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août 09, 2017

Une France en échec, sans courage, 200% Étatique, 0% Libre !!

Ce site n'est plus sur FB (blacklisté sans motif), alors n'hésitez pas à le diffuser au sein de différents groupes ( notamment ou j'en étais l'administrateur), comme sur vos propres murs respectifs. 
D'avance merci. 

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...

Merci de vos lectures, et de vos analyses. 
Librement vôtre - Faisons ensemble la liberté, la Liberté fera le reste. 
Al,




Sommaire:

A) "Le logiciel France est en mode échec!" - Xavier Guilhou - XAG consulting

B) " La chute du mur de Bruxelles "- Xavier Guilhou - XAG consulting

C) L’enfant sans père - Jacques Garello - ALEPS




  




A) "Le logiciel France est en mode échec!"

Dans un contexte global de redéfinition des leaderships à grande échelle, et aussi à très grande vitesse, la France se singularise par une crise de régime, une crise institutionnelle et une crise sociétale majeure sur fond de récession économique et de montée historique du chômage. Nous avons l’impression de renouer avec les années 1935-39 où le même type de gouvernance s’est employé à ruiner la IIIème République, à affaiblir le pays en divisant les opinions, à réduire ses capacités de défense tout en donnant l’illusion, derrière sa ligne Maginot, d’avoir l’armée la plus redoutée d’Europe.... Nous connaissons la suite et il règne la même impression très désagréable de fuite en avant et d’incompétence que celles qui nous ont amenés à cette « étrange défaite » en 1940. Au-delà ce constat et cette intuition, il règne un climat malsain et délétère de fractalisation de la société qui devient très dangereux. Cela peut nous mener sur des cinétiques violentes sur le plan sociétal, dont seuls les français ont le secret. 

Depuis plusieurs années, et de façon plus flagrante avec le changement de majorité, pour satisfaire une politique sans stratégie mais dominée par des réseaux, des apparatchiks, des lobbies, similaires à ceux des « bouilleurs de crues »1, la France s’est enfoncée dans un processus de désacralisation du pouvoir, de décribilisation de la République et de déni de démocratie. La « normalité » du Président de la République, le niveau de corruption, voire de mensonge d’Etat qui règne au plus haut niveau de l’exécutif, les multiples scandales administratifs, judiciaires et financiers, la présomption de mensonge permanent et de manipulation des opinion, tous ces éléments à charge accumulés depuis des années, jamais traités sur le fond, mal gérés sur la forme, contribuent à dégrader cette relation Etat- nation qui est en France historiquement très fragile et toujours très sensible depuis Richelieu.



1 Voir l’excellente synthèse faite par Jean Garrigues, historien, spécialiste d’histoire politique, qui enseigne à l’université d’Orléans, dans La France de la Ve République 1958-2008 (Armand Colin, 2008) au chapitre « groupes de pression »
http://www.adels.org/territoires/PDFArticlesDuMois/Territoires520ArticleHorsDossier.pdf
  
Ce lien est en train d’éclater une fois de plus. La défiance envers les élites est désormais considérable avec un pouvoir qui ne rassemble plus que 25% de support dans l’opinion2... 62% des français consultés considèrent que le Président actuellement en place est « incompétent »3... Avec de tels niveaux d’alertes, n’importe quel conseil d’administration d’entreprise aurait déjà changé l’exécutif pour ne pas subir une faillite annoncée ! La perte de confiance dans tous les niveaux de gouvernance est l’élément dimensionnant de la crise française. Les niveaux de colère et de déception qui commencent à s’exprimer massivement, et avec une multiplicité de modes d’action sur le terrain, révèlent un niveau historique de rejet des dirigeants du pays, qu’ils soient politiques ou économiques, par une très grande partie de la population. 

Certes, l’encadrement supérieur des administrations et des entreprises n’est pas très sensible à cette rupture sociétale et il n’est pas certain que ces élites comprennent ce qui se passe réellement dans le pays. Depuis trente ans, cette couche très marginale, mais aussi très parisienne, s’est éloignée du destin de la France qu’elle amalgame à celui de la mondialisation. Elle est bercée par la financiarisation de l’économie et est devenue au fil du temps autiste du fait de son niveau de confort et d’enrichissement, non pas par le travail, mais par le fruit de multiples spéculations mobilières et immobilières. Elle a perdu progressivement le sens des réalités et est devenue indifférente à la dégradation globale de la situation sociale et économique. Pire, elle est soumise et résignée à un mode de pensée qu’elle ne maîtrise pas. 

Pour le reste de la population, notamment pour le milieu et le bas des classes moyennes, la situation est inverse. Ces catégories ont cru pendant longtemps aux sirènes de l’ascenseur social, au mythe de l’enrichissement facile grâce à l’endettement et aux stratégies d’effet de levier portées par le monde bancaire et financier, à l’illusion d’une société de loisirs et de consumérisme... Mais depuis quelques années, ces populations sont confrontées aux effets pervers des délocalisations, de la désindustrialisation, du chômage de masse, de la perte de pouvoir d’achat4, de l’endettement, des hausses d’impôt et beaucoup plus grave à l’absence d’avenir, surtout pour leurs enfants. Ces classes moyennes commencent à comprendre depuis quelques temps que la crise de modèle dans laquelle l’Occident est entrée depuis 2006/2008 est durable, mais particulièrement impitoyable pour les faibles, et beaucoup trop indulgente pour les incompétents. La défiance actuelle est assise sur un sentiment profond d’iniquité et d’injustice. 

2 http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/04/21/hollande-perd-six-points-de-popularite-record-des-mecontents_3163593_823448.html
3 http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE93A08720130411
4http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/03/27/une-baisse-historique-du-pouvoir-d-achat_3148535_823448.html 


La situation française dans le paysage international est singulière mais surtout très dangereuse5. Certes, le pouvoir peut faire des pirouettes de communication pour donner l’impression qu’il maîtrise la situation avec une guerre de raid contre 300 djhadistes dans le désert pour détourner le focus médiatique et éviter de prendre en compte la population qui descend dans la rue par centaines de milliers... C’est un biais classique en politique, mais qui n’a fait qu’enkyster les problèmes de fond sur le plan sociétal et ce quelles que soient la nécessité et la légitimité de cette opération militaire sur le fond... Stigmatiser la menace extérieure, avec une instrumentalisation très facile de la germanophobie qui monte dans tous les pays latins, est là aussi un peu facile et léger, surtout quand on connait l’état actuel des finances publiques, de la balance commerciale et le niveau d’endettement du pays... Ouvrir sans discernement nos frontières à certains investisseurs chinois, indiens, qataris pour renflouer tant bien que mal les caisses de l’Etat, ou faire reprendre des passifs pourris de banques ou d’entreprises condamnées par trente ans de perte de compétitivité est là aussi pour le moins suicidaire à terme pour notre souveraineté... 

Actuellement, le pouvoir n’est plus respecté et respectable tant pour la population française que pour l’extérieur. Son mépris du débat, les multiples dénis de démocratie, les trop nombreuses affaires de corruption, l’impunité des courtisans et, surtout, la récurrence permanente du mensonge font qu’il est devenu irrecevable à l’intérieur du pays et méprisé à l’extérieur. Tout ceci est explosif, car les français, qui sont très schizophréniques sur le plan électoral, sont éruptifs quand il y a désacralisation du pouvoir, trahison des clercs, et iniquité de traitement. Les français vont aux urnes en votant la plupart du temps « contre », car ils savent qu’il n’y a pas dans ce pays de véritable contrat social, qu’il n’y a pas de fiabilité fiscale et qu’il n’y a pas de parole politique. Le référendum dans cette pratique infantile de la démocratie est toujours l’occasion de dire « non » à la question posée ! Et comme le suffrage universel est toujours biaisé, il arrive un moment où la situation devient insupportable, surtout lorsque les lobbies gouvernent, que le gouvernement se réunit mais ne décide plus et que le chef de l’Etat n’incarne plus une vision collective. Dans ce cas de figure, le français redevient un « animal politique » redoutable ! Si dans le monde entier on ne retient de l’histoire de France que ses épisodes révolutionnaires, pas toujours très heureux, ce n’est pas fortuit. Beaucoup aujourd’hui dans le monde observent la « cocote minute » française avec une certaine inquiétude tant cette alchimie du peuple et de son souverain est imprévisible...pour le meilleur, mais aussi pour le pire !

5 Cf. Le livre que j’ai écrit juste avant la crise en février 2007, Quand la France réagira..., Chez Eyrolles. 

Tous les symptômes que j’ai évoqués dans l’ouvrage apparaissent désormais au grand jour et ne font que s’amplifier: Cf. Le symptôme « argentin » avec la dette du pays qui sera de 100% du PIB fin 2013, le symptôme « yougoslave » avec la fractalisation de la relation Etat-nation, et le symptôme « libanais » avec la multiplication des zones de non droit ainsi que la radicalisation des questions communautaires et identitaires (cf. la situation à Marseille ou dans nos banlieues parisiennes). La conjugaison des trois est très dangereuse, surtout dans un contexte d’implosion politique et sociétale.

Pourquoi la situation française est-elle aussi dangereuse ? A priori, pour beaucoup nous ne représentons plus grand-chose sur le plan international. Démographiquement, nous sommes devenus un tout petit pays. Certes, économiquement, nous demeurons la 5ème puissance mondiale et avec l’Allemagne nous constituons un verrou incontournable, mais à la seule condition que le mariage de raison tienne. Par ailleurs, stratégiquement nous sommes toujours membre du conseil de sécurité de l’ONU, bien que puissance moyenne sur le plan militaire, mais encore dotée de l’arme nucléaire et de capacités de projections aéromaritimes non négligeables. Pour toutes ces raisons, même si nous sommes devenus marginaux en termes de taille, nous constituons en revanche un risque systémique majeur en cas de défaillance de notre gouvernance. 
 
Le premier risque est celui du krach interne avec une instabilité politique issue d’une multiplicité de pics de colère ingérables et insoutenables. Les évènements en cours depuis plusieurs mois, avec des millions de français dans la rue sur des questions majeures de sociétés, ne peuvent plus être considérés comme nuls et non advenus comme le font certains chroniqueurs ou politiciens. Le déni et le mépris qui sont pratiqués par le pouvoir actuellement ne constituent pas une bonne stratégie. La spirale actuelle peut nous emmener très rapidement, si elle n’est pas contenue et pilotée, dans un chaos politique durable, brutal et ingérable avec des scénarios que même les italiens ne connaissent pas ...

 Le deuxième risque est celui d’un divorce avec l’Allemagne, d’un éclatement brutal de l’Euro et de la fin de l’Union européenne. Personne n’y croit alors que ce scénario n’a jamais été aussi flagrant et imminent. Les conséquences en termes d’ondes de choc et d’impacts stratégiques au niveau mondial sont pour le moment inimaginables. Elles seront supérieures à une crise au Proche-Orient car elles remettront en cause le peu qui reste des architectures de sécurité internationale issue de Yalta et révèleront surtout les fragilités monétaires et financières du traitement de la crise au niveau international depuis 2008. Dans les faits, personne n’a intérêt à un tel krach, mais l’inconcevable n’est pas impensable...  

Le troisième risque est collatéral au sein du monde latin et, du fait de toutes nos relations politiques, démographiques et économiques, avec le monde arabo-africain. Là aussi, nous ne pouvons pas imaginer ce que pourraient être les conséquences d’une implosion de notre gouvernance interne et conjointe à celle du système européen dans cette relation nord- sud qui est actuellement très instable notamment sur le plan identitaire et sécuritaire. 

Par ailleurs, sur le plan géopolitique, nous entrons dans un calendrier très tendu avec les élections iraniennes en juin et allemandes en septembre. Ces deux rendez-vous vont conditionner la stabilité des plaques régionales moyen-orientales et européennes. Pour leur part, les rivages de la Méditerranée sont actuellement au cœur des crises les plus délicates que nous ayons à gérer au niveau mondial. Au nord, les logiques fratricides entre peuples latins et peuples du Saint-empire romain germanique reprennent toute leur place. Cela se traduit par un exil fiscal pour ceux qui veulent se protéger des implosions de système mais aussi par la fuite des cerveaux et des jeunes qui veulent trouver un avenir. A court terme, c’est aussi le signal de la déliquescence du rêve européen et le compte à rebours de l’éclatement de la zone euro. Au sud, derrière les printemps arabes, les logiques frontales entre les différentes voies de l’Islam s’affirment désormais de façon explicite, reléguant les constructions Etat-nation ou les épisodes nationalistes aux rebus de l’histoire. Cela se traduit par un exil politique pour des millions de personnes qui fuient la montée d’un islamisme qui ne masque plus sa radicalisation. A l’est, la zone du Proche et Moyen-Orient s’enfonce dans de multiples guerres civiles qui consacrent définitivement la déconstruction du tracé des frontières issues des accords Sykes-Picot, ainsi que l’échec des gesticulations occidentales. La fragmentation en cours des souverainetés syriennes et irakiennes, l’instrumentalisation et les menaces qui pèsent sur les minorités chrétiennes d’Orient comme sur les kurdes, les risques d’instabilité du royaume de Jordanie et les surenchères des monarchies de la péninsule arabique face aux pressions chiites, avec en toile de fond un désengagement discret mais de plus en pesant des américains au profit du Pacifique, sont des signaux annonciateurs de profonds changements de paradigmes dans les équilibres mondiaux. Au milieu de tout ce maelstrom de crises très hétérogènes, nous avons avec Chypre, le Liban et Israël de véritables laboratoires des nouveaux rapports de force qui s’installent durablement entre les uns et les autres sur ces rivages turbulents. 
 
Les implosions de société qui sont en cours vont dominer durablement cet espace régional avec des risques financiers, sociaux et identitaires qui ne pourront pas être résolus par de simples opérations de communication politique ou par des bricolages populistes. Tout ceci pose la question fondamentale de l’avenir de la démocratie pour nos vieux pays européens, de la robustesse de notre Vème république, surtout quand les institutions sont dénaturées par une forme de despotisme technocratique et quand le politique au sens noble du terme s’est dissout dans le cirque médiatique. Cela pose aussi la question de notre place à terme dans le concert des nations lorsque sur le Pacifique nord, loin de nos rivages méditerranéens, s’expriment d’autres grands jeux qui structurent ce XXIème siècle avec des acteurs qui se moquent de nos tribulations excentriques d’enfants gâtés du bout du monde... Il suffit d’observer ce qui se passe en mer de Chine, au Japon avec l’arrivée de Shinzo Abe qui rallume les tensions nationalistes, entre les deux Corées, dans les pays de l’ASEAN qui sont devenus la première zone de libre échange au monde pour comprendre que notre sort ne dépend plus que de nous-mêmes. Nous ne bénéficions plus de parapluies stratégiques pour nous protéger et nous accompagner et nous ne pouvons plus cacher nos défaillances de gouvernance avec Internet qui charrie instantanément sur tous les écrans du monde la moindre faute, le moindre mensonge. 

La crise que nous devons affronter n’est pas uniquement technique avec la question de la transition énergétique et l’émergence d’une nouvelle révolution industrielle, elle n’est pas seulement financière et économique avec la question du règlement des dettes et de la relation de la croissance. Pour la France, elle est devenue civilisationnelle ! Elle nous interpelle sur nos valeurs, nos croyances, nos principes de vie, sur ce que nous voulons ou ne voulons pas devenir. Tout ceci suppose d’avoir quelque part une volonté ! Certes, là où il y a une volonté il y a un chemin ! Mais c’est bien parce qu’il n’y a plus de volonté mais un abandon de pouvoir et une cruelle absence de vision que nous avons l’impression aujourd’hui d’être englués dans une sorte d’impasse historique. Camus écrivait à ce propos « la société politique contemporaine est une machine à désespérer les hommes ». Et Julien Green dans son journal d’affirmer « Il faut sauver l'espérance. C'est le grand problème de ce siècle ! ». Là est la question majeure de la crise française et c’est là que se trouve la racine de cette « erreur 404 »6 qui est signifiée par cette photo emblématique de ce jeune français avec son masque larmoyant des « anonymous ». C’est cette erreur de protocole qui met aujourd’hui notre logiciel Etat-nation en mode échec ! Il n’y a plus de véritables responsables à l’adresse requise ...
Nous croyons qu’il suffit de jouer avec la boîte à outils bureaucratique pour avoir un peu d’espoir de croissance... Nous croyons qu’avec un peu d’inflation ou d’austérité nous allons remédier aux auto- blocages actuels... Mais cette boîte à outils des techniciens ou experts, voire imposteurs, de la macro ou de la micro économie, qui alimentent nos modes de représentations du réel, n’est plus en mesure de répondre à la crise de modèle et de sens que nous traversons! C’est sur le champ beaucoup plus profond et exigeant de l’espérance que nous retrouverons la foi dans l’avenir, mais aussi dans l’homme et dans un nouveau projet de société et de gouvernance plus équitable et juste. Face à la montée des tensions sociétales et à la mise en faillite de notre modèle de société il n’est pas interdit de méditer cette phrase d’Euripide : « L'homme de cœur est celui qui se fie jusqu'au bout à l'espérance. Désespérer, c'est lâcheté !» Cette citation est particulièrement d’actualité, elle nous interpelle sur notre courage et sur notre sens réel de la liberté et de la démocratie.

Xavier Guilhou






B) " La chute du mur de Bruxelles "


« Messieurs les Anglais, tirez les premiers ! » La première salve a mis à terre les premières lignes de l'article 50 du traité de l'UE, à la grande surprise des pays européens qui ne croyaient pas que le Royaume-Uni oserait, une fois de plus. C'est méconnaître les Britanniques dont la devise de leurs unités d'élite, les fameux SAS, est, ne l'oublions pas, « Qui ose gagne ! ». L'Union européenne vient juste de perdre l’adhésion de la 5ème place financière et de la 8ème puissance au monde1 ainsi que 15 % de son budget, anecdote de l'Histoire. En fait, nous commençons à assister avec le résultat cinglant de ce référendum à une nouvelle chute d'un mur, celui de Bruxelles ! 

Tout les chroniqueurs commentent les effets possibles, cherchent les causes, s’agitent autour du désarroi des politiciens de tous bords qui n’ont pour la plupart rien anticipé, persuadés que les Britanniques resteraient « raisonnables »... Bien entendu, tout est de la faute de David Cameron, de la trahison de ces vieux « égoïstes » qui ont voté contre ces pauvres jeunes « cosmopolites », de l’instrumentalisation de l’immigration par les partisans du « Leave » et bien entendu de ce monstre orwellien qu’est devenue la technocratie bruxelloise. Tous ces fautifs sont devenus en quelques heures les nouveaux boucs émissaires à sacrifier sur l’autel de l’Histoire afin d’exorciser cette « étrange défaite »2 des élites européennes. Ces dernières se sont bunkerisées dans une vision uniquement économique du référendum alors que la question posée est existentielle et politique. Elles étaient tout simplement « hors sujet », une fois de plus. De fait, l’état de confusion qui transparait sur les ondes au lendemain de ce séisme démocratique révèle non seulement l’état de surprise de nos décideurs mais surtout l’absence sidérale de stratégie. Pour autant, quels que soient les constats que nous pouvons faire et les développements à venir, que signifie sur le fond ce Brexit? 

De quoi s'agit-il?
En fait il n’y a rien de vraiment surprenant3. Nous ne sommes que dans la continuité de ce processus de déconstruction, auquel nous assistons passivement depuis 30 ans, de tous les protocoles qui ont permis à notre monde occidental de concentrer les facteurs de pouvoir et de puissance depuis plusieurs siècles4. Les cadres mis en place au fur et à mesure de tous nos accidents historiques : traités de Vienne, de Versailles et de Yalta sont désormais tous en logique de défaisance tant en termes d'autorité et de légitimité que de crédibilité. Derrière la chute du mur de Berlin, les peuples de l’Europe de l’Est, fortement soutenus par l’Ostpolitik d’Helmut Khôl et la « guerre des étoiles » de Ronald Reagan, ont provoqué la fin du communisme et la désintégration de l’URSS. Avec la chute du mur de Bruxelles, qui ne fait que commencer, les peuples de l’Europe de l’Ouest, sous la pression de la crise financière et des flux migratoires provoquent la fin de l’ultralibéralisme et la désintégration de l’Union européenne. Nous assistons juste à la mort des deux protocoles, déclinaisons de ces deux grandes idéologies de masse du siècle dernier que sont le capitalisme et le communisme, incarnées par les deux grands empires que furent les Etats-Unis et l’Union soviétique, dont la toute puissance s’est affirmée sur les cendres de nos guerres fratricides en Europe. De la même façon, nous assistons sur le Proche et Moyen-Orient à la fin des accords Sykes-Picot comme à ceux du pacte du Quincy, qui furent les avenants des traités de Versailles et de Yalta, avec en contrepartie le retour des empires centraux... 

1 Le Royaume-Uni avec un PIB de 3 000 milliards en 2016 est classé à la 8ème position en termes de parité de pouvoir d’achat et à la 5ème position en termes de PIB nominal, soit un PIN par habitant de 47 200 $.
Cf. http://www.lemoci.com/fiche-pays/royaume-uni
2 Relire à cet effet « L’étrange défaite » de Marc Bloch
3 Cf. Edito de Xavier Guilhou – septembre 2015 « L’Europe est morte... Vive l’Europe ! » http://www.xavierguilhou.com/Clients/Guilhou/site_xavier.nsf/Libs/PDF.img/$FILE/L-Europe-est-morte.pdf
4 Cf. « Qu’est-ce qui nous arrive ? Peut-on encore choisir notre avenir ?
» Réflexions à plusieurs mains avec et sous la direction de Mac Halévy. Editions Laurence Massaro juin 2016.

L’Union européenne, qui est née de cette stratégie d’indivision mise en place par les alliés derrière les accords de Yalta pour empêcher l’Allemagne de redevenir un empire central, ne pouvait pas survivre à la chute du mur et à la réunification. Ce n’était qu’une question de temps. Les circuits financiers ont cru avec la chute du communisme que leurs stratégies avaient vaincu le « mal » à coup de dollars, de dettes et de bulles spéculatives. Persuadés qu’il n’y avait pas d’autre modèle viable et durable que le seul libéralisme économique, ils ont provoqué par leur vanité et leur cupidité la désintégration du modèle démocratique européen en moins de deux décennies. Le Brexit n’est que la résultante de la désanctuarisation de l’Occident au travers de la mondialisation, de l’ouverture des frontières et de la montée des flux migratoires, ainsi que des excès provoqués par les dérégulations et la financiarisation de nos économies. La chute de Lehmann Brothers peut être considérée, au même titre que le fut le retrait de l’armée soviétique d’Afghanistan en 1988, comme le second signal annonciateur de la mort de ces stratégies périphériques qui ont contenu l’Europe, certes dans l’opulence pendant 70 ans, mais dans une impuissance dangereuse et insoutenable face aux nouvelles réalités mondiales. 

Contrairement aux affirmations des politiques et des éditorialistes, les peuples ne sont pas idiots. Ils peuvent avoir des intuitions salvatrices. Ce n’est pas parce qu’ils ne votent pas comme le souhaiteraient les élites au pouvoir qu’ils ne doivent pas être entendus et respectés. Le risque de dénaturer, voire de neutraliser, le peu de démocratie qui demeure encore actuellement dans nos pays n’a jamais été aussi fort tant au sein des synarchies qui contrôlent les rouages de l’Union européenne que des collectifs ou partis populistes qui surfent sur l’instabilité des convulsions politiques et sociétales que nous commençons à connaître. Nous vivons juste le début de la fin du « plus jamais ça » et le retour de l’imperium allemand sur le continent européen. Pour les Anglais, cette domination qui s’exprime en grande partie au travers des réglementations et contrôles imposés par Bruxelles, est tout simplement insoutenable sur le plan existentiel et stratégique. C’est historique et génétique : le Royaume-Uni, qui a la nostalgie de l’Empire, ne peut admettre d’être le vassal de l’Allemagne, sous prétexte d’être européen. C’est bien pour cela qu’il n’a jamais souscrit à l’Euro. Angela Merkel et surtout Wolfgang Schäuble ont parfaitement compris le message. 

De fait, les Anglais préfèrent revenir aux bases du souverainisme et au vieux bilatéralisme plutôt que de se laisser enfermer dans un pseudo fédéralisme qui n’en n’est pas un. Ce n’est pas le choix des Français qui préfèrent une forme de subordination passive afin de pouvoir couvrir les chèques sans provision de leurs dirigeants qui partent toujours du principe, comme l’avait affirmé Clemenceau au moment des « réparations », que « l’Allemagne paiera ! ». Les Anglais n’ont jamais oublié que l’infantilisme politique des Français face à l’imaginaire dominant allemand a toujours mené l’Europe à la guerre. C’est pour éviter cela, pour travailler la résilience et faire émerger une nouvelle maturité politique de part et d’autre du Rhin, que le traité de l’Elysée a été conçu par les membres fondateurs de l’Union européenne. Mais c’est parce que sur le fond la substance de cette relation franco- allemande s’est progressivement vidée de sa substance que le Brexit a pris cette dimension sismique, au grand étonnement des élites européennes qui vivent dans leurs bulles technocratiques et médiatiques. Ces dernières n’ont pas perçu le décrochage des opinions et les peurs séculaires des peuples qui n’ont rien oublié des convulsions fratricides de ce vieux continent et son potentiel en termes de répliques mortifères. Pourtant tout est là pour rappeler aux peuples la fragilité de leur état entre les commémorations permanentes et les bruits de bottes à seulement deux heures de nos capitales dans les Balkans, sur la Mer noire, sur les rivages de la Méditerranée ou sur la Baltique. 

Quel jeu d’acteurs ?
Il est très plaisant d’observer les politiques déclamer avec beaucoup d’assurance « il nous faut une autre Europe », « il faut inventer une nouvelle Europe », « il faut de nouvelles institutions à l’Europe », comme si notre vieux continent était un sujet fini, homogène et stable. Tous ceux qui ont travaillé sur cet espace savent qu’il n’en n’est rien. Au contraire, c’est sûrement l’espace-temps le plus complexe à gérer sur le plan économique et le plus difficile à piloter sur le plan politique tant la diversité des cultures, des histoires, des peuples est dense et éclatée sur le terrain. De fait, les jeux d’acteurs ne peuvent être simplifiés en observant le seul fonctionnement de l’Union européenne qui ne reste qu’une vitrine virtuelle, les décisions se prenant ailleurs. Il suffit de fréquenter les couloirs de Bruxelles, notamment ceux de la Commission avec ses jeux de lobbies qui dominent en arrière plan chaque négociation, pour comprendre la réalité et la complexité des niveaux d’affrontements intergouvernementaux et surtout l’importance des stratégies nationales, voire régionales, dans ce maelstrom de 27 nations, dont les intérêts particuliers sont de plus en plus supérieurs aux intérêts généraux. Il suffit de suivre les confrontations au cours de ces derniers mois sur l’immigration et sur la non gestion de l’espace Schengen tant sur les rives de la Manche, les rivages de la Méditerranée que sur les marches des pays du groupe de Višegrad, pour avoir une illustration souvent consternante de ces réalités... L’Allemagne n’est pas la dernière à montrer l’exemple sur ces sujets avec sa stratégie unilatérale et sans concessions qui va bien au-delà la question de l’encadrement des déficits budgétaires et les politiques d’austérité tant décriés notamment par les Français... 

Dans ce jeu d’acteurs, le Royaume-Uni est maître de l’agenda et piège le vieux continent. Puisqu’il souhaite redevenir souverain, il n’a pas d’autres choix que de privilégier en premier lieu sa stabilité politique interne et de contenir les pulsions de séparatismes manifestées par l’Ecosse et l’Irlande du nord. L’UE attendra que les partis anglais aient d’abord redéfini leur mode de fonctionnement et que le pays puisse retrouver sa robustesse légendaire. Contrairement à ce que pensent les chroniqueurs, le Royaume-Uni est en position de force. L’Allemagne n’a pas d’autre choix que de patienter, la France n’a pas d’autre issue que de s’agiter, l’Italie n’a pas d’autre voie que de se préparer à une crise majeure. Ces trois pays fondateurs sont de plus contraints par leurs propres agendas électoraux avec des dirigeants qui sont en perte de crédibilité et de légitimité tant au sein de leurs majorités que vis-à-vis de leurs électeurs. Ils ne peuvent même pas bénéficier du support de leur principal allié qui est lui même engagé dans une bataille électorale peu banale pour la fin 2016 avec le duel Trump / Clinton. Ces convergences d’agendas électoraux ne peuvent que faire le jeu des Anglais ! 

En marge de ces jeux de majors, les « petits pays » peuvent surprendre à l’instar de ce qui s’est passé lors de la chute du mur de Berlin. N’oublions pas qu’au-delà la dissolution de la RDA, il y a eu la décomposition de la Tchécoslovaquie en deux pays, la sortie très rapide de la Hongrie du PAVA, puis des pays baltes, ainsi que l’implosion de l’ex Yougoslavie, le tout en quelques mois... Beaucoup pensent que cet effet domino n’est pas possible au sein de l’UE, que la comparaison n’est pas transposable à l’onde de choc du Brexit et que finalement les conséquences seront mieux contenues et maîtrisées car l’Europe est beaucoup plus puissante économiquement que ne l’était l’URSS... Pourquoi pas, les Soviétiques raisonnaient de la même façon, ils étaient persuadés que l’Armée rouge était toute puissante et que personne ne pourrait la défier sur leur espace vital. Au moment de la chute du mur, les dirigeants se sont réunis pour tenter de montrer un front uni, mais ils sont restés atones, contemplant le jeu de domino qui se déroulait sous leurs yeux impuissants. De même, ils ont vu émerger des dirigeants qui étaient inconnus. Il serait peut-être intéressant et prudent de suivre ce que vont faire des pays comme les Pays-Bas, l’Espagne toujours ingouvernable avec un risque de fractalisation régionale, et de façon peut-être inattendue, les pays du groupe de Visegrad ainsi que les pays de la Baltique qui ne partagent absolument pas les postures dominatrices des majors de cette crise. N’oublions pas par ailleurs que la Grèce reste en embuscade et qu’elle pourrait de nouveau relancer une sortie de l’Euro, voire de l’UE, du fait de l’intransigeance de ses créanciers, le passage des échéances de juin ayant été de nouveau très critique... 

Enfin, ne perdons pas de vue, au-delà les jeux internes au sein de l’UE, ce qui se joue sur la périphérie de l’Europe. Le Brexit ne peut que favoriser les postures d’affirmation des puissances centrales sur la Méditerranée orientale (Russie, Turquie, Iran), surtout avec le repositionnement américain, engagé par l’administration Obama, qui est en cours sur le Proche et Moyen orient5. Il ne peut que donner également des idées aux Asiatiques (Chine, Japon, Corée) afin de récupérer au moindre coût nos actifs ou territoires stratégiques fragilisés par les divisions. Nous pouvons leur faire confiance pour savoir utiliser les fenêtres d’opportunité générées par notre absence de stratégie, nos indécisions et notre impuissance. Il suffit de suivre les réunions qui se succèdent à Bruxelles avec désormais les 28 moins un de l’UE pour se rappeler cette phrase de Sénèque résumant ainsi l’effondrement de l’empire romain : « Le Sénat se réunissait mais ne décidait plus ». Les marchés ne s’y trompent pas avec l’équivalent de deux fois la valeur du PIB français détruit en 48h et l’intervention massive des banques centrales, d’autant que le Brexit rouvre le dossier d’une nouvelle crise bancaire mondiale avec en arrière-plan la question de l’état des dettes souveraines et des « shadow banking »6 qui pourraient s’avérer beaucoup plus critique qu’en 2008... Mais nos dirigeants n’y croient pas, à l’instar des dirigeants communistes qui ont mis du temps à comprendre que l’URSS était morte avec la chute du mur de Berlin... Il a fallu 20 ans aux Russes pour l’admettre tant les croyances étaient ancrées dans leurs cerveaux... Il est possible qu’il faudra de nouveau l’espace d’une génération pour amortir les effets de nos propres croyances qui placent les vertus du couple croissance / dette au-dessus de tous les référentiels de vie. 

Où sont les pièges ?
Le premier serait d’imaginer que les Anglais vont revenir sur leur décision, qu’ils rejoindront la rationalité des technocrates bruxellois et qu’ils feront plaisir à nos politiciens afin que ces derniers puissent brandir cette victoire à la Pyrrhus pour tenter de se faire réélire en 2017. Les Anglais ne sont pas aussi irrationnels qu’ils le laissent paraître au travers de leurs débats et postures extravagantes vis-à-vis des peuples de notre vieux continent. Tout choix commence par un renoncement. Il faut parfois savoir perdre pour mieux gagner. Désormais, pour retrouver un peu de souveraineté il y a un coût à payer. Jadis, il fallait passer par une guerre, aujourd’hui il faut juste savoir divorcer entre Etats au bon moment et avec un bon « disagio »7. Nous pouvons faire confiance à la perfide Albion pour savoir gérer ses intérêts. Elle l’a fait récemment à Hong Kong face à la Chine, elle devrait pouvoir le faire face à l’Allemagne. 

Le second serait de sous-estimer les effets dominos, collatéraux et la rapidité des effets en chaîne produits par cette crise. Lors de la chute du mur de Berlin tout le monde a été surpris par la pression des peuples pour aller vers plus de liberté et pour fuir le communisme. Il se peut que le mouvement engagé par le Brexit réveille de nouveau une forte aspiration vers plus de liberté et pour un rejet massif de l’enfermement orwellien imposé par les marchés et les technostructures ultralibérales de Bruxelles. Les signaux faibles sont présents dans tous les pays européens et il suffit de très peu de choses pour que des vagues de fond se révèlent. Après, personne ne peut augurer de ce qu’elles pourront produire. Dans les années 90, elles ont été canalisées par un Helmut Khôl visionnaire au travers l’Ostpolitik et par la reconstruction qui avait été anticipée. Actuellement, personne ne peut affirmer qu’il y a réellement une vision et un pilotage de la crise, du moins pour le moment, les Allemands restant toujours très secrets et prudents sur leurs stratégies moyen / long terme. 

5 Edito Xavier Guilhou : « Grèce, Ukraine, terrorisme, ils n’oseront pas » fév. 2015 http://www.xavierguilhou.com/Clients/Guilhou/site_xavier.nsf/Libs/PDF.img/$FILE/Ils%20n%20oseront%20pas.pdf
6 La finance de l'ombre ou shadow banking, finance fantôme ou encore système bancaire parallèle, désigne l'ensemble des activités et des acteurs contribuant au financement non bancaire de l'économie. http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/08/25/20002-20150825ARTFIG00105-shadow-banking-tout-comprendre-sur-la-finance-de-l-ombre.php
7 Disagio : terme d'origine italienne, utilisé dans le monde du trading, et désignant la différence pouvant exister entre la valeur nominale d'un bien, et sa valeur réelle.

La troisième serait de surestimer la robustesse de nos sociétés face à cette implosion du système européen. Nos gouvernances sont faibles, très faibles. Nos systèmes bancaires sont très vulnérables malgré toutes les précautions prises pour ne pas réitérer les frayeurs de 2008. Des pans entiers de notre patrimoine économique, notamment en France du fait de notre perte de compétitivité, sont « ramassés » chaque semaine par des investisseurs étrangers. Par ailleurs, les pressions sécuritaires et migratoires au sein de nos sociétés sont de plus en plus vécues comme insupportables par les populations qui ont compris que leurs espaces–temps étaient désormais totalement désanctuarisés. Le Brexit, au-delà l’éclatement de l’Union européenne, pourrait très bien générer des convulsions internes au sein de nos pays, le Royaume-Uni n’étant pas exempt de ce type de pulsions avec les séparatismes écossais et notamment irlandais, qui a alimenté encore très récemment une guerre civile très meurtrière. L’Europe a déjà connu maintes fois ce type de scénario où avant de s’affronter entre pays, les effondrements sur les champs de conviction se sont d’abord traduits par des guerres civiles dramatiques. Tous nos traités, de Westphalie à Yalta, n’ont eu de cesse d’essayer d’apaiser nos divisions et pulsions fratricides8. N’oublions pas que tous ces artifices juridiques sont très fragiles et que tous les demi-siècles ils ont été pulvérisés par les nationalismes et les totalitarismes de toute sorte chaque fois que la lâcheté l’a emporté sur la lucidité et le courage. 

Qui peut faire quoi ?
Tout le monde a bien compris que derrière les résultats du Brexit sonnait le clairon annonçant la mort du « plus jamais ça ». Angela Merkel l’a rappelé en premier dès l’annonce des résultats, consciente de la responsabilité qui pèse sur ses épaules. L’Anglais a certes ouvert la boîte de Pandore, mais qui pouvait le faire mieux que lui ? Il a dans ses gènes cette culture de l’audace et du risque qui le caractérise. Perdre ne lui fait pas peur, c’est juste une question de survie et de dignité... Le Français, malade de l’Europe, comme d’habitude va essayer de jouer toutes les combinaisons et alignements possibles, non pas pour tenter de sauver l’UE dont il se moque, mais pour sauver les élections présidentielles à venir... Il a tout à perdre et constitue indéniablement le maillon faible du dispositif. Sa seule tactique est de prendre tout le monde en otage en jouant médiatiquement la victime idéale afin d’éviter d’être le prochain sur la liste9. Dans cette perspective, plutôt que discourir sur un éventuel « Frexit », il devrait surveiller de près Wolfgang Schäuble qui ne supporte plus notre incapacité à réformer le pays.... 

Quant à l’Allemagne, elle a de nouveau toutes les cartes en main, comme lors de la chute du mur. Aujourd’hui les dirigeants allemands sont face à une nouvelle échéance stratégique avec la mise en échec de cet ultralibéralisme qui a pris les commandes du fonctionnement de notre coexistence européenne. Sauront-ils et auront-ils le temps de mettre en œuvre une stratégie d’apaisement et de reconfiguration politique des institutions et du fonctionnement européen ou seront-ils ceux qui annonceront, comme Gorbatchev et Eltsine pour le communisme, l’acte de décès du rêve européen ? Angela Merkel finira peut-être paradoxalement comme son homologue russe avec un prix Nobel de la paix tout en ayant contribué à rouvrir la boîte de Pandore des convulsions fratricides européennes. Tout repose sur ses épaules, l’Europe étant désormais plus allemande qu’européenne. Dans ce contexte, les Anglais n’ont fait que remettre à l’ordre du jour les vieilles questions de souveraineté et de gouvernance posées depuis 1870 et qui n’ont jamais été véritablement réglées sur le fond. Telle est la morale du Brexit : il ne s’agit que d’un simple retour à la case départ pour tout le monde ! Les masques tombent, l’Histoire toujours tragique frappe de nouveau à nos portes. 

Xavier Guilhou Juillet 2016 

8 Cf. Henri Kissinger. « L’Ordre du monde »,
9 Cf. édito de Xavier Guilhou « Prises d’otage...ou archaïsmes suicidaires » juin 2016 http://www.xavierguilhou.com/Clients/Guilhou/site_xavier.nsf/Libs/PDF.img/$FILE/Prises-otages-ou-archaismes-suicidaires.pdf



  • Edito
    " Brexit, Trump... vous avez dit bizarre, comme c'est étrange "

    Novembre 2016






C) L’enfant sans père 

L’enfant sans père, la famille monoparentale ou unisexuelle : Orwell est dépassé.
Manœuvres, mensonges et reniements marquent le début effectif de l’ère Macron. Ce n’est pas pour surprendre ceux qui avaient su déchiffrer la « pensée complexe » du Président. Cependant, de toutes les révolutions qu’annonce ce quinquennat la plus grave à mes yeux est celle qui prescrit non seulement la destruction de la famille mais surtout le sacrifice des enfants.

De l’Etat Providence , nous sommes en train de passer à l’Etat totalitaire. Le pouvoir politique règle désormais ce qu’il y a de plus intime, de plus personnel dans la vie de tous les Français. Par comparaison, la loi Taubira va paraître anodine, bien que son texte eût prévu des évolutions probables, comme la suppression de toute référence au « père » ou à la « mère » dans les textes législatifs.

Le Président va vraisemblablement suivre l’avis du CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique) en faveur de l‘ouverture de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux femmes célibataires et aux couples unisexuels féminins (les couples masculins devront attendre l’autorisation de la Gestion pour autrui GPA). Que les choses soient claires : ce serait l’autorisation légale de l’ « insémination artificielle avec donneur » (IAD).

La « légitimité » d’une telle disposition est double aux yeux de ses partisans : d’une part, c’est « le droit à l’enfant » qui doit être reconnu à toutes les femmes, et pas seulement à celles qui vivent (au moins quelques heures) avec un géniteur, d’autre part « l’égalité des genres » l‘exigerait : une femme n’a pas à se soumettre à un homme pour enfanter.

L’enfant est exclu des préoccupations du CCNE. Le droit à l’enfant efface le droit de l’enfant. L’avortement est déjà pour l’enfant une interdiction de vivre. Maintenant il est autorisé à voir le jour, mais il devra se passer d’un père. Car le père aurait un lourd passé juridique, hérité d’une époque révolue : celui du Code Napoléon qui allait jusqu’à lui donner le statut de chef de famille. Voilà bien longtemps que d’autres mœurs ont remis le père à sa place, et voici maintenant qu’on peut s’en passer totalement.

A l’image de Rousseau, les législateurs ont tendance à croire que leur rôle est de suivre les mœurs. Il est vrai que « morale » (mores) est un concept holiste et imprécis. Mais les règles sociales éprouvées et acceptées sont le résultat d’un ordre spontané, tandis que nos « progressistes » actuels, comme tous les faiseurs de sociétés parfaites, produisent des règles sociales à partir d’un ordre créé. Donc, la morale est décrétée par le pouvoir politique. La loi consacre la morale.

Une telle conception est à mes yeux aux antipodes et de l’éthique, et de la liberté.
L’éthique ne peut se réduire à la pratique sociale, il y a des mœurs barbares (comme jadis le sacrifice des enfants pour le culte de Baal, comme aujourd’hui l’excision des filles). L’éthique n’est pas l’attribut d’une société, elle est le fruit d’une recherche personnelle : recherche du bien, tout comme l’esthétique est recherche du beau. C’est un attribut réservé à l’être humain, et qui le distingue de tout autre être du règne animal. En revanche, il est au-delà de la raison humaine de définir avec précision une éthique commune : ce serait une « présomption fatale ». Le principe thomiste de l‘inconnaissance (négativité), suggère que le progrès fait son chemin par le jeu des essais et erreurs, c’est un guide plus sûr que les projets politiques. Les comités Théodule (au demeurant nommés par décrets), et les lois scélérates (qui prétendent inventer l’homme nouveau) n’ont aucune réussite à leur palmarès; elles ont conduit au contraire à la ruine et à l’asservissement. Malheureusement aujourd’hui l’orgueil humain est à l’œuvre : le progrès technique rend possible ce qui  était naguère impensable. Donc le techniquement possible devient moralement souhaitable. Le clonage, le transhumanisme sont à nos portes. Mais qui maîtriserait ce « progrès », quel sort attendrait les conservateurs hostiles à ce que nous offrirait la science ?

Le respect de l’être humain devrait nous interdire ce chemin liberticide. Car la liberté ne peut s’assortir d’une coercition, fût-elle « éthique», contraignant les individus au bien tel que défini et imposé par le pouvoir politique. Dans toutes les conceptions libérales de l’Etat et contrairement à ce que pensent certains opportunistes, on n’a jamais considéré l’éthique comme partie du domaine régalien. L’éthique n’est pas affaire régalienne. L’anthropologie libérale est celle d’un être humain en recherche d’épanouissement personnel, doté d’une raison insuffisante pour accéder à la perfection, mais de nature à corriger ses erreurs : celles qui diminuent son humanité et le rabaissent à des pulsions animales. Comme le professent nombre de libéraux, je ne crois pas que la liberté soit un principe absolu. La liberté est un chemin, non une fin. Elle nous est donnée pour aller vers ce qu’il y a de plus humain dans notre nature, vers ce qui nous rend plus digne. La liberté est ordonnée à la dignité. Je n’ai pas ici le loisir d’opposer Hayek et Saint Thomas d’Aquin, mais je crois que l’évolution des règles sociales suit une trajectoire implicite orientée par le droit naturel.

Aucun droit positif ne saurait survivre à l’ignorance de la nature humaine et à l’oubli de la dignité, au respect de la vie et à la beauté de l’amour des enfants.

Jacques Garello
 ALEPS


novembre 17, 2015

Dossier terrorismes et trafic d'armes

L'Université Liberté, un site de réflexions, analyses et de débats avant tout, je m'engage a aucun jugement, bonne lecture, librement vôtre. Je vous convie à lire ce nouveau message. Des commentaires seraient souhaitables, notamment sur les posts référencés: à débattre, réflexions...Merci de vos lectures, et de vos analyses.

Remerciement notamment à M. le Directeur, P. Verluise





Sommaire:

A) Trafic d’armes, l’étude des filières est une démarche majeure dans la compréhension des crises géopolitiques - Par Jean-Charles ANTOINE, le 14 novembre 2015 - Diploweb

B) Géopolitiques des terrorismes - Pierre VERLUISE, le 13 novembre 2015.

C) Terrorisme de Wikiberal

D) Droit au port d'armes de Wikiberal

E) L'attentat du 13 novembre 2015,La guerre est la santé de l'Etat - Par Bertrand Lemennicier



A) Trafic d’armes, l’étude des filières est une démarche majeure dans la compréhension des crises géopolitiques

Le trafic d’armes à feu est devenu emblématique de la marche d’une société. L’analyse géopolitique du trafic d’armes constitue le sujet d’étude transverse qui permet le mieux d’éclairer les véritables enjeux et désirs non dissimulés des acteurs de la géopolitique moderne.
IL y a de nombreux avantages à passer au crible les différentes opérations judiciaires, en France ou à l’étranger, visant à démanteler des filières illégales d’approvisionnement en armes au profit du grand banditisme ou de ce que nous pourrions nommer des « terroristes de voie publique  » [1]. Le premier avantage réside dans le fait de saisir des armes à feu et des munitions susceptibles de tuer des citoyens ou de commettre des actes criminels. La deuxième plus-value de ce type d’opération est la mise hors d’état de nuire des détenteurs illégaux eux-mêmes qui auraient probablement été sur le point d’agir dans l’illégalité (actes terroristes, braquages, réglements de comptes). Pourtant, il existe un troisième avantage souvent ignoré mais pourtant particulièrement crucial : celui de comprendre les mécanismes illicites et les enjeux qui sous-tendent l’action de ces individus dangereux. Cette dernière approche, plus sociétale, devient essentielle.

Rappelons que les filières du trafic d’armes - quels que soient leurs pays d’origine et mises à part quelques tentatives anecdotiques de fabrication artisanale d’armes comme l’a tenté l’ETA dans les années 1980 en désirant copier le pistolet mitrailleur Uzi – proviennent toutes sans exception des marchés légaux. Une arme à feu sort obligatoirement d’une usine de fabrication qui est elle-même le fruit d’une politique industrielle nationale ou privée légale à 99,99%. Il existe par conséquent une volonté réelle de faire « basculer » des armes des marchés légaux (dits « blancs ») vers les marchés illégaux (dits « noirs »), parfois en les faisant transiter par des marchés officieux voire clandestins mais encadrés par des Etats (dits « gris »).

Partant de ce constat, l’analyse des filières illégales, leur suivi, leur cartographie, bref l’étude complète du trafic d’armes à travers le monde, présente un intérêt tout particulier. Il laisse la possibilité de comprendre non seulement les mouvements officiels, officieux et clandestins d’armes et de munitions, mais également les différences entre les discours politiques et les actes sur le terrain par les Etats ou les groupes humains. Il permet de prendre en compte les filières illicites locales qui permettent aux populations de s’armer pour s’organiser en milices devenues des acteurs majeurs lors de tentatives de stabilisation post-conflits de régions entières. Mais plus généralement, comprendre le trafic d’armes oblige tout simplement à lancer les analyses dès la production légale, avec le suivi de ses évolutions techniques qui répondent à la fois aux besoins des combattants des armées et à ceux des Etats eux-mêmes dans leur recherche de puissance.

Les spécialistes actuels ont plutôt tendance à vouloir décrypter l’actualité par le prisme des discours et des actes. Et dans ce cadre, les transactions d’armes sont censées refléter les volontés des acteurs. Or, les situations sont de plus en plus brouillées depuis la fin du monde bipolaire, avec l’émergence d’un certain terrorisme de masse, depuis la création de l’Etat islamique présenté comme le califat sunnite qui renaît de ses cendres tel le Phénix sur fond de conflit israélo-palestinien sans fin prévisible. Les crises géopolitiques sont, nous le savons tous, un ensemble de paramètres évolutifs et complexes qu’il demeure difficile d’appréhender. Et à l’heure de la démultiplication du nombre d’acteurs dans les crises et à différentes échelles, lancer les analyses par le prisme des filières illégales d’armes permet de remonter jusqu’aux acteurs afin de mieux saisir tout l’enchevêtrement des facteurs de ces crises, et des groupes humains qui y interagissent, comme un jeu de piste pour lire le « dessous des cartes ».

Afin de mieux comprendre cette méthode quelque peu inversée par rapport aux études traditionnelles, partons des trois grands types de marchés pour faire ressortir toute l’importance de ces réseaux d’armement dans la marche du monde. Considérons successivement le marché « blanc » de l’armement, ou la recherche traditionnelle de puissance par les Etats-nations (I) ; puis les marchés « gris » des armes à feu et des munitions ou le désir d’influer sur l’évolution du monde sans en prendre la responsabilité (II) ; enfin le marché « noir » des armes, ou le renforcement permanent des acteurs non étatiques (III).

I. Le marché « blanc » de l’armement, ou la recherche traditionnelle de puissance par les Etats-nations

Les Etats-nations ont opéré, depuis les deux conflits mondiaux du XXème siècle, de profonds changements dans leur manière de faire interagir les décisions politiques et les forces armées. Alors qu’auparavant les hommes devaient s’adapter aux progrès techniques pour défendre la nation, depuis le début de la Seconde Guerre mondiale principalement, les usines de fabrication développent des programmes de recherches pour adapter les armements aux besoins des territoires d’engagement et des combattants eux-mêmes.

L’exemple du fusil d’assaut AK 47 illustre pleinement à ce titre cette évolution permanente. Lorsque Mikhaïl Kalachnikov, ingénieur soviétique blessé en convalescence pendant la Seconde Guerre mondiale, reprend en partie le mécanisme du fusil allemand Sturmgewehr 44 (le Stg 44), il fait évoluer l’arme et invente le fusil automatique Kalachnikov sous le nom « Avtomat Kalachnikov  » fabriqué officiellement dès 1947 d’où son appellation « AK 47 ».

Plus d’une décennie plus tard, afin de rationnaliser sa production, d’en réduire son coût et d’alléger son poids, Moscou lance officiellement la nouvelle version de ce fusil sous la forme de l’AKM 59, signe d’une commercialisation plus étendue de cette arme et d’une volonté d’exportation de son produit, donc également de son idéologie. En 1974, dans le but de répondre à un besoin des troupes soviétiques sur les champs de bataille asiatiques et africains, la firme soviétique Izmash lance une version plus courte tirant des munitions de calibre plus petit que le célèbre 7,62 mm. Naît alors l’AK 74 au calibre 5,45 mm afin de rivaliser avec le M16 américain.

Enfin, parallèlement à ce nouveau modèle, afin de répondre une fois de plus à un besoin opérationnel – dans ce cas la nécessité pour les troupes aéroportées soviétiques de se projeter rapidement sur des théâtres d’opérations avec un poids minimum – la même firme se met à produire l’AKS-74U de même calibre mais en version plus compacte et munie d’une crosse repliable [2]. Plus pratique, plus facilement transportable et dissimulable, ce fusil d’assaut devient l’arme d’assaut la plus efficace et verra son utilisation renforcée lors de la guerre en Afghanistan durant la décennie 1980.

Tout au long des quatre décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les chercheurs en armement léger ont su faire évoluer l’arme de départ dans le but d’adapter la réponse opérationnelle aux besoins des troupes armées, donc de la politique des Etats. Lorsqu’un Etat acquiert surtout des armes compactes il est à penser que ses dirigeants cherchent avant tout à privilégier les forces de projection rapide.


Comprendre la production légale d’un Etat permet de saisir à la fois les besoins propres de ses forces armées ou de ses forces de l’ordre, mais également de comprendre comment risquent d’évoluer les Etats acquéreurs, y compris à l’autre bout du monde, même sans réelle garantie de succès opérationnel. La volonté politique de projeter ses forces sur un théâtre particulier laisse donc transparaître tout un ensemble de données techniques qui sont posées sur le papier lors des cahiers des charges. Ainsi en va-t-il du fusil d’assaut français FAMAS. Alors que la France s’engageait plus en profondeur dans le froid des hivers balkaniques, et afin de correspondre aux exigences des normes OTAN, a été conçu le FAMAS G2 à partir de 1994. Il est reconnaissable par la suppression de l’arcade de ponter, qui protège la détente et le sélecteur de tir dans la première version de l’arme, et celle-ci est remplacée par une garde bien plus large censée protéger la main entière et permettre de tirer sans ôter son gant. Un tel fusil d’assaut modifié montre à quel point la France désire pouvoir projeter ses forces par grand froid (Bosnie-Herzégovine, Kosovo et par la suite Afghanistan) mais également lors de missions subaquatiques au moyen des troupes de commandos de marine.

Plus généralement, le choix du type d’armes et de sa production sont également particulièrement significatifs en politique internationale. Lorsque dans la lignée de la Division Internationale du Travail en 1961, Moscou confie à la Tchécoslovaquie, la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie et la Pologne le soin de fabriquer des armes légères, les seuls aspects de proximité géographique avec l’Europe occidentale et de positionnement face à la mer Noire pour exporter par voie maritime l’idéologie communiste à travers le monde ne suffisent à expliquer ce choix. Le manque de confiance envers ces peuples « frères » considérés par le Kremlin comme insuffisamment développés par rapport à la Biélorussie et l’Ukraine, et prompts à trahir, oblige les dirigeants du PCUS à laisser à ces peuples est-européens et balkaniques la fabrication d’armes simples et non stratégiques contrairement au nucléaire ukrainien et russe ou aux armes conventionnelles. Scruter le marché légal de l’armement léger laisse par conséquent la possibilité de détecter certains pans de la géopolitique mondiale ainsi que certaines représentations et idées reçues.

Au-delà de ces choix politiques, la production réelle en armement léger demeure une donnée significative des capacités budgétaires d’un Etat et de sa volonté à accorder ou non de l’importance à la défense de son territoire et des ses intérêts supérieurs. Les budgets alloués sont la marque la plupart du temps d’un désir ou non de se positionner comme une nation indépendante ou à défaut de se protéger sous un parapluie stratégique d’une autre nation plus puissante. Pour autant, il est important de ne pas exagérer cet aspect parce qu’un pays peut réduire son industrie d’armement léger et vouloir continuer à peser sur la marche du monde. La France a notamment fait ce choix il y a maintenant plus de deux décennies et ne possède plus d’industrie de fabrication d’armes d’assaut. Ses forces armées et ses forces de l’ordre s’arment auprès de firmes étrangères souvent européennes, comme ce fut le cas avec le Beretta italien ou le Sig Sauer SP2022 germano-suisse.

Mais de manière générale, lorsqu’un pays décide d’abandonner sa production d’armes, il accepte de faire passer le message selon lequel il met de côté certaines ambitions de puissance au moins régionales et se consacre à d’autres priorités. Le fusil Kalachnikov, qui aura connu de multiples versions à travers le monde, demeure le symbole inaltérable à l’heure actuelle du combat rebelle en général, du faible face au fort, du guerillero contre le soldat étatique, bref du « combattant de la liberté ». Ce symbole aura perduré à travers les décennies de la Guerre Froide jusqu’à nos jours, à tel point que de nombreux criminels se percevant comme rebelles face aux Etats centraux s’arment de tels fusils de nos jours.

Enfin, et pour conclure sur l’importance de déchiffrer les détails qu’offre la production mondiale d’armement léger afin de mieux saisir l’évolution de la marche du monde, il est nécessaire d’examiner les chaines d’approvisionnement « gris » pour analyser les enjeux des acteurs. De telles supply chains montrent soit le soutien apporté, et par conséquent le pays qui est à l’origine de l’armement de forces rebelles, soit le niveau de confiance des forces non conventionnelles dans la technologie choisie ou offerte. L’URSS pouvait se permettre de transporter son idéologie et augmenter son influence à travers le monde durant la Guerre Froide parce qu’elle savait pertinemment qu’elle pouvait s’appuyer sur une technologie fiable, solide, robuste, rustique et endurante des fusils d’assaut Kalachnikov et Dragunov longue portée. Laurent-Désiré Kabila, ex-Président de la République Démocratique du Congo, ne disait-il pas qu’il était « possible de mettre une Kalachnikov dans la boue puis dans l’eau et le sable et de la donner ensuite à un enfant pour qu’il tire  » ?

Signe d’adaptation à tous les milieux naturels, cette arme a véhiculé plus qu’une technologie. Le fusil d’assaut AK-47 a toujours emporté avec lui et exporté une véritable manière d’être, une idéologie de la résistance et du combat, et un témoignage de la confiance dans le matériel léger soviétique comme levier d’influence politique à travers le monde.

II. Les marchés « gris » des armes à feu et des munitions, ou le désir d’influer sur l’évolution du monde sans en prendre la responsabilité

Les distributions discrètes d’armes légères et de petit calibre, ainsi que de leurs munitions respectives par millions [3] au profit d’entités non nationales, ont toujours été un signe plus ou moins masqué de l’aide apportée, par un pays ou un groupe d’Etats, à des forces rebelles. Les filières ni totalement légales ni totalement illégales ont plusieurs buts pour un Etat : faire pression indirectement sur un pays tiers sans devoir se dévoiler officiellement pour pouvoir arriver à une table des négociations en situation favorable, jouer sur la marche du monde en montrant ses capacités de puissance à différentes échelles et finalement instiller ou projeter ses propres valeurs politiques à l’étranger. La Guerre Froide a connu de très nombreux exemples dans ce domaine. Mais cette technique n’a pas disparu depuis 1991, même si elle a su se renouveler dans ses méthodes de communication.

Dans la région du Biafra, dans la partie sud-est du Nigeria particulièrement riche en pétrole, du 30 mai 1967 au 15 janvier 1970 s’est développé un mouvement sécessionniste. Dirigé par le chef des Ibos, Odumegwu Emeka Ojukwu, les sécessionnistes ont abouti à une déclaration d’indépendance en 1967 qui avait pour finalité de décrocher la région du Biafra de l’ensemble de l’Etat fédéral nigerian. Les Ibos majoritairement chrétiens ou animistes éprouvaient le désir de s’émanciper largement de l’ethnie des Haoussas majoritairement musulmans. De très nombreux témoignages ont par la suite montré l’aide indirecte de la France, via le Portugal et Sao Tomé, dans l’appui en armes et mercenaires (dont les célèbres Bob Denard et Roger Faulques) au profit des Ibos dans le contexte de Guerre Froide de l’époque. La France désirait de son côté « affaiblir le géant nigerian  » selon les propres termes de Pierre Messmer alors ministre des Armées, en réponse aux protestations du gouvernement du Nigeria face aux essais nucléaires français à Reggane dans le Sahara algérien.

Trois décennies plus tard, durant la guerre en Bosnie-Herzégovine de 1992 à 1995, des livraisons d’armes officieuses ont été dénoncées par le journal américain le Los Angeles Time, lorsque les Etats-Unis auraient facilité de tels transferts à partir de l’Iran au profit des combattants bosniaques, ce que le président Bill Clinton avait démenti le 9 avril 1996. Toutefois, selon une étude du GRIP, à la fin du conflit, un responsable saoudien a confirmé que l’Arabie Saoudite avait financé à hauteur de 300 millions $ une opération d’approvisionnement en armes et munitions à destination des combattants bosniaques. Ces livraisons se seraient effectuées par voie routière à travers la Croatie et par voie aérienne par l’aéroport de Tuzla [4].

Dans le cadre du conflit actuel en Syrie, depuis l’hiver 2012-2013 et jusqu’à l’été 2013, des livraisons du même type, et officiellement déclarées par des Etats rassemblés au sein du groupe des Amis de la Syrie [5] sous l’égide du gouvernement qatari, ont été menées au profit des éléments de l’Armée Syrienne Libre (ASL). Ces approvisionnements « gris », puisque non inscrits dans des accords commerciaux bilatéraux entre Etats reconnus, sont ciblés et ont pour finalité d’armer les rebelles syriens anti-Assad pour renverser le régime en place.

Ces livraisons « grises » du groupe des Amis de la Syrie marquent à ce titre un véritable tournant dans le domaine de la circulation « grise » des armes et munitions. En effet, alors que quelques décennies auparavant ces démarches étaient clandestines, elles sont désormais totalement assumées lorsqu’elles ont pour but d’apporter un modèle politique démocratique aux pays en guerre.

Cette évolution a pour but de donner une sorte de vernis philosophique et politique à des ambitions de puissance d’Etats désireux d’intervenir dans la marche du monde. Ces ambitions de puissance ont de leur côté pour corollaire une recherche d’équilibre des forces, qui pourrait amener un statu quo et éventuellement un arrêt des hostilités et par conséquent une baisse des décès sur le terrain.

Inversement, ces marchés « gris » sont parfois perçus par les populations comme déstabilisateurs. Pour une partie du peuple syrien, notamment les pro-Assad, ces livraisons interviennent comme des obstables de taille dans ce qu’ils considèrent comme une lutte anti-terroriste à l’intérieur de leur territoire, de la même manière que le ressentaient les troupes allemandes face aux Résistants durant la Seconde Guerre mondiale ou l’armée française face aux indépendantistes algériens jusqu’en 1962. Il est par conséquent intéressant de considérer les deux aspects de la question de ces livraisons, non pour y apporter un quelconque jugement de valeur, mais pour saisir tous les paramètres que ces livraisons d’armes et de munitions permettent d’expliquer ou engendrent.

Soutenir politiquement un mouvement rebelle indépendantiste au moyen de discours est une chose. L’aider en lui enjoignant des cargaisons entières d’armes à feu en est une autre. Et le pas franchi dans ce cas montre à quel point l’Etat (ou le groupe d’Etats) désire(nt) faire aboutir ses (ou leurs) ambitions. Le marché « gris » des armes légères et de petit calibre ainsi que celui des munitions est donc un prisme, une sorte de monoculaire, qui permet à la fois de connaître en détails les intentions des Etats, mais également de voir toute l’implication dont ils font preuve, ou pas, pour faire aboutir leurs ambitions.

Un dernier point dans ce domaine ne doit cependant pas être négligé. Contrairement à d’autres produits dont il peut être fait trafic, les armes ne sont pas à usage unique. Leur durée de vie est la plupart du temps très longue à partir du moment où leur entretien est assuré. Le renouvellement des marchés de l’armement léger, qui concernent des centaines de milliers d’emplois selon les pays, est toujours pris en compte par les gouvernements des Etats.

Ainsi, lorsque les anciens pays du Pacte de Varsovie ont effectué à partir de 1991 leurs transitions politiques, et que leur positionnement désormais sous le parapluie de l’OTAN les obligeait à adapter leurs armes à feu du calibre 7,62 mm au calibre 5,56 mm, des quantités astronomiques d’armes issues des anciens stocks militaires soviétiques ont pris le chemin des conflits africains. Ces mouvements ont permis d’une part un renouvellement des stocks mais également un renouveau de la production pour maintenir un emploi stable dans ces usines de fabrication. L’inverse aurait déstabilisé des pans entiers de ces économies nationales et aurait risqué de pousser les populations à vouloir revenir à la situation ante, à savoir le régime communiste.

Les filières clandestines existaient auparavant puisque des pays comme la Bulgarie, la Hongrie ou la Roumanie avaient déjà pour mission pendant la Guerre Froide de produire – depuis la Division Internationale du Travail en 1961 – et de fournir aux mouvements communistes révolutionnaires des armes et des munitions pour mener à bien leurs combats sur le terrain. Ces filières « grises » préexistantes ont donc tout naturellement facilité ces fournitures.

Les mouvements « gris » d’armement léger et de munitions sont donc un symptôme, celui de la volonté franche ou non des Etats de soutenir des entités politiques plus ou moins reconnues, mais également celui d’une situation sociale infra-étatique significative à un moment donné. Les embargos sont des décisions politiques susceptibles de freiner les livraisons d’armes, mais les contours définis de ces embargos sont les meilleurs atouts pour pouvoir les contourner à des fins politiques ou macroéconomiques.
L’analyse géopolitique du trafic d’armes, le suivi des filières illicites d’approvisionnement en armes légères et en munitions, ainsi que la compréhension du mécanisme global qui régit ce marché « noir » sont des fondamentaux de la géopolitique moderne.

III. Le marché « noir » des armes, ou le renforcement permanent des acteurs non étatiques

Par marché « noir » des armes et des munitions, il faut comprendre l’acquisition et la revente d’armes de différentes origines entre particuliers ou groupes de particuliers en dehors de toute légalité et de toute décision politique. A dire vrai, il est vraisemblable qu’aucun pays au monde n’est à l’abri de ce type de criminalité, quelles que soient les motivations des acheteurs. Les lois et les réglements étatiques étant par nature très différents d’un pays à l’autre, les filières du trafic d’armes à feu jouent de ces différences en traversant les frontières pour répondre à des besoins criminels ou d’autoprotection. Les filières d’approvisionnement ne sont alors en réalité que la concrétisation manifeste du désir de s’armer. Désir qui perdurera sans cesse si les Etats cherchent avant tout à éteindre les filières illicites plutôt que d’éteindre l’envie de les faire naitre.

D’anecdotique, le trafic d’armes à feu est devenu emblématique de la marche d’une société. Sur des théâtres d’opérations, de telles filières totalement clandestines et criminelles existent toujours. Cet état de fait est dû à l’absence de structures étatiques suffisamment fortes pour faire régner l’ordre et l’absence d’application d’un code pénal ayant cours sur ces territoires. Pour autant, même dans des zones totalement démocratisées et stables où un code pénal est appliqué, il arrive que des filières entièrement illicites prennent corps au profit des membres du grand banditisme local. Sans nécessairement établir un lien direct permanent entre ces deux types de territoires, il est absolument indéniable que les premiers d’entre eux – les territoires où les Etats sont faillis ou en guerre – servent de manière conséquente par la suite aux livraisons d’armes et de munitions à destination des seconds – les territoires aux structures nationales fortes – et l’actualité le met en exergue de plus en plus depuis deux décennies.

Divers acteurs non étatiques ont émergé au fil des décennies autour de ce thème du trafic « noir » d’armes. Leurs motivations étaient et demeurent totalement différentes les unes des autres : certains pour l’analyser et le comprendre, d’autres pour l’utiliser.

Des ONG toujours plus nombreuses sont nées du désir de combattre à travers le monde ces filières illégales d’approvisionnement. C’est le cas de Small Arms Survey (programme de recherche indépendant basé à Genève au sein de l’Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales depuis 1999) , dans la foulée d’autres ONG précédentes comme OXFAM (OXford committee for FAMine relief créée en 1942) ou Amnesty International (créée en 1961) qui avaient développé des départements internes pour analyser cette circulation des armes illégales au sein des conflits. Des groupes de chercheurs comme le GRIP (Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité créé à Bruxelles en 1979) en ont également fait un de leurs sujets majeurs de recherche.

Face à ces combats menés par des chercheurs ou des acteurs de la société civile, des trafiquants ont émergé à la suite de l’effondrement des deux blocs politiques majoritaires en 1991. Ces trafiquants se sont enrichis et certains même ont fait fortune en armant illégalement, à l’échelle d’un conflit entier ou uniquement au profit de simples membres des grands banditismes européens, des acteurs criminels en farouche opposition avec leurs Etats centraux. Les buts de ces acteurs sont soit l’enrichissement (trafic de drogues, d’êtres humains, de véhicules, d’organes…), soit la destruction des structures étatiques (le terrorisme de différentes religions ou idéologies). De manière exceptionnelle, une petite minorité de ces acteurs non étatiques sont parvenus, grâce à l’armement qu’ils avaient amassé et dont ils se servaient dans les combats sur le terrain, à constituer des Etats autoproclamés. Ce fut le cas de la République Autoproclamée de Transnistrie (1992), mais quelques années plus tard le Kosovo (17 février 2008) et de nos jours l’Etat Islamique (DAECH, 29 juin 2014).

Sans aucune reconnaissance étatique initiale, les responsables des groupes identitaires décidés à se « détacher » territorialement, politiquement et parfois religieusement de leur centre d’origine, sont parvenus à leurs fins grâce à la terreur qu’ils ont su instaurer au sein des populations, ou encore des batailles armées qu’ils ont su gagner face aux forces en présence. Le trafic d’armes leur a permis de constituer de manière durable de véritables armées, et par conséquent de pouvoir décider eux-mêmes, sans aucune approbation internationale, de la création d’un Etat. L’utilisation de la violence armée est donc (re)devenue constitutive de la création d’Etats.

L’enjeu du trafic d’armes et de sa compréhension est par conséquent de taille et nettement plus pesant qu’il ne pourrait y paraître : appréhender en profondeur ce phénomène consiste à regarder les outils de puissance des acteurs, quels qu’ils soient, par le prisme de leurs armes illégalement acquises. Car c’est bien de la puissance de feu qu’il est question, celle de l’adversaire en mesure ou non de mener les protagonistes d’un combat à la table des négociations avec plus ou moins d’avantages. Un adversaire sans grande puissance de feu et sans forte capacité d’approvisionnement durable et de mobilisation de ses forces est à coup sûr moins considéré et pris au sérieux qu’un acteur surarmé. Rappelons à ce sujet la célèbre phrase de J. Staline le 13 mai 1935 en réponse à une question du ministre français P. Laval portant sur le respect du catholicisme en Russie : « Le Pape, combien de divisions ?  ».

A l’inverse, à la table des négociations, un protagoniste bien armé et solide fait peur. Sa puissance de feu impressionne et possède plus de chances d’imposer ses exigences au potentiel vaincu. L’idée même des rapports de force et des luttes d’influence réside dans ce concept. En cela, l’analyse géopolitique du trafic d’armes, le suivi des filières illicites d’approvisionnement en armes légères et en munitions, ainsi que la compréhension du mécanisme global qui régit ce marché « noir » sont des fondamentaux de la géopolitique moderne.

Il serait même assez logique et cohérent de définir le marché « noir » d’armes à feu comme un des « thermomètres » du niveau de refus par les populations du modèle politique existant sur le territoire d’un Etat, mais également du niveau de confiance des populations dans ce même modèle politique censé les défendre. Si certains habitants s’arment illégalement par choix de la rivalité envers leur Etat central, cet acte signifie qu’ils ne lui reconnaissent plus aucune légitimité politique. Pour d’autres, par peur des acteurs illégaux versés dans les trafics juteux, s’armer illégalement constitue une sorte d’acte de courage car ils ne reconnaissent plus dans leur Etat la capacité à les défendre au quotidien. Des milices naissent alors, des caches d’armes conséquentes se constituent. Mais dans les deux cas, le fait d’acquérir une arme en dehors de la loi est le symptôme d’une forte rivalité naissante, voire d’un désir de changement de modèle politique, quand celui-là même est imposé de l’extérieur.

Au risque de verser dans une quelconque « lapalissade », la possession illégale d’une arme à feu est le fruit d’une volonté de détenir un outil de puissance de nature à faire peur à son adversaire. Cet adversaire peut être l’Etat, et par conséquent les différentes forces publiques qui le servent et font rêgner les lois et réglements, mais également l’adversaire commercial lors de transactions douteuses, ou encore l’oppresseur ou le groupe ressenti comme tel.

Quoiqu’il en soit, le trafic d’armes et son augmentation doivent être considérés comme des symptômes d’un changement, ou à défaut, d’une volonté de changement. Le marché « noir » des armes et de leurs munitions, issu nécessairement du marché « blanc » puisque, rappelons-le, chaque arme est fabriquée dans une usine légale, est une thématique qui permet de comprendre les volontés de puissance des divers acteurs géopolitiques à travers le monde. Plus encore que cela, l’analyse géopolitique du trafic d’armes constitue le sujet d’étude transverse qui permet le mieux d’éclairer les véritables enjeux et désirs non dissimulés des acteurs de la géopolitique moderne.

Avant de déterminer des solutions adéquates pour lutter contre le trafic mondial d’armes légères et de petit calibre, il convient de saisir toute l’ampleur de ce trafic, mais également de le considérer non comme un sujet d’étude en marge de la géopolitique classique, mais bien comme un thème susceptible d’éclairer toutes les facettes de la géopolitique mondiale actuelle : les désirs de puissance, les besoins de protection, le poids des actions officielles, officieuses ou clandestines, mais également de comprendre les tactiques utilisées. S’imaginer « faire » de la géopolitique sans prendre en compte les outils qui offrent de la puissance à ses acteurs risque de devenir désormais et pour longtemps un véritable non sens.

Il est plus que probable qu’une nouvelle forme de sécurité est en passe d’émerger sur l’échiquier mondial, sorte de compromis permanent entre les forces publiques et privées de sécurité ou une superposition entre les Etats et différents acteurs s’arrogeant un certain monopole de l’usage de la force armée. L’acquisition illégale d’armement léger renforce la puissance de ces acteurs non étatiques criminels. L’heure est peut-être venue de d’appréhender ce nouveau modèle sécuritaire en gestation sous ses aspects géopolitiques en développant une « géopolitique de la sécurité publique ». Ce nouveau prisme intellectuel permettrait d’analyser ce potentiel équilibre des forces mais également la répartition des acteurs de la sécurité ou de l’insécurité sur la voie publique, ainsi que les enjeux forts qui y sont liés.

Par Jean-Charles ANTOINE, le 14 novembre 2015

Docteur en géopolitique de l’Institut Français de Géopolitique Paris 8. Il est spécialisé sur le thème du trafic mondial d’armes légères et de petit calibre. Ses recherches actuelles portent sur l’adaptation de la méthode géopolitique aux missions des forces armées et des forces de l’ordre, et plus particulièrement sur le thème de la sécurité publique.





B) Géopolitiques des terrorismes

Sommaire:

Géopolitiques des terrorismes 
Contre-radicalisation : que faire ?
Westgate Shopping Mall à Nairobi, Kenya : une attaque contre un lieu emblématique d’une Afrique mondialisée
L’Iran face à la crise syrienne  
Djihadistes : quelles actions ?
De la torture  
La Direction du Renseignement Militaire (DRM)
Les défis du renseignement militaire  
D’Al Qaida à AQMI, de la menace globale aux menaces locales
Premières rencontres européennes sur la menace terroriste et la lutte contre le terrorisme
Crime organisé : géopolitique d’un phénomène criminel  
La dimension géopolitique des opérations spéciales  
La guerre iranienne contre le terrorisme. Le cas du Jundallah  
Assassinats par drones : un cadre juridique ambigu
Lutte contre l’Etat Islamique : ambiguïtés, faux semblants et opportunités
Non, les Occidentaux ne doivent pas intervenir militairement au Moyen- Orient
Le Yémen en crise. Essai d’analyse géopolitique  
Géopolitique des risques. Jean-François Fiorina s’entretient avec Xavier Raufer
Al Qaida au Sahara et au Sahel. Contribution à la compréhension d’une menace complexe  
A-C Larroque, "Géopolitique des islamismes", Puf

Afin de lire ces différents chapitres de multiples auteurs spécialistes, merci de cliquer ICI
Géopolitiques des terrorismes
La Compil’ 1. Géopolitiques des terrorismes
Voici un livre pdf composé de 19 contributions, dont G. Chaliand, P. Conesa, B. Puga... ISBN : 979-10-92676-01-3

Pierre VERLUISE, le 13 novembre 2015.




C) Terrorisme de Wikiberal

Le terrorisme consiste en la pratique, par une personne, un groupe ou un État, de crimes violents destinés à produire sur leur cible (la population) un sentiment de terreur, souvent bien supérieur aux conséquences réelles de l'acte. Le terrorisme vise la population civile en général ou une de ses composantes, une institution ou les structures d'un État. L'objectif peut être d'imposer un système politique, de causer des destructions à un ennemi ou de déstabiliser une société, d'obtenir la satisfaction de revendications politiques, religieuses, racistes, séparatistes, etc.
Raymond Aron définit le terrorisme ainsi :
Une action violente est dénommée terrorisme lorsque ses effets psychologiques sont hors de proportion avec ses résultats purement physiques.
Partout et de tout temps, on observe que le terrorisme est le meilleur allié de l'accroissement de la coercition du pouvoir d'Etat ; il est d'autant plus nécessaire, en période de tension, de ne pas fléchir sur les principes de base des sociétés libérales.

Origine

Le mot terrorisme (ainsi que terroriste et terroriser) est apparu pour la première fois au XVIIIe siècle, durant la Révolution française, pendant le régime de la Terreur, lorsque le Comité de salut public dirigé par Robespierre exécutait ou emprisonnait toutes les personnes qui étaient considérées comme contre-révolutionnaires.
Le mot a plus tard évolué pour désigner aujourd'hui les actions violentes visant spécifiquement les populations civiles, faites dans le but de détruire, tuer et de mutiler. Les terroristes privilégient en effet les cibles civiles plutôt que les opposants armés.
Ces attaques ont pour but de promouvoir des messages à caractère politique ou religieux par la peur, ce qui différencie le terrorisme des actes de résistance visant à se libérer d'une occupation en détruisant les institutions politiques des occupants ou en assassinant ses représentants.

Les différents types de terrorisme

Il existe trois grands types de terrorisme :
  • le terrorisme individuel (nihiliste)
  • le terrorisme organisé (extrême-gauche, extrême-droite, islamisme)
  • le terrorisme d'État.
La terreur d'État a fait dans l'histoire beaucoup plus de victimes que la terreur d'en bas, celle du faible contre le fort.
Le premier épisode terroriste connu, rapporté par Flavius Josèphe, est celui des Zélotes, qui luttent en Palestine au Ier siècle après J.-C. contre l'occupant romain. La secte ismaïlienne des Assassins se fait connaître par ses actions violentes en Iran et en Syrie du XIe au XIIIe siècle. Autour de 1860, les mouvements nihilistes développent des actions terroristes en Russie. 


Terrorisme intellectuel 

Le terrorisme intellectuel est la pratique qui, au moyen d'arguments et de procédés intellectuels (conformes en général à la liberté d'expression), vise à intimider pour empêcher la formulation d'idées gênantes. C'est une censure idéologique qui vise à empêcher de parler de tout ce qui ne rentre pas dans les grilles de l’idéologie, et qui sera dénoncé par le politiquement correct comme étant un dérapage. C'est un moyen de favoriser ses propres idées et donc soi-même en tant qu'incarnation de ces idées (intellectuel défendant son statut, parti visant la conquête du pouvoir). La politique est un des domaines privilégiés du terrorisme intellectuel, mais la culture, l'enseignement, etc. n'en sont pas exempts.
« Le terrorisme intellectuel, ce sont les moyens que mettent en œuvre ceux qui savent très bien qu'ils ont tort pour empêcher que les objections les atteignent. Ils n'ont pas d'autres méthodes. »
    — Jean-François Revel
« Qu'appelle-t-on terrorisme intellectuel ? Le fait de vouloir déconsidérer une personne qui exprime des opinions au lieu de les réfuter par des arguments. »
    — Jean-François Revel
« C'est un système totalitaire. Mais d'un totalitarisme patelin, hypocrite, insidieux. Il vise à ôter la parole au contradicteur, devenu une bête à abattre. À abattre sans que coule le sang : uniquement en laissant fuser des mots. Les mots de la bonne conscience. Les mots des grandes consciences. Les mots qui tuent. »
    — Jean Sévillia, Le terrorisme intellectuel : De 1945 à nos jours, éd. Perrin, 2004
Parmi les procédés habituels qui sont au cœur du terrorisme intellectuel : l'emploi de la censure, de sophismes, le relativisme, le polylogisme (l'opinion ne compte pas, c'est la situation sociale de celui qui parle qui compte), la diabolisation, l'emploi de motvirus ("ultra-libéralisme", "néolibéralisme" ), les obstacles moraux au consentement, la dénonciation d'un "complot libéral", etc.
En France, il existe plusieurs procédés de terrorisme intellectuel utilisables facilement pour éviter tout débat :
  • le classique "point Godwin" qui consiste à mettre son adversaire sur le même plan que les Nazis (argument ad hominem utilisé quand l'adversaire est à bout de ressources) ;
  • spécifiquement français, le "point Poujade" permet de clore tout débat sur la fiscalité ou le rôle de l'État : "tu n'es qu'un égoïste ordinaire, tu veux seulement payer moins d'impôts" ;
  • le "point fasciste" est souvent une conséquence logique du "point Poujade" : "tu es contre la solidarité et pour le darwinisme social". George Orwell observait (déjà à l'époque du fascisme) que « le mot fascisme n’a plus aucun sens, si ce n’est dans la mesure où il recouvre quelque chose d’indésirable ».
  • le "point c-u-l" ("c'est ultralibéral") : quand les procédés précédents apparaissent trop datés et trop usés, l'accusation inusable d'"ultra-libéralisme" permet de qualifier l'adversaire d'extrémiste, comme si la liberté (confondue avec l'anomie) relevait d'une idéologie arbitraire, tolérable tant qu'elle ne serait pas "extrémiste".
Voir aussi La gauche en France

D) Droit au port d'armes de Wikiberal 

Pour la plupart des libéraux, le droit de porter des armes relève de la liberté individuelle et du droit à l'auto-défense. Il serait absurde, pour un libéral, de défendre le droit à la vie, et en même temps d'empêcher les personnes de se défendre comme elles l'entendent.
Comme dans le cas de l'interdiction de la drogue, la prohibition ne profite qu'à ceux qui ne la respectent pas (marché noir, trafics), tandis que ceux qui se conforment docilement à la loi sont les premières victimes. 

Raisons de l'interdiction du port d'armes

L'État trouve intérêt à réprimer le droit au port d'armes pour des raisons de "sécurité publique". Quand bien même l'État aurait légitimité à protéger les gens d'eux-mêmes (un paternalisme que les libertariens refusent), force est de constater sa défaillance quotidienne à protéger les citoyens des délits et crimes. L'État, qui est le plus grand acheteur (ou vendeur) d'armes, bombes, missiles, avions de chasse, etc., est mal placé d'un point de vue moral pour défendre une telle interdiction. La prohibition du port d'armes participe à la réduction des libertés, l'histoire montre qu'il s'agit là d'une des premières décisions que mettent en œuvre les dictatures (par exemple le nazisme en 1933[1]).
La raison cachée de l'interdiction du port d'armes est le risque de rébellion de la population (ou d'une partie de la population) contre l'oppression étatique. La propagande étatique dissimule cette vraie raison en invoquant le prétexte du risque d'une augmentation de la criminalité si le port d'armes était libre. L'examen du droit positif au fil de l'histoire montre clairement cette raison cachée, comme le prouve l'interdiction de port d'armes uniquement pour la population noire des États-Unis au XIXe siècle, ainsi que pour les Indiens en Inde sous la colonisation britannique.

Objections courantes 

  • Le port d'armes n'est défendu que par quelques « fêlés de la gâchette ».
C'est un argument ad hominem classique : n'osant pas attaquer un droit légitime, on attaque ceux qui défendent ce droit. Les policiers et les soldats sont-ils des "fêlés de la gâchette" ? On peut retourner l'argument contre ceux qui l'emploient en procédant comme eux à une attaque ad hominem : ils souffrent d'hoplophobie, peur irrationnelle des armes à feu et des personnes armées.
  • Légaliser la vente, la détention et le port d'armes, c'est accepter que les gens se fassent justice eux-mêmes.
La légitime défense n'a rien à voir avec le fait se faire justice soi-même. Elle consiste à utiliser la force en dernier recours pour empêcher ou stopper une agression. "Cette loi dit que tout moyen est honnête pour sauver nos jours, lorsqu'ils sont exposés aux attaques et aux poignards d'un brigand et d'un ennemi : car les lois se taisent au milieu des armes ; elles n'ordonnent pas qu'on les attende, lorsque celui qui les attendrait serait victime d'une violence injuste avant qu'elles pussent lui prêter une juste assistance" (Cicéron).
  • Le port d'armes libre profite aux criminels (ou aux déséquilibrés).
Les criminels se soucient peu de la loi et pourront toujours être armés (dans tous les pays où le port d'armes est limité, il y a un marché noir des armes très actif et assez facile d'accès[2]) ; en réalité la prohibition profite avant tout aux criminels, leurs victimes étant désarmées. Aux États-Unis, la logique qui interdit le port d'armes sur un campus quand n'importe qui peut y pénétrer et tirer sur des gens désarmés (« tueries scolaires ») est criminelle. Il faut noter que dans l'esprit des révolutionnaires de 1789, établir un contrôle des armes revenait à instaurer de nouveau des privilèges :
« Il est impossible d’imaginer une aristocratie plus terrible que celle qui s’établirait dans un État, par cela seul qu’une partie des citoyens serait armée et que l’autre ne le serait pas ; que tous les raisonnements contraires sont de futiles sophismes démentis par les faits, puisque aucun pays n’est plus paisible et n’offre une meilleure police que ceux où la nation est armée. »
    — Assemblée nationale, séance du mardi 18 août 1789,, Le Moniteur universel, n° 42, p. 351
Mirabeau était d'avis d'inscrire ce droit dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, il avait même proposé l'article 10 suivant (article 11 dans les Mémoires de Mirabeau) :
« Tout citoyen a le droit d’avoir chez lui des armes et de s’en servir, soit pour la défense commune, soit pour sa propre défense, contre toute agression illégale qui mettrait en péril la vie, les membres ou la liberté d’un ou plusieurs citoyens. »
Cependant, les membres du Comité des Cinq[3] considérèrent que « le droit déclaré dans l’article 10 non retenu était évident de sa nature, et l’un des principaux garants de la liberté politique et civile que nulle autre institution ne peut le suppléer »[4]
  • Le port d'armes libre augmente la criminalité.
On constate que la légitime défense a un effet dissuasif, les pays (États-Unis, Suisse…) où règne une relative liberté de port d'armes, sont aussi des pays plus avancés que le reste du monde du point de vue du respect des libertés individuelles et n'ont pas une criminalité supérieure, au contraire. D'après Pierre Lemieux, les taux de crimes violents sont 81% plus élevés dans les États restreignant plus sévèrement le port d’armes[5].
Il est en fait très difficile d'établir une corrélation entre la quantité d'armes à feu en circulation et le taux d'homicide. Des pays où les armes à feu sont interdites ont des taux d'homicide bien supérieurs à celui des États-Unis. En Suisse, le port d'armes est resté libre de 1848 à 1998, et la première fusillade de masse n'est survenue qu'en 2001 (14 morts le 28/09/2001 au parlement de Lucerne) deux ans après la prohibition du port d'armes passée au niveau fédéral en 1999. On estime qu'il y a encore dans ce pays de 4 à 6 millions d'armes à feu pour une population de 8 millions d'habitants. 
  • Puisque la fonction d'une arme à feu est de tuer, elle devrait être interdite.
Cette conception souvent avancée est erronée. Une arme à feu peut également avoir comme fonction de menacer un agresseur dans le but de se défendre (ou seulement de le blesser pour le mettre hors d'état de nuire). Un usage passif, à but défensif, de l'arme à feu est parfaitement légitime, n'enfreint les droits de personne et permet au contraire de protéger ceux de son propriétaire. Tuer n'est en réalité qu'une des fonctions possibles d'une arme à feu au même titre que pour les voitures par exemple (on peut se servir d'une voiture pour écraser quelqu'un, mais les voitures ne sont pas prohibées pour autant). Si les armes à feu devraient être interdites parce qu'elles permettent de tuer des gens, on ne voit pas pourquoi cette interdiction ne concernerait pas également les policiers, les gendarmes et les militaires, qui doivent souvent tuer des malfaiteurs ou des ennemis.
  • Les gens armés menacent l'ordre en réduisant l'efficacité d'intervention de la police.
C'est plutôt l'inverse qui se passe. Il y a moins de raisons pour la police d'intervenir dans un environnement auto-dissuasif, où les malfaiteurs savent qu'ils ne sont pas mieux armés que leurs victimes potentielles. Ensuite, cela rétablit un certain équilibre des forces : la police ne peut plus devenir un instrument de coercition et d'arbitraire.
  • Le port d'armes entraîne de la part de l'État une surveillance accrue des citoyens, car la population devient alors une menace bien plus importante pour la sûreté de l'État en cas de troubles ; ainsi si le libre port d'armes augmente la liberté individuelle, il entraîne la réduction d'autres libertés.
Ce point de vue est infirmé par les divers classements mondiaux (dont Reporters Sans Frontières) des pays du point de vue du respect des libertés individuelles ou du point de vue de l'indice de démocratie de The Economist Group. Le port d'armes s'intègre de façon cohérente dans l'ensemble des libertés individuelles ; dès lors qu'il est autorisé, il serait incohérent de voir les libertés restreintes sur d'autres plans d'importance égale. 

 
E) L'attentat du 13 novembre 2015, la guerre est la santé de l'Etat

L’État d'urgence, le Congrès de Versailles, les prémisses d'une déclaration de guerre "officielle" à Daech ? A quoi cela sert-il de déclarer la guerre à des groupes privés qui ne sont pas des États ?

Alger 1957, autres temps, mais même problème, même sauvagerie et les islamistes étaient déjà là avec le FLN, mais comme le disait Yacef Saadi, c'était pour la bonne cause: l'indépendance et la sécession d'avec l’État français.

La nature profonde des États est de faire la guerre. Cela permet d'étendre les pouvoirs des hommes qui nous gouvernent et de les concentrer dans les mains de quelques uns d'entre eux. De toute façon, ils font constamment la guerre soit aux autres États et s'il n'y en a pas ils la font à leurs propres concitoyens (la guerre, la drogue, le tabac, les armes, les trafiquants en tous genres, le chômage, les hauts revenus etc.). Paradoxalement au lieu d'emporter ces divers combats, ils ne font que les accroître. Ce qui fait dire à beaucoup de gens que l’État moderne n'est pas la solution mais le problème.

Dans leur quête du pouvoir absolu, les gouvernants nous privent de nos vies soit en nous tuant massivement et brutalement (dictatures), soit en taxant massivement nos moyens de vivre (démocraties). En fait entre Bashar al Assad et François Hollande, la différence n'est pas si sensible qu'on veut nous fe faire croire puisque l'un tue par les armes une fraction de sa population au profit d'une autre pour préserver son pouvoir et celui de son clan (les Alouites) et l'autre vole une fraction de sa population (les riches) au profit de sa clientèle électorale, ils ont en commun de commettre tous deux des actes politiques qui constituent une violation flagrante des droits naturels et imprescriptibles de l'homme : "Article II du préambule de la constitution de la V ième République :

Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme, ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression").

Le problème du terrorisme contemporain au moyen orient, et dans le reste du monde, est le produit de l’État moderne occidental. Il est donc illusoire d'attendre de cette institution une solution. Il est ironique qu'un groupe privé religieux, dit islamique, aux idéaux universalistes, s'empare de territoires et y installe sa loi mettant en échec les frontières des États locaux modernes issus des accords secrets "Sykes-Picot" de 1916 entre anglais et français. Ces entités n'ont jamais été des États-nations, en dépit de la volonté de certains (Lawrence d'Arabie) de créer une nation arabe. Tant que les occidentaux refuseront l'émergence spontanée d'une fragmentation par sécession des États du Moyen Orient en plus petits États, homogènes à la fois religieusement, culturellement et politiquement, (la République Alaouite de Bachard el Assad avec le soutien des Russes, s'il n'arrive pas à reprendre le contrôle des grandes villes comme Aleps, Oms et Damas -le reste de la Syrie n'est qu'un grand désert-. L'autre formule, fragile, est celle du Liban avec une forme de partage politique du pouvoir entre les diverses communautés religieuses qui font de cet État un État qui n'a rien d'occidental, les islamistes vaincront. 
 
Le Djihad est une guerre juste du point de vue des islamistes "ad Bellum" et injuste "in Bello" car son arme essentielle est de tuer un maximum de tiers innocents. Les occidentaux répondent par une guerre injuste "ad Bellum" (en voulant exporter par les armes, s'il le faut, un régime politique démocratique, comme si la démocratie majoritaire était le meilleur des régimes politiques) et une guerre juste "in Bello" en évitant le plus possible de frapper des tiers innocents. Cette asymétrie n'est pas à l'avantage des occidentaux car une guerre doit être juste à la fois "ad Bellum" et "in Bello). Le terrorisme paradoxalement renforce chez les hommes politiques la prétention de faire une guerre juste en utilisant les concepts de droit naturel de" légitime défense et de droit de suite (intervention au sol en Syrie), concepts dont ils interdisent l'utilisation à leurs propres concitoyens en contrôlant le droit de porter et d'utiliser les armes et en décidant eux-mêmes, si vous utilisez votre arme légalement obtenue, pour vous défendre, si vous étiez vraiment en état de légitime défense et si votre riposte est proportionnelle au dommage attendu ! 
 
Le plus simple semble-t-il, mais c'est sans doute trop tard, eut été de laisser ces États locaux régler leurs problèmes entre eux sans intervention occidentale.
 
Bertrand Lemennicier
 
La lutte contre le terrorisme par Bertrand Lemennicier, janvier 2013
Guerre et Politique étrangère par M. Rothbard, 1978
La notion de guerre juste par Bertrand Lemennicier, mars 2003
Le terrorisme et le 11 septembre 2001 par Bertrand Lemennicier 2001
Légitime défense et droit de porter des armes par Pierre Lemieux 1993



 
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