temps. Précisément parce que les individus ne cherchent que leur intérêt particulier, — qui ne coïncide pas pour eux avec leur intérêt collectif, l'universalité n'étant somme toute qu'une forme illusoire de la collectivité, — cet intérêt est présenté comme un intérêt qui leur est "étranger", qui est "indépendant" d'eux et qui est lui-même à son tour un intérêt "général" spécial et particulier, ou bien ils doivent se mouvoir eux-mêmes dans cette dualité comme c'est le cas dans la démocratie. »
Karl Marx, L'Idéologie allemande (1845), A. L'idéologie en général et en particulier l'idéologie allemande

Défensive et belliqueuse

Au lieu de faire de tout homme un « partenaire » grâce au commerce, la société politique se place sous le clivage entre "nous" et "les autres/étrangers", lui-même sur la pente du clivage « ami/ennemi » cher à Carl Schmitt. La politique se nourrit de conflits et l'adversaire politique s'avère être un adjuvant nécessaire pour le politicien, non pas dans un progrès comme celui qu'apporte la concurrence, mais pour le maintien de l'illusion de la nécessité du jeu politique.
Pour souder le groupe, le régime a besoin d'ennemis fédérateurs, le juif, le comploteur capitaliste ou « social traitre », l'ennemi ad hoc et temporaire comme le fut en France le « plombier polonais », ont joué ce rôle dans l'interminable tragédie qu'aucun être vivant sur les deniers publics n'a intérêt à achever, si bien que les ressources en menaces paraissent inépuisables. Les régimes collectivistes les plus avancés font du militarisme un levier de choix (sur le militarisme : cf. Bourguin, Mises, Hayek) pour contrôler la communauté, de l'usine ou de la caserne leur idéal-type, lorsque les collectivismes modérés usent de dérivés plus positifs : équipe nationale sportive (le Brésil fut le principe d’adversité suffisant pour unir momentanément en 1998 les blacks-blancs-beurs qui composent la société française), cause solidaire nationale, totems communs (monuments) ou objectifs communs (frontières, conquête de l'espace...).

Bibliographies

Penseurs de la société close

Analystes de la société close

Démocratie

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La démocratie, « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » (Abraham Lincoln), peut être définie comme un mode d'organisation politique par lequel la souveraineté réside dans l'ensemble des citoyens (sans distinction de naissance, de fortune ou de capacité), qui expriment leur volonté par le vote, selon le principe « un homme ou une femme, une voix ».
On peut distinguer différents types de démocratie : démocratie directe (pas de représentants), démocratie représentative (une oligarchie élue a le pouvoir) et démocratie participative (système mixte). Tous les partis et idéologues se réfèrent à la démocratie athénienne, participative, mais en fait toutes les démocraties actuelles sont représentatives (sauf la Suisse, qui est participative).
Il est important de souligner que la démocratie ne correspond pas nécessairement à un régime libéral, ni même à un régime de liberté. Ce n'est qu'un mode de décision politique, « le pire des régimes — à l'exception de tous les autres déjà essayés dans le passé », selon Winston Churchill.


Union européenne

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L’Union européenne (UE) est une association sui generis de vingt-sept États européens qui délèguent par traité l'exercice de certaines compétences à des organes communs. Elle s’étend sur un territoire d'environ 4,5 millions de km², est peuplée de 503,7 millions d'habitants et est la première puissance économique mondiale.
L'Union européenne telle que constituée depuis au moins le traité de Maastricht est la pire construction (crypto-)étatique pour un libéral - à l'exception de toutes celles qui se sont succédées par le passé.
En tant que construction hybride, elle ne correspond certes pas à un État libéral idéal, chose d'ailleurs impossible ; et il est possible comme Nigel Farage d'être libéral mais aussi nationaliste et donc hostile à la construction européenne.
Parmi les aspects favorables, citons néanmoins :

Chute du mur de Berlin

 

 

 

 

 

 

octobre 31, 2014

Globalisation - Mondialisation 4/8 (Libéralisme V/s Socialisme)

L'Université Libérale, vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.


 
La différence de niveau de développement économique existant entre les nombreux pays de l'ancien bloc soviétique qui ont ouvert leur marché avant de se joindre à l'Union européenne et les quelques pays qui ne l'ont pas fait est nette et symptomatique.

Un modèle évident de réforme

Dix-huit ans après la chute du mur de Berlin, des démocraties dotées d'une économie de marché ont pris solidement racine en Europe centrale et orientale, notamment dans les pays baltes qui faisaient partie de l'ex-Union soviétique. L'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie sont toutes membres de l'Union européenne, à laquelle la Roumanie et la Bulgarie viennent également de se joindre le 1er janvier 2007. L'appartenance à l'Union européenne témoigne de la reconnaissance internationale de la transformation de grande ampleur qui a eu lieu dans cette partie du monde, mais la libéralisation du commerce, qui était un élément crucial des conditions d'adhésion à l'Union européenne, aura, à long terme, une portée encore plus grande sur les conditions de vie de la population de ces pays.

En revanche, trois anciens États soviétiques, la Biélorussie, la Moldavie et l'Ukraine, qui, géographiquement parlant, sont les plus occidentaux des États membres de l'ex-Union soviétique non membres de l'Union européenne, n'ont pas adopté une politique de libéralisation du commerce dans la même mesure et n'ont par conséquent pas bénéficié des mêmes avantages. En fait, bien que leur économie se soit développée au cours des quinze dernières années, ils n'ont pas profité du même apport de capitaux et d'investissements étrangers que leurs voisins situés à l'Ouest. Cela s'explique en partie par des circonstances historiques différentes, par un manque d'engagement politique en faveur de réformes et, ce qui est peut-être le plus important, par l'absence d'une force persuasive en provenance de l'extérieur en faveur de la libéralisation du commerce, comme la probabilité d'une appartenance à l'Union européenne. Toutefois, ce qui a fait le plus défaut, c'est un engagement sérieux en faveur de la suppression des barrières non tarifaires qui limitent considérablement la croissance du commerce et des investissements étrangers. Ces barrières agissent comme un mur protectionniste, favorisant les entreprises locales dotées des connaissances et des relations qui permettent l'accroissement de leur part de marché.
 
Ainsi, ce n'est qu'après que la Roumanie et la Bulgarie eurent commencé à s'attaquer sérieusement aux barrières non tarifaires telles que l'insuffisance de l'application du droit de la propriété intellectuelle, l'excès de fonctionnaires et de formalités administratives qui entrave la possibilité pour les entreprises de travailler avec l'État, l'absence de transparence des régimes de passation des marchés publics et la généralisation de la corruption, que leur économie a viré, que les investisseurs étrangers sont arrivés en grand nombre et que la croissance due aux exportations a démarré.
 
Le modèle dont devraient s'inspirer des pays comme la Biélorussie, la Moldavie et l'Ukraine est évident. C'est celui des pays de l'Europe centrale et orientale dont l'économie s'est développée précisément parce qu'ils l'ont ouverte à la concurrence étrangère, qu'ils ont réduit l'influence de l'État sur l'économie et qu'ils ont adopté des réformes structurelles de grande portée. Voici des exemples des principales réformes adoptées par ces pays.
  • La réduction des droits de douane : cette réduction a été un important moyen d'introduire la concurrence dans le marché. Les biens de qualité supérieure et de prix inférieur chassent les entreprises peu efficaces du marché et exigent des méthodes de production novatrices et rentables de la part des entreprises qui restent en activité.
  • La libéralisation des prix : bien qu'elle soit difficile à obtenir sur le plan politique, la libéralisation des prix est indispensable pour laisser jouer les forces du marché sur les producteurs de tous les secteurs, des biens de consommation à l'énergie. La suppression des subventions a également permis aux produits étrangers de pénétrer sur le marché sans se heurter à des obstacles supplémentaires à la libre concurrence.
  • La privatisation : la diminution du rôle de l'État en matière de contrôle des moyens de production a permis aux entreprises de réagir efficacement au caractère cyclique du marché. La privatisation a également permis à l'État de se débarrasser des entreprises déficitaires qui grevaient lourdement son budget et elle a attiré les investisseurs.
  • L'établissement d'organismes de règlementation indépendants : la réduction de l'influence de l'État sur les décisions en matière de règlementation a joué un rôle décisif dans l'établissement d'une économie de marché prévisible. La corruption et l'influence politique s'exercent trop facilement quand l'intervention de l'État sur le marché est importante, principalement dans le secteur financier et dans les secteurs des télécommunications et de l'énergie.
  • Une politique budgétaire et monétaire judicieuse : la maîtrise de l'inflation revêt une importance cruciale pour la prévisibilité et la stabilité d'un marché. Parallèlement, des dépenses publiques limitées, judicieuses et responsables sont extrêmement importantes pour guider l'introduction des principes du marché et pour en adoucir les effets.
Les résultats ont été très impressionnants. Selon le rapport sur les Perspectives de l'économie mondiale du Fonds monétaire international pour septembre 2006, le produit intérieur brut (PIB) moyen par habitant (en ce qui concerne la parité de pouvoir d'achat) a augmenté de 112 % entre 1993 et 2005 en Europe centrale et orientale. En revanche, la croissance moyenne du PIB par habitant en Biélorussie, en Moldavie et en Ukraine durant la même période a été de 48 %. 

En outre, les investisseurs étrangers ont été attirés par ces réformes de grande portée. Qu'ils viennent dans un pays grâce à la privatisation, à la coentreprise ou aux investissements en installations nouvelles, les investisseurs étrangers créent des emplois, apportent un savoir-faire et accroissent les recettes fiscales des pays en transition. De ce fait, alors que les entreprises publiques aux effectifs pléthoriques étaient dégraissées ou liquidées, les investisseurs étrangers, attirés par la prévisibilité d'une économie transformée, ont contribué à créer des emplois. Bien que certaines des réformes mentionnées ci-dessus aient été entreprises en Biélorussie, en Moldavie et en Ukraine, l'absence d'engagement véritable en faveur de la mise en application des nouvelles lois et de la nouvelle réglementation a abouti à une baisse du volume des investissements étrangers.
 
La transition économique des nouveaux États membres de l'Union européenne est loin d'être terminée. Tous ces pays doivent encore réduire la corruption, alléger la bureaucratie, rendre plus transparente la passation des marchés publics et supprimer les autres barrières non tarifaires. Il est toutefois peu probable que l'on assiste à l'annulation de la libéralisation du commerce et des réformes structurelles importantes mises en vigueur depuis 1989, qui ont eu pour résultat une croissance économique forte et impressionnante. Cette prévisibilité - absente en Biélorussie, en Moldavie et en Ukraine - crée un climat des affaires qui attire les capitaux nationaux et étrangers, en favorisant la création d'emplois, la croissance économique et l'émergence d'une classe moyenne plus forte et plus aisée. Ce sont là toutes les conditions indispensables à une économie mondiale moderne.
 
2007
La chute du mur de Berlin a mis fin à une expérience grandeur nature qui se déroulait depuis près d'un demi-siècle. D'un côté, on avait l'Union soviétique avec son système marxiste d'économie centralement planifiée. De l'autre, les pays occidentaux avec des économies plus ou moins mixtes, mais dont aucune ne se rapprochait, même de près, de ce qui se passait en URSS. L'Union soviétique s'est effondrée, et il faut aujourd'hui se donner beaucoup de mal pour trouver quelqu'un qui croie encore aux vertus de l'économie planifiée. 

Bloc de l'Est

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Le Bloc de l'Est désigne l'ensemble des pays d'Europe de l'Est sous la domination soviétique, dans lesquels un régime d'inspiration communiste et totalitaire fut mis en place.
De tous les pays de l'Europe de l'Est, la Pologne et la Yougoslavie ont payé le plus lourd tribut à l'arrivée des communistes au pouvoir. Le retour de l'Armée rouge en Pologne, début 1944, voit l'élimination par le NKVD des résistants polonais non communistes. Le stalinisme polonais se caractérisa par la suite par un fichage général de la population, des vagues d'arrestations massives et des milliers d'exécutions. La guerre de "libération" menée par Tito en Yougoslavie se chiffre quant à elle en centaines de milliers de cadavres. Outre l'élimination des résistants royalistes, nombre de croates et de slovènes furent massacrés en masse dans d'horribles conditions, après avoir été livrés aux titistes par les britanniques...
On se souviendra aussi de la répression soviétique en Hongrie en 1956, ou à Prague en 1968, des régimes sanglants d'Honecker en Allemagne de l'Est et de ce symptomatique mur de Berlin qui en incarnait toute la faillite, de Ceausescu en Roumanie, des massacres d'après-guerre en Bulgarie, sans oublier l'État-goulag albanais du fanatique Enver Hoxha.
 
 

Économie de la transition

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L'économie de la transition est une branche de l'économie comparative des systèmes politiques. Elle tente de comprendre comment des économies dont les membres ont vécu durant de nombreuses années avec des systèmes politiques et économiques centralisés peuvent s'adapter à une économie de marché décentralisée. Peter Boettke, James Dorn et Yu-Shan Wu sont des spécialistes de cette branche.
Deux approches dominent, l'une est très rapide et elle est qualifiée de transition “big-bang”. On la rencontre en Europe de l'Est. L'autre, plus lente, est dénommée transition “expérimentale” que l'on retrouve en Chine. En 1989, le Comité Central du parti Communiste Soviétique, sous l'impulsion de Gorbatchev décide de lancer une réforme de grande envergure où les fermiers pouvaient louer des terres dans des contrats de long terme (50 ans). Au contraire, en Chine, la réforme agricole est plus longue. Elle commence à la fin des années 1970 dans quelques provinces (Anhui et Sichuan) plus 2000 comtés dans le pays. Les expérimentations sont un succès et le programme de réforme est étendu dans d'autres régions. En 1980, 14% des foyers ruraux chinois deviennent des fermiers privés. En un an, ce chiffre explose à 45% puis à 80% en 1982. En 1984, le système collectif fermier chinois est abandonné quand le pouvoir central s'aperçoit que 98% des foyers ruraux deviennent des fermiers privés.
 

Privatisation

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La privatisation est une action consistant à transférer au secteur privé des pans d'activité dépendant préalablement de la puissance publique.

 Arguments en faveur des privatisations
  • l'État n'est pas incité naturellement à assurer le bon fonctionnement des entreprises qu'il détient, alors que les propriétaires privés y sont contraints (sous peine de disparaître du marché) ; pour cette raison, les entreprises privatisées deviennent plus efficaces.
  • l'entreprise privatisée est débarrassée de l'interférence de la politique ; ses dirigeants ne sont plus choisis pour des raisons politiques ; son objectif correspond à une logique économique et non plus politique ou "sociale" (dans le mauvais sens du mot) ; la corruption n'existe plus puisque les décideurs sont également les payeurs.
  • la privatisation contribue à alléger le fardeau fiscal que supporte le contribuable, contraint de financer malgré lui des services non profitables.

Faux arguments contre les privatisations

  • à gestion égale, allégeant en apparence l'impôt du contribuable, la privatisation augmente en fait le coût total effectif du consommateur, puisqu'il faut rajouter le profit reversé aux actionnaires : mauvaise définition du profit, qui est ce qui reste à l'entrepreneur quand tout a été payé, et non pas un surplus fixé a priori qui impacterait le "coût total effectif" ; il est évidemment plus juste que le consommateur paye les produits et services qu'il achète pour son usage propre plutôt que le contribuable, payeur aveugle. Les cas de privatisation où le coût total pour le consommateur s'est accru s'expliquent économiquement (privatisation "encadrée" soumise à une règlementation abusive qui empêche d'atteindre un équilibre économique ; privatisation qui succède à une gestion publique subventionnée qui aboutissait à des prix artificiellement bas).
  • la logique économique est en général en opposition avec l'intérêt général. La nationalisation permet d'imposer un traitement égal pour tous les citoyens (eau, téléphone, poste, électricité, routes, train, …) : l'intérêt général est une pure fiction au nom de laquelle certains contribuables payent pour les autres, c'est la justification du collectivisme ; le traitement soi-disant "égal" suppose que l'on vole les uns au profit des autres (voir égalitarisme).
  • les entreprises ont pris l'habitude de nationaliser leurs pertes et de privatiser leurs profits : la nationalisation permet d'éviter ce jeu de dupe : les libéraux, au nom du principe de responsabilité, sont contre la "nationalisation des pertes", qui est réalisée par des politiciens cherchant à complaire à leur clientèle en sauvant les "canards boiteux" de l'économie. L'argument peut d'ailleurs être retourné quand on constate que sont privatisés des services déficitaires qui seront renationalisés quand ils redeviennent rentables, fût-ce au prix d'une forte augmentation des coûts, imputée seulement au privé (exemple des réseaux d'eau potable en France).
  • lorsque, dans un domaine, le monopole guette, la nationalisation est le seul moyen d'éviter un pouvoir exorbitant au seul profit de quelques-uns : quand un monopole est aux mains de l'État (pouvoir exorbitant de par la loi du plus fort), nul peut y échapper, quand il est aux mains d'une entreprise privée, n'importe qui peut venir en concurrence pour peu que l'État n'ait pas fermé le marché par une décision autoritaire.
  • Variante de la précédente : La théorie du monopole naturel explique que certaines activités tendant naturellement vers une situation de monopole (réseaux électriques, téléphoniques…) : le coût marginal de production ne cesse de décroître (du fait de l'existence des coûts fixes), cela grève la compétitivité de l'entreprise disposant des parts de marché les moins importantes ; on aboutit à la conception d'un monopole, qualifié pour cette raison de naturel, qui est le pur résultat de la logique de marché. Une fois en situation de monopole, le comportement rationnel de la firme est de fixer un prix largement supérieur au coût marginal. Privatiser une telle entreprise n'est alors pas dans l'intérêt général puisqu'elle peut pratiquer des prix arbitrairement élevés. Cet argument est admis par certains libéraux, mais refusé par d'autres. C'est entre autres l'argument en faveur du "service public à la française" : voir monopole naturel.

La privatisation des rues

Même si ce sujet n'est pas une de leurs priorités, les libertariens militent pour la privatisation des rues. Bertrand Lemennicier relève les inconvénients de la rue "propriété publique" (c'est-à-dire propriété de personne) : davantage d'accidents, de criminalité, d'encombrements et de pollution, irresponsabilité du "propriétaire collectif" contre lequel les victimes ne peuvent jamais se retourner. Il fait observer que la privatisation des rues n'a rien d'utopique : 3% des rues de Paris sont privées, et il existe même dans le monde plusieurs villes privées (Reston en Virginie, Sandy Springs et Braselton en Géorgie, Irvine, Lakewood et Nipton en Californie, Sun City en Arizona, Magarpatta ou Gurgaon en Inde, etc.).
Walter Block a consacré un livre au sujet (Privatization of Roads and Highways, 2009) : il y développe les mêmes arguments : rentabilité, meilleure sécurité.

La privatisation révolutionnaire

Pour les libertariens (par exemple Murray Rothbard, Confiscation and the Homestead principle, The Libertarian Forum, June 15, 1969), tous les biens publics sont financés par la violence (l'impôt) et doivent être rendus au secteur privé :
Le libertarien voit l'État comme un gigantesque gang de criminels organisés, qui vivent de ce type de vol appelé « fiscalité », dont ils utilisent le produit pour tuer, asservir et malmener le peuple. Par conséquent, toute propriété aux mains de l’État est entre les mains de voleurs, et doit être libérée le plus rapidement possible. Toute personne ou groupe qui libère ces biens de l'emprise de l'État, qui les confisque ou se les approprie, effectue un acte vertueux et rend un service significatif à la cause de la liberté. (Murray Rothbard)
De cette façon, Rothbard semble encourager une forme de "prise au tas" anarchiste. Il propose aussi, de façon plus constructive, les actions suivantes :
  • application du principe du homesteading : les biens publics deviennent la propriété de ceux qui y travaillent ou qui les utilisent (les entreprises publiques à leurs employés, les universités publiques aux étudiants, etc.) ; c'est la méthode la plus fréquemment employée (programme de "désocialisation" des biens publics lancé dans la Yougoslavie de Tito en 1952, programme "Right to Buy" de Margaret Thatcher encourageant les locataires du parc social à racheter leurs logements, etc.)
  • attribution des biens publics aux contribuables en proportion des impôts payés.
Les autres possibilités sont les suivantes[1] :
  • retrouver les propriétaires originels ou leurs héritiers pour opérer une restitution des biens volés par l’État ;
  • vente aux enchères, mise en vente par des agences privées ;
  • mise en état de non-propriété des terres vierges, mises à la disposition de qui veut les travailler.
  • privatisation par initiative populaire pour les habitants intéressés à acquérir des biens étatiques
Hans-Hermann Hoppe (Democracy - The God That Failed) préconise de privatiser en respectant l'ordre suivant :
  • les héritiers des biens étatisés, s'ils existent et s'ils sont connus, ont priorité pour recouvrer la propriété dont ils ont été spoliés ;
  • le contribuable devient propriétaire des biens publics à proportion des impôts payés[2] ;
  • le homesteading s'applique aux terrains publics inoccupés.

Les fausses privatisations

On appelle souvent "privatisation" ce qui n'est qu'une déréglementation partielle ou une concession très encadrée (par exemple, les chemins de fer au Royaume Uni, ou les compagnies électriques aux États-Unis). On a alors beau jeu de démontrer l'"échec" des privatisations, alors que la libéralisation n'est pas totale, que l'État continue de règlementer le marché (au nom de l'"intérêt général" et pour "éviter les abus") et l'empêche de trouver son équilibre (exemple de l'électricité en Californie). C'est comme si l'on vous obligeait à courir le 100 mètres avec un boulet aux pieds et qu'ensuite on vous reproche de ne pas être compétitif...
En France on appelle également "privatisation" une mise sur le marché partielle, l'État gardant la majorité absolue !
Les privatisations menées en général, surtout ces dernières années, n'ont concerné que la distribution, pas les réseaux. Autrement dit, les sociétés gestionnaires ne sont partout que des concessions. Quand il y a une société privée dans le jeu, elle n'est chargée QUE de la distribution. Le réseau et les ressources sont publics, donc personne ne se soucie de la moindre économie.
Le problème est analogue pour l'exploitation outrancière de certaines forêts dans le monde.
Pour les libéraux, il est nécessaire de TOUT privatiser et de TOUT libéraliser, et non de se défaire de certaines activités pour des raisons budgétaires.
Concernant la "privatisation" des autoroutes en France, il ne s'agit en fait que de la privatisation de l'exploitation. Le réseau reste propriété de l'État et ce dernier fixe les règles dans le cahier des charges de l'exploitation. Donc, pour les sociétés sur les rangs, le but sera de prendre un maximum de rente pendant le laps de temps imparti, et de faire le moins possible d'entretien et de développement.
On a pu constater l'échec de ces pseudo privatisations sous contrôle étatique avec l'exemple de l'électricité californienne.
Les libéraux sont donc contre ces privatisations — les actuelles.
Du reste, le terme de « privatisation » ne représente pas grand intérêt (d'ailleurs, tout n'est pas « privatisable », par exemple les activités nuisibles ou illégitimes : les douanes ou le fisc). Pensons encore à la volonté de privatiser le pétrole irakien au bénéfice d'une certaine compagnie américaine…
Ce que les libéraux défendent et expliquent, c'est l'intérêt des libéralisations de tel ou tel secteur. "Privé" ne porte en soit rien de valorisant - le crime privé, cela existe aussi.

La privatisation : Une condition nécessaire mais pas suffisante

La privatisation est une condition nécessaire mais pas suffisante. Il ne suffit pas de privatiser pour libéraliser les domaines économiques et sociaux. Il faut s'orienter vers la mise en concurrence des entreprises privatisées. Le principe de la mise en concurrence est inséparable de celui de la privatisation, car le consommateur ne gagne rien à ce qu'un monopole public soit remplacé par un monopole privé. Une entreprise ou une organisation sociale totalement privatisée et en situation de monopole se comportera comme si elle était encore un organisme étatique.
En France, un bon exemple de cette situation est fourni par les URSSAF, organismes de sécurité sociale qui sont de droit privé, mais s'arrogent le monopole de fait du recouvrement des cotisations sociales, avec la complicité des hommes politiques, en dépit des directives européennes qui impliquent l'abrogation du monopole de la Sécurité Sociale.


Désétatisation

De Wikiberal
 
La désétatisation est une mesure économique qui vise à un désengagement de l’État de l’activité économique. La désétatisation est une mesure qui est notamment défendue par le courant des économistes de l’offre qui considèrent que l’État, par son intervention dans la sphère économique, vient, en particulier, augmenter les rigidités de l’offre.
La désétatisation fut notamment appliquée par M. Thatcher en Angleterre et R. Reagan aux États-Unis.
Ce terme est plus juste que celui de privatisation, tout comme le terme d'étatisation est plus juste que celui de nationalisation.

 

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